Contraint à l’abandon après une escale technique aux Malouines pour réparer son bateau, Éric Bellion veut quand même en finir avec son Vendée Globe en ramenant seul Stand as One- Altavia, même s’il est hors course. Durant son escale, il a accepté de répondre aux questions de quelques enfants qui se sont passionnés pour son parcours et qui sont déjà impatients de le voir repartir dans quatre ans.

Gaspard S, 11 ans : Bonjour Éric j’ai suivi ton parcours et je trouve que c’est ouf ce que tu fais. J’ai une petite question pour toi : comment ça se passe les toilettes à bord d’un bateau pendant aussi longtemps ?
Salut Gaspard, ta question est géniale parce que personne ne la pose et je te remercie de le faire. Quand tu es allé aux toilettes, c’est le meilleur moment sur le bateau parce que c’est le truc le plus compliqué à faire. Le bateau bouge énormément : il tape, il saute, il donne des coups dans tous les sens. La plupart du temps c’est compliqué de se tenir debout. C’est compliqué de se déplacer, on doit se tenir partout. Donc comment tu fais pour aller aux toilettes ? Il y a parfois des moments où je me pose la question. Quand on a vraiment besoin d’aller aux toilettes, on a du mal à réfléchir et sur un bateau il faut beaucoup réfléchir. Donc quand le temps est calme, je fais mes besoins par-dessus bord en me sécurisant. Soit sur le côté du bateau, soit à l’arrière et quand c’est trop fort je fais mes besoins dans le cockpit, un peu derrière. Parce que je sais que des vagues vont arriver et qu’elles vont emmener tous mes besoins. C’est pas très glamour, mais ta question est super importante parce que c’est notre quotidien. C’est un des sujets les plus compliqués. Quand on a vraiment pu aller aux toilettes, on se sent beaucoup mieux.
Julie, 11 ans : Avec mes parents on suit beaucoup ton parcours depuis le début. Quand tu as croisé l’iceberg, quelle a été ta réaction ? Tu as eu peur ?
Pour l’iceberg, j’ai eu peur quand la direction de course m’a appelé en me disant : « il y a un iceberg devant toi et il va falloir faire très attention de ne pas rentrer dedans. On va te donner des informations, mais on ne sait pas exactement où il est. Sois très vigilant ». C’était le 1er janvier, c’est la première information que j’ai eue de l’année 2025. Pendant tout ce moment, j’allais très vite. Le bateau était très très rapide et j’avais branché mon radar pour voir s’il y avait quelque chose. J’étais très tendu et j’avais peur. Je suis arrivé à l’endroit où ils pensaient que l’iceberg était et il n’était pas là. Donc j’ai continué à aller très vite et j’ai eu une trace sur mon radar. Ça a commencé à sonner, j’ai eu une alarme et je me suis écarté de l’endroit où il y avait la trace. À un moment j’ai vu l’iceberg quand j’étais en train de rentrer dans mon bateau. Quelque chose a accroché mon regard et c’était cette masse blanche immense, grosse comme un gros cargo qui était juste à tribord, sur la droite de mon bateau. Bizarrement, ça m’a rassuré de le voir, je savais qu’il était là. J’ai eu peur parce que je sais que les gros icebergs donnent naissance à plein de petits icebergs. C’était un peu la roulette russe, mais j’ai accepté ça. Mais à partir du moment où j’ai vu l’iceberg, au fond de moi j’étais mieux et j’ai commencé à accélérer.
Gabin, 7 ans : Comment tu fais pour réparer ton bateau ? Tu as des outils pour le réparer ?
Oui j’ai plein d’outils à bord. J’ai une trousse à outils qui a été faite avec mon équipe. Je n’ai pas que des outils, j’ai aussi du matériel pour réparer la coque de mon bateau avec du carbone. J’ai de quoi réparer mes voiles, mes cordages. J’ai aussi du matériel pour réparer mon moteur, mon système électrique, mon informatique, mes systèmes hydrauliques, mes systèmes de fabrication d’eau douce… J’ai des tuyaux, de la ficelle, plein de choses. C’est le truc du Vendée Globe : comme c’est sans assistance, on doit prévoir un maximum de choses pour réparer nous-mêmes. C’est tout le challenge, tout le défi qu’on a : continuer d’avancer sans demander de l’aide. Là, malheureusement, je suis arrivé à un point où je ne pouvais pas réparer tout seul, mais pendant deux mois, tous les problèmes que j’ai eus, je les ai réparés avec mes outils.
Emma, 11 ans : Quelle est la première phrase que tu vas dire à ta femme quand tu la verras ?
Elle est super ta question. La première chose que je vais dire à ma femme c’est « qu’est-ce que tu m’as manqué ! » en la serrant dans mes bras. Et je suis sûr qu’elle va me donner ma petite fille dans mes bras et je vais leur dire à quel point elles m’ont manqué toutes les deux parce qu’elles m’ont vraiment beaucoup manqué.
Victor, 11 ans : Je suis ton parcours depuis le début, mais j’ai une petite question pour toi : tu vas manger quoi en premier quand tu vas rentrer chez toi ?
Je vois que c’est vraiment une question très très pertinente. Parce que c’est sûr que pendant deux mois on mange toujours un peu la même chose. Même si mon équipe m’a beaucoup gâté et que j’ai eu des choses très sympas à manger dans mon bateau. Je ne suis pas du tout malheureux, mais c’est un peu toujours la même chose, c’est très répétitif. Quand je vais rentrer chez moi en Bretagne dans le Finistère Sud où j’habite, je vais aller dans une crêperie et je vais aller manger des crêpes bretonnes salées, sucrées… ça me manque beaucoup les bonnes crêpes du Finistère.
Gaspard W, 10 ans : J’ai beaucoup suivi ton parcours et j’ai été très déçu quand j’ai appris que tu avais été contraint d’abandonner. Même si tu as abandonné cette fois-ci, est-ce que tu voudras recommencer le Vendée Globe dans 4 ans ?
Salut Gaspard et merci. C’est une sacrée question parce que j’ai pas encore fini mon Vendée Globe (rires). Je suis bloqué aux Malouines pour réparer mon bateau et tu me demandes si je veux repartir ? C’est quatre ans d’aventures, de sacrifices énormes pour faire le Vendée Globe. Ce n’est pas juste trois mois de ma vie. C’est un sacrifice total. En plus, on travaille en famille. Tu imagines que c’est une aventure dans laquelle il y a beaucoup de hauts et beaucoup de bas. Il y a des déceptions, mais aussi beaucoup de joies. C’est vraiment une entreprise très exigeante qui demande 100% de sacrifices. On dédit toute notre vie à ça, on ne fait que ça. Pour répondre à ta question : oui j’ai plutôt envie. J’ai plutôt envie de continuer parce que je suis totalement amoureux de mon bateau et que j’aimerais bien le ramener sur la course quand il sera bien fiable, que je le connaîtrai super bien et que je serai super rapide avec. C’est ce que je me suis dit pendant la course : « oh j’aimerais bien revenir en ayant vraiment du temps pour m’entraîner avec le bateau, pour bien le fiabiliser et bien le connaître. Pour faire une course où je suis moins en découverte ». Écoute je suis en train de parler avec des entreprises, des gens extraordinaires et si ça marche avec ces gens-là, s’il y a une dynamique commune et une relation très forte entre nous… si tout cela est réuni, oui je vais essayer de revenir sur le Vendée Globe 2028 oui. C’est un scoop parce que je ne l’ai encore jamais dit à personne.