Voile - Éric Bellion : «Il n’y a rien au-dessus du Vendée Globe»
Ludovic Vigier

Après avoir été contraint à l’abandon suite à une avarie majeure lors de la Transat Jacques Vabre, Éric Bellion est déjà tourné vers son objectif principal : le Vendée Globe dont le départ sera donné le 10 novembre 2024. Avec de grandes ambitions et un bateau tout neuf et révolutionnaire…

Vous avez subi une avarie majeure sur la dernière Transat Jacques Vabre, stoppant votre saison. Comment se remet-on d’un coup dur pareil ? C’est sûr que c’est un véritable coup dur. On s’est préparé toute l’année pour cette course et pas qu’une année ! Accoucher d’un bateau neuf, ça représente plus de 3 ans de travail. Quand on a tapé cet OFNI (objet flottant non identifié, responsable de la casse structurelle du bateau) ça a été une grosse déception et une profonde tristesse. Pour moi mais aussi pour toutes les personnes impliquées dans ce projet. Plus de 180 personnes ont travaillé sur ce projet-là. Il y a également les partenaires, des partenaires qui ont mis leur confiance et leur argent. C’est la première fois que je dois abandonner une course en 20 ans de navigation, ça a forcément un goût très amer. On se relève parce qu’on n’a pas le choix, qu’on doit avancer, il faut tenter et essayer des choses. J’ai toujours pensé que sur le chemin il y avait plus de solutions que de problèmes. Je me raccroche au fait que même si je ne l’ai pas voulu, j’ai signé pour ça. Ça fait complètement partie de l’aventure, l’accepter comme tel est primordial. Notre sport est un sport mécanique exigeant, le Vendée Globe c’est une course par élimination, le premier qui craque s’arrête. Ça a été très compliqué de voir les autres skippers traverser l’Atlantique alors que j’étais à terre. Je sais qu’à la fin quand on aura bouclé cette aventure on sera hyper fiers de ce qu’on a fait. Votre prochaine échéance majeure est la course qui est considérée comme la plus difficile des épreuves, le Vendée Globe. Qu’est-ce qui attire les marins sur cette course extrême ? C’est justement ça qui attire les marins, c’est LA course extrême, y’a rien au-dessus du Vendée Globe. Il n’existe rien de plus dingue sur terre. Aucune course, aucune discipline, aucun sport ne demande à une femme ou à un homme de partir aussi loin, aussi longtemps, aussi seul dans des conditions extrêmement dures. On passe un gros tiers de la course dans l’océan austral, où y’a des tempêtes et des vagues qui font le tour du monde sans aucune terre pour les arrêter. Je passe ma vie à démontrer que c’est en faisant des choses différentes avec des gens différents qu’on est heureux. Donc je m’étais promis que le Vendée Globe je le ferai qu’une fois, qu’ensuite je ferai autre chose. Mais grâce à ce premier Vendée Globe en 2016-2017, j’ai découvert que j’avais des ressources extraordinaires, une relation apaisée à la peur et j’ai ressenti une harmonie forte, une sorte d’état de grâce avec la mer et mon bateau. Ça s’est arrêté quand j’ai mis le pied à terre et j’ai envie d’aller le retrouver ! À ça, s’ajoute le graal ultime : construire son propre bateau et partir faire le Vendée Globe avec. C’est absolument fabuleux. Le Vendée Globe c’est aussi un rapport très fort à la nature. Moi j’ai eu cet éveil mystique, je me suis senti extrêmement vivant et légitime dans ce monde. C’est aussi cette part de magie que j’ai envie de retrouver. 

« Notre bateau, il coûte 5 millions d'euros »

Un bateau pour faire le Vendée Globe, ça coûte combien ? Notre bateau, tout compris, prêt à aller naviguer, à faire le tour du monde, il coûte 5 millions d’euros. C’est nettement moins cher que les autres bateaux de course qui sont aujourd’hui aux alentours de 8 millions d’euros. Pour votre premier Vendée Globe, vous aviez terminé 9ème mais surtout meilleur bizuth. Quels sont vos objectifs pour cette édition 2024 avec ce nouveau bateau ? Être le plus performant possible. J’ai une façon très précise d’atteindre cet objectif : donner le meilleur. À la fois aujourd’hui à terre dans la préparation mais aussi lorsque je serai seul en course face aux éléments. Je ne fais pas mieux que dans certains arts martiaux où on peaufine le geste et on oublie l’objectif et si le geste est parfait l’objectif sera atteint. Ce qui est sûr c’est que ce bateau neuf doit pouvoir rivaliser avec les meilleurs. Il est fait pour les courses longues, en solitaire, où la machine ne peut pas dépasser l’homme, car c’est l’homme qui est limitant. Mon objectif c’est de me battre aux avant-postes.

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