Mercato - PSG : Qatar, France... Pourquoi Emmanuel Macron a fait irruption dans le dossier Mbappé
Bernard Colas -
Journaliste
Passionné de sport, de cinéma et de télévision (à l’écran comme derrière) depuis son enfance, Bernard est journaliste pour le 10 Sport depuis 2018. Plus habile clavier en main que ballon au pied, il décide de couvrir principalement un sport adulé, critiqué et détesté à la fois (le football) et un sport qui n’en est pas un (le catch).

Très loin d’une prolongation il y a quelques mois, Kylian Mbappé a finalement décidé de poursuivre sa carrière au Paris Saint-Germain. Un dossier dans lequel de nombreuses personnes ont tenu un rôle, dont le chef de l’État Emmanuel Macron. 

« J'ai choisi de prolonger mon contrat au Paris Saint-Germain. J’ai la conviction qu'ici je peux continuer à grandir au sein d'un club qui se donne tous les moyens pour atteindre les sommets. » Après plusieurs mois d’hésitation entre un départ au Real Madrid et une prolongation au PSG, Kylian Mbappé a finalement opté pour la deuxième option, pour le plus grand plaisir des supporters parisiens. À l’inverse, les dirigeants et suiveurs du Real Madrid se sont réveillés avec la gueule de bois ce dimanche, étant persuadés jusqu'à samedi que le Bondynois allait décider de rejoindre la capitale espagnole après cinq années du côté du Parc des Princes. Ces dernières semaines, le10sport.com vous avait révélé que le PSG avait pourtant rattrapé son retard avec un Kylian Mbappé à l’écoute des arguments du club, qui ont finalement fait mouche. Mais l’état-major qatari n’a pas été le seul à mettre du sien pour convaincre le Bondynois de rester, et le nom d’Emmanuel Macron tient une place particulière dans ce dossier. 

«  Il vaut mieux se battre pour qu’il reste dans le championnat français », commentait Macron en avril

Alors qu’il entame son second mandat à la présidence de la République, Emmanuel Macron semble avoir son importance dans le renouvellement du bail de l’international français jusqu’en 2025. Dès le mois de février, le quotidien espagnol El Mundo révélait que le chef de l’État faisait le forcing en interne, au même titre que son prédécesseur Nicolas Sarkozy, pour inciter Mbappé à rester à Paris. Interrogé sur ces rumeurs, Emmanuel Macron n’avait pas démenti son implication au cours d’un entretien accordé à l’émission Quotidien durant la campagne du second tour. « Il vaut mieux se battre pour qu’il reste dans le championnat français parce que c’est quand même un immense joueur. » Une sortie qui n’était pas la première du genre puisque le président de la République avait déjà conseillé au joueur de rester à Paris l’été précédent, quelques jours avant le début de l’Euro au micro de RMC. « Le PSG est un très grand club, qui a su le faire grandir et je pense que c’est important qu’il reste au PSG. Pour le club, pour le championnat français ». Et cette fois-ci, c’est en interne que le président réélu aurait oeuvré dans ce dossier dépassant le cadre du sport comme l'a de nouveau affirmé ESPN et Goal ces dernières heures.

« Pour Macron, commencer le mandat avec un Mbappé qui partirait, c’est un peu comme si quelqu’un rachetait la Tour Eiffel »

Les dessous géopolitiques du feuilleton Kylian Mbappé ont indiscutablement influencé le choix du principal intéressé. En plus du Qatar, déterminé à conserver sa tête de gondole à quelques mois du Mondial, la France avait également tout intérêt à ne pas voir partir le Bondynois. En ligne de mire notamment, les Jeux olympique de Paris en 2024, événement tenant à cœur à l'international tricolore, mais d'autres enjeux plus importants rentrent en ligne de compte. « Ces informations sont plus que probables pour deux raisons : Kylian Mbappé n’est pas qu’un joueur de foot. Quand vous parlez de lui à l’étranger, c’est comme la Tour Eiffel, la mode, la gastronomie. On parle de la France, on parle de Mbappé, confie Laurent Neumann sur BFMTV. C’est une marque mondiale, pour l’attractivité du pays, c’est important. Il n’est pas anodin que le président de la République s’en préoccupe, mais il y a une deuxième raison, poursuit l’éditorialiste de la chaîne d’information. Ce sont les liens économiques et commerciaux entre le Qatar et la France. Depuis 2008, Nicolas Sarkozy a fait signer une convention fiscale entre les deux pays qui fait que le Qatar ne paye pas d’impôts en France sur les dividendes, les plus-values immobilières ou les gains sur capitaux. Depuis cette date, le Qatar a beaucoup investi en France, dans des palaces, des entreprises du CAC 40, on parle de plusieurs milliards d’euros d’investissement. Mais il y a le contexte, et là ça fait écho à l’actualité. Il se trouve que le Qatar est le cinquième pays producteur de gaz naturel, et tous les pays européens sont en train de chercher à diversifier leurs fournisseurs. Ce n’est pas par hasard si l’émir du Qatar fait un tour d’Europe en ce moment, il était à Madrid il y a quelques jours, il va passer par Londres, la Slovénie, certains disent qu’il pourrait venir à Paris, il ira à Davos. Pourquoi ? Pas pour parler foot et Mbappé, mais parler de gaz et de développement économique. On peut imaginer, ce serait cohérent, que le président de la République dise à Mbappé : "il y a d’autres raisons qui font qu’on voudrait te garder à Paris" », analyse Laurent Neumann. Une version appuyée par Bruno Jeudy. « Deux acteurs sont au cœur de cette affaire pour aider à retourner une situation qui semblait perdue. Nicolas Sarkozy, très proche du PSG et du Qatar, qui a actionné tous les moyens pour influencer et retourner la décision de Mbappé. Et Emmanuel Macron, pour différentes raisons. Il a une relation personnelle avec Mbappé depuis la Coupe du monde 2018, il l’a souvent eu au téléphone. (…) Par ailleurs, si on prend un peu de hauteur, Mbappé fait partie du patrimoine français, c’est le symbole aussi de l’attractivité de la France qui se joue peut-être dans cette affaire. Et pour Emmanuel Macron, président réélu, commencer le mandat avec un Mbappé qui partirait, c’est un peu comme si quelqu’un rachetait la Tour Eiffel », explique le rédacteur en chef politique et économie de Paris Match sur BFMTV.

« Si Emmanuel Macron a décroché son téléphone » pour Mbappé, « il sait comment bât le coeur d'un pays », juge Bayrou

En juin 2021, Emmanuel Macron avait de son côté affirmé à RMC qu’il se refusait de prendre partie dans un dossier de la sorte. « Jamais je ne mettrai de pression à un joueur au sujet de son équipe. Ce sont des choix très personnels, très intimes, que je respecte. » Pour autant, le résident de l'Élysée n’hésitait pas dans le même temps à vanter les qualités sociales et morales de l’attaquant du PSG, en plein cœur de la crise du Covid-19. « C’est une belle personne. C’est quelqu’un qui est très mûr pour son âge. Il a été élevé par son père et sa mère dans des valeurs de respect, de collégialité. Il porte ces valeurs. Il veut aider la jeunesse qui vient de quartiers plus en difficulté, qui a été moins aidée par la vie. Et il tient à la France. Le rôle qu’il a joué pour la vaccination et pour inciter les jeunes à se faire vacciner en est une preuve supplémentaire. Je l’ai remercié pour ça. » Du côté de l’Élysée, on ne confirme pas les informations faisant état d’une implication d’Emmanuel Macron dans le nouveau bail de Kylian Mbappé, même si le maire de Pau François Bayrou ne serait pas surpris d’une telle révélation, lui qui est l’un des proches du chef de l’État. « Quand vous commencez la question en disant "est-ce qu’un président doit se dire c’est bon pour mon pays et donc je décroche mon téléphone", la réponse est oui. Rien de ce qui est national ne doit être étranger à un président de la République digne de ce nom. Ça ne veut pas dire compromission, sortir de son rôle, mais ça veut dire en tout cas qu’il sait comment bat le cœur d’un pays », commentait ce dimanche le Haut-commissaire au Plan et président du MODEM sur BFMTV. « Le secret des conversations, on ne le connaîtra jamais. Seuls les intéressés peuvent en parler », estime Laurent Neumann, mais Emmanuel Macron avait en tout cas de bonnes raisons de se mêler de cette histoire. « Si l’information n’a pas été confirmée, elle est probable », conclue le journaliste.

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