EXCLU - Eliaquim Mangala : «Je me donne encore 5 ans»
Alexis Bernard -
Rédacteur en chef
Footballeur presque raté, j’ai choisi le journalisme car c’est l’unique profession qui permet de critiquer ceux qui ont réussi. Après avoir réalisé mon rêve de disputer la Coupe du Monde 2010 (en tribune de presse), je vis de ma passion avec le mercato et les grands événements sportifs comme deuxième famille.

Il y a 10 ans, Eliaquim Mangala devenait le défenseur le plus cher de la planète foot avec un transfert à Manchester City estimé à près de 54 millions d’euros. A 33 ans, après avoir soigné une longue blessure, l’international français se relance au Portugal, sous les couleurs d’Estoril. Un homme serein, apaisé et toujours aussi ambitieux que Le 10 Sport a rencontré à l’occasion d’un stage organisé par sa fondation, The Green Changer Club. Interview.

Eliaquim, on est près de Setubal, au Portugal, au cœur d’un stage organisé par The Green Changer Club, un projet qui te tient beaucoup à cœur. Explique-nous le principe de ce que toi, et tes équipes, avez-mis en place ?
The Green Changer Club, c'est un concept qui te permet d'apprendre à te connaître pour pouvoir t'améliorer à travers différents outils, à travers différents intervenants, différents exercices que tu peux expérimenter durant les différents « bootcamps » qu'on a pu faire jusqu'à présent. En présentiel mais bientôt une offre virtuelle, qui est en cours de développement. Chaque personne vient avec ses qualités et ses défauts et peut être accompagnée sur tous les sujets, aussi bien l’alimentation que la préparation mentale que la comptabilité ou tout ce qui lui permettra de se développer.

Cette volonté de transmettre, elle est récente ou c’est quelque chose qui grandit depuis un moment ?
Ça s'est passé quand je me suis retrouvé sans contrat, où j'ai eu un peu plus de temps pour moi, parce que c'est pas du tout le même rythme de vie (sourire). C'est au moment où j'ai découvert ce que j'appelle « la vie au niveau du foot ». Ça m'a permis de réfléchir et vraiment d'absorber plein de choses. Et je me suis retrouvé face à plein de trucs que j'ai pu apprendre. Des choses que j’aurai bien aimé que l’on me transmettre lorsque j’étais plus jeune. Autant pour ce qui concerne les épreuves et les problématiques du foot que dans la vie. Donc à partir de là, j'ai essayé de faire le lien entre l'être humain et l'athlète, l'être humain et l'avocat, l'être humain et tous types de métier. C'est là que je me suis découvert cette passion, cette qualité de vouloir transmettre. Et depuis, avec ma femme et Christian Ferreira, on a décidé de créer ce concept (sourire).

Cette période où tu as dû te soigner pendant de longs mois, justement, comment tu l’as vécue ? C’était dur, tu as beaucoup douté ou tu en retires uniquement des bonnes choses parce que ça t’a permis de comprendre, de réaliser et de te projeter sur autre chose que le foot ?
Ça m'a permis de prendre beaucoup de recul. Je me suis découvert en tant qu'homme. Parce que l'athlète était blessé, mais en fait, quand l'athlète est blessé, l'homme l’est aussi. Donc il a fallu que je découvre une autre facette de moi et découvrir de très belles choses à travers moi. Donc oui, c'était un cheminement d'une part compliqué, du côté sportif, mais d'un côté humain qui était super enrichissant. J'ai vraiment pu découvrir de nouvelles personnes. Le football n'est pas une finalité, il fait partie du processus, du chemin qui est la vie.

« Ma première carrière est terminée »

C'est un hasard de te retrouver au Portugal, là où tout a commencé. Enfin, là où tout à commencer à « exploser » et où tu es devenu un joueur mondialement connu ?
Exactement. Moi, je ne crois pas trop au hasard, je pense que tout est relié. Après avoir été un an sans jouer, je me suis dit que c'était la fin de ma carrière. Je me suis dit que ma première carrière était terminée… Ce que je veux maintenant, c'est repartir et commencer un truc nouveau. Je sais que j'aurai toujours mon statut, mais moi, personnellement, je me suis dit que c'était la fin. Ce que je veux, c'est jouer au football, repartir. C'est repartir pour trouver des sensations. Et bien sûr, j'ai des trucs que j'ai emmagasinés qui vont me servir. Et au final, c'est au Portugal que j'ai pu me retrouver. Comme tu l'as dit, c'est là où j'ai explosé au niveau international. Et donc, je me sens à la maison.

Aujourd’hui, est-ce que tu te projettes ou tu évolues autour d’une nouvelle manière d’aborder ta carrière ?
Je préfère kiffer le moment. Je me suis donné 5 ans. Ça (il met ses mains vers l’avant), c'est 5 ans. Et après ces 5 ans, kiffer le moment et voir ce qui vient. Il faut vraiment réapprendre, parce que j'ai eu une grosse blessure, j'ai été absent un an, donc en fait, c'est comme si je réapprends à reconnaître cette nouvelle personne qui est là, qui je suis. Et c'est que du bonheur, c'est que du bonus.
 
Il y a 10 ans, tu devenais le défenseur le plus cher du monde, avec un montant record de 53 ou 54 millions d’euros. C’était la folie… Ça aide à prendre du recul sur la vie et le monde du foot quand on se retrouve devant des jeunes qui rêvent de faire carrière, comme aujourd’hui, avec The Green Changer Club ?
Je vais te surprendre mais il y a 10 ans, justement, j’avais déjà ce recul. Quand on m’a dit à l’époque que c’était plus de 50 millions d’euros, et 50 millions d’euros c’était un sacré poids… Mais aucun homme ne vaut 50 millions d’euros ! Quand on fait partie d’une industrie, d’un business, forcément on entre dans une logique qui dépasse le cadre de la vie normale. Mais personne ne vaut tel ou tel prix, ça n’a pas de sens. Mais c’était une vraie expérience de vivre ça. Je l’ai bien vécu. Je disais, vous verrez dans un ou deux ans, ce record sera battu. Et ça l’été (rire)…

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