Pour la première fois de son histoire, l'élite du surf mondial s’est retrouvée à Abu Dhabi pour la deuxième étape du Championship Tour, sur une vague artificielle. Les piscines à vagues se multiplient à travers le monde, avec de nombreux projets en cours, notamment en France.
L’élite du surf mondial s’est donnée rendez-vous pour la première fois de son histoire à Abu Dhabi, pour la 2e étape du Championship Tour de la saison. Après la mythique vague de Pipeline il y a quelques jours, les stars du CT s’affrontaient depuis ce vendredi sur une vague artificielle aux Émirats arabes unis. Faire surfer ses athlètes hors de l’océan est loin d’être une nouveauté pour la WSL, qui avait pris l’habitude depuis plusieurs saisons de se rendre dans le ranch de Kelly Slater en Californie, pour consacrer une manche de son championnat du monde à ce type de vague, de plus en plus répandue dans le monde.
De plus en plus de piscines à vagues dans le monde
Ces dernières années, les piscines à vagues se sont en effet multipliées aux quatre coins de la planète (Australie, États-Unis, Brésil, Allemagne, Grande-Bretagne, Suisse…). En France de nombreux projets ont tenté d’émerger, sans qu’aucun ne puisse aller au bout. Plusieurs dossiers sont encore d’actualité. État des lieux.
Une piscine à vagues près de Bordeaux ?
C’est certainement le projet qui fait le plus parler, mais qui est aussi le plus pointé du doigt. À Canéjan, dans la banlieue de Bordeaux, un quatuor de passionnés de surf est à la tête d’un projet de surfpark doté de deux bassins de 100 et 160 mètres de long. Sur le même modèle et avec la même technologie (Wavegarden) que les bassins existants en Suisse, en Allemagne ou encore en Grande-Bretagne, ce surfpark accueillerait à la fois des surfeurs amateurs, mais aussi des professionnels qui viendraient s’y entraîner. Très présents sur les réseaux sociaux, les promoteurs à la tête du projet ont énormément communiqué sur le fait que leur surfpark, construit sur un ancien parking dans une zone industrielle, consommerait moins d’eau qu’une piscine municipale. Ils ont obtenu un permis de construire, mais se sont heurtés à différents opposants et notamment aux associations écologiques, qui remettent en cause la future consommation d’eau du projet et comptent bien faire annuler la construction du surfpark. « Ce projet ne nous semble pas du tout répondre aux exigences liées au changement climatique. Nous nous y opposons totalement », résume Vanessa Balci, militante de l’association Surfrider. Réponse de Nicolas Padois l’un des quatre promoteurs du projet : « Ils ont le droit de ne pas vouloir de vague artificielle, mais nous, nous avons aussi le droit d’en vouloir une et il y a un cadre légal, qui dit si oui ou non on peut en faire une. Par ailleurs, nous faire passer pour les pires pollueurs du monde... J’ai grandi sur la côte, je suis hyper sensibilisé à tout ça depuis tout jeune, je fais partie d’une commission qui veille à la qualité de l’eau… je n’ai rien à prouver. »
La bataille des chiffres fait rage entre les promoteurs à la tête du projet et les différentes associations qui ont attaqué le projet ces dernières années. L’écart est tel que la mairie de Canéjan a finalement demandé à la justice de trancher. Un expert judiciaire devrait rendre son verdict dans les prochaines semaines. Néanmoins, peu importe sa décision, les opposants au projet resteront inflexibles : « Que le projet soit considéré comme légal au regard de la loi actuelle en France c'est une chose, mais pour nous il reste quoi qu'il arrive illégitime pour aujourd'hui et l'avenir. Lancer un tel projet en 2025, après les mégafeux de 2022 et avec des nappes phréatiques sous tension... », soupire Vanessa Balci.
De son côté, Nicolas Padois reste confiant : « La levée de fonds a été verrouillée, le contrat avec Wavegarden signé et les premiers travaux ont commencé. On est plus que jamais certain que le surfpark verra le jour. On mise sur des premières vagues qui déferleraient à Canéjan en 2026. »
Un Atoll d’Okahina à Poitiers en 2026, avant Paris et Libourne ?
Les atolls de la société Okahina Wave ne sont, eux, pas dans le viseur des associations écolos. Il faut dire que leurs projets sont différents de celui du surfpark de Canéjan. Si dans la banlieue bordelaise on parle de la construction de bassins qui seront remplis d’eau, les atolls d’Okahina Wave viennent, eux, prendre place sur des plans d’eau déjà existants. « Notre technologie pour générer des vagues est radicalement différente. Pour résumer, il y a eu une première génération de vagues artificielles dans des piscines à vagues et nous, nous arrivons avec une nouvelle génération. Nous n’avons pas besoin de béton, nous n’artificialisons pas les sols, nous ne les imperméabilisons pas non plus et nous ne consommons pas d’eau. Par ailleurs, nos atolls flottants sont entièrement démontables en quelques semaines », présente Laurent Hequily, fondateur d’Okahina Wave. L’entreprise française, lancée en 2015 a breveté sa technologie et continue d’avancer sur trois projets en France, mais aussi aux États-Unis. Concrètement, la première vague artificielle d’Okahina Wave pourrait être accessible au printemps 2026 à Poitiers, au Futuroscope. Reste que si les vagues d’Okahina pourraient attirer des surfeurs professionnels sur d’autres sites, elles conviendront surtout dans un premier temps aux surfeurs amateurs avec des vagues de 60 cm à 1m20, sur le site du Futuroscope. « Notre technologie est capable de faire des vagues faciles, mais aussi des vagues tubulaires voir très tubulaires », promet néanmoins Laurent Hequily, dont l’entreprise prévoit de s’implanter par la suite en région parisienne et à Libourne en région bordelaise.
Des futurs champions grâce aux vagues artificielles ?
Parmi les arguments entendus du côté des défenseurs des projets de vagues artificielles, le côté sportif revient régulièrement. Le quatuor de promoteurs à la tête du projet du surfpark de Canéjan met d’ailleurs l’accent sur cet aspect : « Le volet sportif c’est notre priorité. Est-ce qu’un tel outil peut permettre à certains champions d’éclore ? C’est une évidence. Regardez la percée des surfeurs et des surfeuses basques espagnols ces dernières années. Ils vont depuis leur plus jeune âge sur la vague artificielle de Wavegarden au Pays basque espagnol pour s’entraîner. Forcément c’est un outil précieux. Ça pousse vers l’excellence. » Les vagues artificielles offrent en effet des conditions et une régularité inégalable pour travailler techniquement. Et la Fédération française de Surf, qui n’écarte pas la possibilité d’envoyer ses surfeurs s’entraîner sur les vagues artificielles déjà existantes en Europe, garde forcément un œil sur les différents projets hexagonaux, que ce soit le surfpark de Canéjan ou les vagues artificielles d'Okahina.
Il faut dire que si ces dernières années les résultats des surfeurs français sont plutôt satisfaisants, ils reposent essentiellement sur des surfeurs ultramarins et les métropolitains, malgré la réputation des spots français semblent avoir de plus en plus de mal à percer. La faute, notamment, à des conditions parfois capricieuses pour s’entraîner.
Nicolas Padois reprend : « Sur le côté écologique, beaucoup de surfeurs qui vont sur la cote viennent en fait de la métropole bordelaise. Ils font de la route pour venir. Les jeunes qui veulent s’entraîner pour les compétitions bougent beaucoup aussi, que ce soit en voiture, ou en avion. Là, ils auraient une option à côté. »
Un argument retoqué par Vanessa Balci de l’association surfrider gironde : « Ça me pose problème qu'on accorde 20 millions de litres d'eau potable à minima, à quelques surfeurs, professionnels ou non, qui payeront leur entrée dans ce surfpark. » Et de poursuivre ironiquement : « Je serai d'accord pour que l’on construise un surfpark le jour où tous ceux qui vont y prendre une carte signeront un contrat qui dirait qu'ils n'iront plus jamais sur une vague naturelle sur le littoral et que plus jamais ils ne prendront un avion pour aller surfer à Bali, à Hawaï, au Maroc ou au Portugal. Rajouter une vague ne fait que rajouter une vague de plus à mettre à son palmarès... Je suis désolé, mais le surf à l'origine est une communion respectueuse avec la nature. C'est tellement arrogant de penser qu'on va faire mieux que la nature. Ce n'est pas ça le surf, ça ne pourra jamais l'être. »
La fédération française reste prudente
Contactée par Le 10 Sport, la FFS explique via un communiqué : « Pour la Fédération française de Surf, les vagues artificielles sont un équipement sportif qui peut trouver sa place dans le développement de la pratique du surf par des publics éloignés de celle-ci notamment pour des raisons géographiques ou pour des raisons physiques en particulier pour l’initiation de personnes en situation de handicap. Cet équipement sportif peut également, en complément de l’entraînement en milieu marin, permettre la préparation des sportifs de haut niveau. Cependant la construction de cet équipement sportif pour obtenir le soutien de la Fédération française de Surf doit respecter des critères environnementaux (…) Aujourd’hui les chiffres annoncés par les promoteurs et par leurs opposants sont très éloignés, des compteurs ne sont pas installés sur les parks de même nature en fonctionnement, ceci ne permet pas à la Fédération française de Surf de se faire une opinion sur la réalité de la consommation d’eau prévisionnelle de l’Académie de la Glisse de Canéjan. Par conséquent nous sommes dans l’incapacité malgré les annonces initiales à date de soutenir le projet de Canéjan. »