Le bras de fer entre les deux meilleures équipes du monde va se jouer dans des secteurs bien ciblés. La discipline dans l’apprêté du combat, la stratégie du jeu au pied, et la prise de risque dans les ballons de récupération seront les trois clefs du match.
Le jeu au sol
Si on s’attarde sur les statistiques du XV de France à Rome dimanche dernier (18 fautes), les Bleus vont avoir une après-midi difficile à Dublin ce samedi. Ce sera évidemment le cas quoiqu’il arrive. Mais il faut faire confiance au staff tricolore pour que les scories de Rome soient en partie corrigés. Les Français ont été le plus souvent pénalisés sur des phases de grattage dans le jeu au sol (11 fautes). En partie pour ne pas avoir assez bien intégré les nouvelles consignes arbitrales en vigueur depuis début janvier. Désormais, l’assistant plaqueur doit lever ses coudes pour montrer à l’arbitre qu’il s’est bien déconnecté du ruck. Cette semaine, les Bleus ont revu ces phases de ruck défensif et travaillé leur attitude et leur posture sur le jeu au sol. Car il faudra être plus rigoureux dans ces secteurs face au XV du Trèfle qui lui excelle lorsqu’il s’agit de mettre les mains dans le cambouis dans les règles et ralentir les sorties de balle adverses. Chez eux, ces phases-là sont mécaniques et parfaitement huilées. Si les Bleus veulent rivaliser avec l’Irlande, il faudra qu’ils combattent proprement dans les rucks pour ralentir le rythme des relances de Connor Murray. Et sans faire de faute !
6 Nations : Le XV de France dispute un bras de fer historique https://t.co/nf4lgS4vrN pic.twitter.com/cSxT68I1je
— le10sport (@le10sport) February 10, 2023
Le jeu au pied
L’Irlande est certainement la meilleure nation du monde lorsqu’il s’agit d’utiliser le jeu au pied de façon stratégique. D’une part parce que la gestion et la précision des coups de pied sont parmi les plus qualités premières de Jonathan Sexton. D’autre part parce que c’est dans la culture du jeu irlandais. Haut, long et précis, les Irlandais usent volontiers du jeu au pied pour mettre la défense adverse sous pression ou la faire reculer. Le jeu long leur permet de remonter le terrain en « rush défense » pour obliger l’adversaire à contre-attaquer ou trouver une touche proche de son en-but. Le jeu haut vise essentiellement les ailiers adverses dans le couloir des 5 mètres, donc proche de la ligne de touche. Ainsi, si le ballon est bien tapé et que la défense monte, la bataille des airs permet aux Irlandais de potentiellement récupérer le ballon à la retombée. Sinon, l’ailier se retrouve piégé entre la touche et la pression défensive. Ce « kicking game », les Français s’y attendent. Mieux, c’est désormais une des armes tricolores depuis l’arrivée de Fabien Galthié qui a prôné la dépossession comme tactique de base jusqu’alors. Sauf que les Irlandais sont très forts sur les ballons hauts. Les Bleus devront donc jouer dans les espaces libres et surtout éviter de trop vite rendre les ballons. Cette fois peut-être, les Bleus gagneront à mieux gérer leur possession plutôt que leur dépossession.
Les ballons de recup’
Entre les deux meilleures équipes actuelles, toutes deux très solides dans les phases de conquête et de jeu arrêté, la différence se fera peut-être sur les ballons moins programmés. La solution née parfois du chaos. Les ballons de récupération, ou turn-over, permettent aux talents individuels et aux esprits créatifs de débloquer des situations. A ce jeu-là la France possède de sérieux atouts qui se complaisent dans le désordre. C’est un peu l'ADN du Stade Toulousain, fournisseur officiel du tiers des joueurs du XV de France. Antoine Dupont par son activité intense dans tous les coins du terrain, et sa culture de l’exploit personnel, a dans ses valises les armes pour tenter des coups. Mais pas que lui. La relance du parking de Romain Ntamack contre les All Blacks en 2021, ou le rush final pour marquer l’essai de la gagne de Damian Penaud contre les Wallabies en novembre dernier sont des exemples de ce que peuvent faire les Français et qui n’est pas inscrit dans un plan de jeu. Dans le même esprit, la probable entrée de Matthieu Jalibert à l’heure de jeu donnera également un atout de plus aux Bleus. Encore faut-il que le score le permette encore à ce moment-là du match. Mais attention aux idées reçues. Les Français ne sont pas les seuls à maîtriser le chaos. Depuis Andy Farrell, les Irlandais ont considérablement progressé dans l’aspect offensif. Les joueurs disposent désormais d’une certaine liberté sur les ballons de récupération. Et ils ont eux-aussi le talent pour faire des différences.