EXCLU - Giuly : «Je bouillonne à l’idée de prendre en main une équipe !»
La rédaction

Après une brillante carrière de joueur, Ludovic Giuly (44 ans) s’est reconverti au poste d’entraîneur. Au sortir d’une première expérience d’adjoint à l’AS Monaco, il aspire à s’asseoir dès que possible sur un banc. Aussi dynamique sur le terrain qu’en interview, coach Giuly a les crocs. Et il le dit !

Vous aviez déjà l’envie d’entraîner quand vous étiez joueur ? Ah pas du tout (rire). Quand j’étais joueur, je me disais : « Moi entraîneur ? Même pas en rêve ! ». J’étais concentré sur ma carrière et point barre. J’ai bien mis 7/8 ans avant que les terrains et les vestiaires me manquent. Et aujourd’hui, je ne pense qu’à ça. C’est compliqué la transition, de joueur à entraîneur ? Mais tu n’imagines pas… On te demande d’effacer 20 années de ta carte mémoire d’un coup, comme ça. Joueur, entraîneur… C’est incomparable. Sur le moment, tu te dis que c’est la pire chose qui puisse t’arriver : tu dois réapprendre, repenser, remettre en perspective. Ça n’a tellement rien à voir. C’est un switch total, ce sont deux univers tellement différents. Alors certains joueurs, mais ils sont très très rares, y arrivent. Un mec comme Xavi par exemple, avec qui j’ai passé mes diplômes d’entraîneurs en Espagne, il était déjà entraîneur avant même de terminer sa carrière de joueur. Mais ces mecs-là font partie d’une autre planète… Tu as senti que « Xavi coach », c’était quelque chose ? Ah mais tellement... Il est au-dessus, ça se voit et ça se sent tout de suite. J’étais avec Xavi, Raul, Xabi Alonso, Victor Valdes… Mais Xavi, attention, il a déjà plus que tous les autres. On peut s’attendre à le voir débarquer à Barcelone ? Oui, je pense. Il attend le bon moment. Mais il a déjà tellement de choses pour être un bon coach. Avec peu de « moyens », dans le sens où il n’a pas les meilleurs joueurs, il a déjà réussi à prouver ce dont il était capable. Au Qatar, on le laisse travailler. Il a un staff de malade… Il se fait les dents là-bas, avec une carte blanche. C’est parfait pour un entraîneur qui démarre…

« Aujourd’hui, j’ai tellement de choses à donner, à apporter »

C’est précisément ce qu’il vous faudrait pour lancer votre carrière, un projet sur plusieurs années ? C’est le plus intelligent, de travailler dans la durée. Tu impliques tes joueurs, ton vestiaire et tous les gens du club. Mais on ne va pas se mentir, la situation économique du moment n’aide clairement pas ce type de projet à voir le jour. Et à donner sa chance à un jeune entraîneur, sans grande expérience. L’expérience, vous l’avez. Lyon, Monaco, Barcelone, PSG, champion de France, d’Espagne et une Ligue des Champions. Ça doit suffire pour rassurer, non ? C’est sûr que ma carrière parle pour moi (sourire). Mais je suis un tout jeune entraîneur, avec juste une expérience comme entraîneur adjoint à Monaco. Pourquoi ne pas être resté à Monaco, d’ailleurs ? Avec le temps, peut-être que l’opportunité de prendre l’équipe première se serait présentée ? Parce qu’on ne m’a pas proposé de rester (sourire). C’était effectivement mon ambition. J’ai joué 8 ans à Monaco, je connais parfaitement le club, son histoire, j’habite juste à côté (Mougins)… Je pensais qu’on aurait pu m’utiliser pour prendre en mains le club de Bruges (club satellite de l'AS Monaco), par exemple, pour faire la liaison et donner encore plus de sens au projet. Ça me semblait cohérent, logique. Visiblement, ce n’était pas logique pour tout le monde, mais c’est comme ça. Des discussions avec des clubs, des sélections, des projets ? Oui, quelques-unes. Avec une sélection africaine notamment, mais je me rends compte que c’est difficile, en tout cas en France, de faire confiance à un jeune entraîneur. De mon point de vue, je pensais qu’on aurait pu avoir besoin de moi dans un club de Ligue 2, de National, notamment pour commencer. J’ai connu le très haut-niveau, j’ai mis les mains dans le monde amateur, à Chasselay. J’ai même été entraîneur-joueur et on a réussi à sauver le club, avec Noël Tosi. Aujourd’hui, j’ai tellement de choses à donner, à apporter. On sent vraiment votre motivation. Vous avez vraiment les crocs ? Ah mais totalement ! Je suis ultra motivé, comme peu de gens je pense. Et je sais ce que c’est que de donner sa chance à quelqu’un. Jean Tigana m’a tendu la main, je lui ai prouvé ma reconnaissance et ma fidélité par la suite, en le suivant à Monaco. Je connais la valeur de ces choses-là. Mais je sais aussi que le monde du football arrive les deux pieds dans une crise et qu’on a plus tendance à se tourner vers des entraîneurs que l’on connaît plutôt que d’aller confier les rênes de son équipe à un entraîneur qui démarre.

« L’entraîneur doit s’adapter aux qualités et caractéristiques de son groupe »

Le coach Giuly, il ressemble à quel type d’entraîneur ? Vos influences ? Je vais être honnête avec toi, je n’ai pas de modèle ou d’inspiration. J’ai croisé de très, très grand entraîneur dans ma carrière. Des gens avec qui je suis toujours en contact et avec qui j’échange régulièrement, pour prendre des conseils notamment. Mais je pense d’abord qu’un entraîneur doit s’adapter à son groupe. Je ne vais pas faire du Deschamps, du Blanc ou du Génésio juste pour faire du Deschamps, du Blanc ou du Génésio, ça n’a pas de sens. Si j’ai en face de moi un groupe qui n’adhère pas à ce type de management, c’est inutile, je vais dans le mur. Entre l’effectif du Barça et celui de Dijon, avec tout le respect que j’ai pour Dijon, ce n’est pas la même chose. L’entraîneur doit s’adapter aux qualités et caractéristiques de son groupe. Vous avez quand même des principes de jeu, des choses qui vous tiennent à cœur ? Bien sûr qu’il faut des principes de base, un socle de travail. Mais dire que je veux du jeu, de l’engagement, des bonnes mises en place tactique, de l’agressivité… Tous les coachs veulent ça parce que c’est ça le foot ! Tu ne peux pas dire « Je veux ça, je veux ce type de football » si tu n’as pas les joueurs pour le faire. Moi, je dis ce que je veux en fonction des joueurs que j’ai. Une nouvelle expérience en tant qu’adjoint, ça vous tenterait aussi ? Je veux entraîner. Je veux faire ce métier. Je bouillonne tellement je veux faire ça. Aujourd’hui, c’est ça ma première caractéristique. L’envie, la motivation. Et dans toute ma carrière, j’ai été droit. J’ai toujours dit et fait les choses clairement. Et je continuerai de faire la même chose. Entraîneur adjoint ? Bien sûr que ça m’intéresse puisque c’est être dans un vestiaire, une équipe, un projet. Le souci, c’est que les entraîneurs en poste ont tous peur de perdre leur place. J’ai l’impression qu’en me prenant, ils ont le sentiment de faire entrer le loup dans la bergerie : si jamais ils sautent, c’est moi qui prends l’équipe derrière. Moi, je suis prêt à leur signer un contrat stipulant que s’ils sont virés, je pars aussi ! Je ne suis pas un… Je n’ai jamais été comme ça. Les coups de couteau dans le dos, pas pour moi. Vous pensez que le football, notamment le football français, va se relever de cette crise ? Je pense même que la crise va vraiment faire du bien au football français. Parce que la trajectoire n’est plus la bonne. Les transferts, les salaires… On est parti dans des sphères qui ne sont pas bonnes. Quand tu dépenses plus de 100 millions d’euros pour Cristiano Ronaldo ou Messi, aucun problème. Ce sont des extraterrestres, ils valent ces sommes-là. Mais les autres joueurs… Quand je vois Monaco qui dépense 20 millions d’euros sur Geubbels, alors que le petit n’a pas 18 ans ? 20 millions d’euros, sérieusement ? Il est doué, il a plein de choses pour réussir. Mais 20 millions d’euros pour jouer trois matchs en CFA, on marche sur la tête. Avec 20 millions d’euros, tu peux acheter 2 ou 3 joueurs et faire bien d’autres choses. C’est le mercato d’hiver. Entraîneur, vous vous tourneriez vers quel type de joueur ? Des joueurs de devoir. Des soldats, principalement. Ca ne fait pas une équipe que d’avoir uniquement des joueurs prêts à aller au combat. Mais ils sont tellement importants pour un groupe. En pleine saison, c’est généralement le profil de joueurs dont on a besoin. Travailleur ou revanchard. Je pense notamment à Todibo, le petit qui est parti au Barça. Il a besoin d’être restructuré par un entraîneur, parce qu’il est sûrement parti trop tôt à Barcelone. Tu ne passes pas de Toulouse au Barça comme ça, sans avoir connu la Ligue des Champions, l’Equipe de France, le haut-niveau. En Ligue 1, vous iriez sur quels joueurs ? J’aime bien les profils comme Adli (Bordeaux) et Aouchiche (ASSE). Créateur, technique, inventif. Une équipe a besoin de cette insouciance, de cette créativité. Même si c’est cher, Fabregas, c’est du solide. Il sait gérer le jeu, un groupe. En attaque, des garçons comme Andy Delort à Montpellier ou le petit Valère (Germain) à l’OM. Mentalement, Delort est vraiment fort. Valère Germain, ça bosse, ça ne fait pas de bruit et c’est intelligent. Alors c’est sûr que ce n’est pas un mercato de rêve (rire) mais bon, c’est la crise, on s’adapte. Et la mentalité des joueurs est parfois aussi importante que le talent.

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