Que sont-ils devenus : David Hellebuyck
Jean de Teyssière

Il a arpenté les terrains de Ligue 1 durant quatorze années, de l’OL, son club formateur lors de la saison 1998-1999, à l’OGC Nice en 2012. Avec plus de 400 matchs en professionnel, David Hellebuyck est l’un des visages de notre bonne vieille Ligue 1 des années 2000. Sa patte gauche s’est retirée des terrains depuis maintenant 12 ans et il est temps de prendre des nouvelles d’un homme attachant.

Comment allez-vous depuis la fin de votre carrière ?

Je ne vous cache pas qu’il y a des hauts et des bas, c’est souvent comme ça, la vie, après une carrière. C’est un très gros changement. On n’est pas préparé à tout ça. J’ai arrêté ma carrière sur blessure, puis mon ex-femme m’a quittée… Plein de choses se sont enchaînées en même temps. Mais on s’en remet, c’est la vie. J’ai aussi des ennuis de santé que je vais essayer de régler. J’ai une petite boule qui pousse à la tête, j’espère que ce n’est pas trop grave. Et puis je vais me faire opérer du genou pour me faire mettre une prothèse. Mais hormis tout ça, ça va très bien, je suis heureux aujourd’hui.

Vous avez arrêté à 33 ans. Certains joueurs, comme récemment Raphaël Varane ont arrêté plus tôt (31 ans NDLR).

Oui c’est dommage. C’est fou que des gars qui n’ont pas connu de blessures comme moi j’ai pu connaître. J’ai l’impression qu’ils sont blasés d’avoir connu le très haut niveau. Personnellement, j’aurais tout fait pour jouer des matchs de foot. J’ai le souvenir d’un entraîneur qui est décédé, René Marsiglia. Lors des causeries, il nous disait qu’il ferait tout pour jouer un match de foot, alors qu’il était en phase terminale. On ne se rend pas compte de la chance que l’on a lorsqu’on est dans le monde professionnel. Quand je vois des gars qui mettent fin à leur carrière… Je ne juge pas, bien sûr, chacun a ses raisons. Antoine Griezmann, il est trop fort, il pourrait apporter encore plein de choses en équipe de France et il arrête sa carrière internationale. J’aurais tout fait pour jouer en équipe de France. Lorsque je regarde les Bleus ou la Ligue des Champions, c’est le rêve de tout joueur. Qu’ils mettent fin, eux-mêmes, à des carrières, c’est un truc de dingue.

Vous suivez encore le foot assidument depuis la fin de votre carrière ?

Je m’étais complètement arrêté. Je ne regardais quasiment plus et cette année je m’y suis remis un peu. Je suis allé rarement au stade, quelques fois à Annecy mais dans les clubs où j’ai joué, je n’y suis jamais retourné.

Quel est le meilleur moment de votre carrière ?

C’est plutôt des moments. Quand on joue à Geoffroy-Guichard, c’est plein. Pareil à Lyon lors des derbys… Même si je n’en ai jamais gagné avec l'ASSE (rires). Le stade du Ray aussi (l’ancien stade de l’OGC Nice ndlr) c’était une super ambiance. C’est pour ça que c’est parfois dur à comprendre de stopper une carrière quand on a la chance de pouvoir encore jouer des matchs dans ce genre d’ambiance. Ce que l’on vit en tant que joueur, ça ne se retrouve nulle part ailleurs. C’est un autre monde. On est des privilégiés.

Vous avez marqué 30 buts dans votre carrière. Le plus beau c’est celui contre Caen ? (Il marque de 66 mètres, deuxième but le plus lointain de l’histoire de la Ligue 1 derrière celui de Wahbi Khazri face à Metz en 2021, long de 68 mètres).

J’ai quelques buts qui sont sympas oui (rires). Celui-là est beau mais en intensité, c’est celui contre l’OM, avec Saint-Étienne. Je marque le but du 2-1 à la 84ème minute. J’étais tellement dans l’euphorie. Le stade devient en ébullition, ça nous met dans des états… J’ai revu le but récemment et je vois Zoumana Camara qui vient me féliciter, je lui mets un vent. Limite j’avais envie de l’appeler pour lui dire que j’étais vraiment désolé (rires). T’es tellement pris dans le truc. C’est juste fou, t’es dans un état second. Il n’y a que le foot qui est capable de faire vivre ces émotions. Et la musique.

La musique, c’est votre deuxième passion ?

Je me suis trouvé cette passion et je booste à fond là-dedans. Je suis parti de zéro. J’avais posté un truc sur YouTube. Beaucoup de gens se sont foutus de moi. Après ce n’est pas grave, ça montre l’évolution que j’ai eue aujourd’hui. Ça permet de dire qu’avec de l’envie, tu peux t’améliorer. Je suis content car sans être passé par des cours de guitare ou de chant, j’ai réussi à progresser et à me faire plaisir. J’ai même réussi à rencontrer des personnes, notamment un producteur, qui m’ont fait enregistrer des musiques alors que c’est quelque chose que je n’aurais jamais fait. Et puis être capable de prendre la guitare et d’aller sur scène… Quand on est footballeur, 21 autres personnes vous entourent sur le terrain. Sur scène, t’es seul avec ta guitare.

Lorsque vous étiez plus jeune, hors footballeur, quel était votre métier de rêve ?

Je voulais être cuisinier. Mon frère en faisait et ça m’avait donné envie de faire ça. J’adore cuisiner. Durant ma carrière, j’ai tout le temps utilisé mes mains pour tout faire. En dehors de mon temps, j’aimais bien toucher à tout. Je suis très manuel, j’adore apprendre plein de choses. J’ai un verger, j’adore toucher la terre, être dehors, aller aux champignons.

Vous n’avez jamais eu l’envie de devenir entraîneur ?

J’ai commencé à passer les diplômes. L’OGC Nice m’a ouvert toutes les portes. J’avais commencé par être adjoint des U19 et je me suis retiré au bout d’un ou deux mois parce que j’ai eu des problèmes. C’était juste à la période où j’ai arrêté ma carrière. Je me lance là-dedans, mon ex-femme me quitte et je n’avais plus la tête à ça. À ce moment-là se pose en plus la question de mes deux filles, que je n’avais que le week-end. Si je continuais le coaching, je n’aurais pas pu m’occuper de mes enfants, donc ce n’était pas la peine.

Après votre carrière, vous avez eu des propositions dans les médias ?

Pour être honnête, avant, je n’étais pas capable de faire ça. J’étais trop introverti. Mais toutes les expériences de vie que j’ai vécues, m’ont permis de passer des caps. J’avais une barrière que je n’arrivais pas à franchir et aujourd’hui je ne suis plus du tout la personne que j’étais durant ma carrière. La vie vous apprend des choses. Désormais, je suis beaucoup plus extraverti ; j’arrive à parler facilement, à m’exprimer. C’est une grosse lacune que j’avais durant ma carrière et que j’ai résolue. Je ne suis plus la même personne.

Que faites-vous aujourd’hui ?

Je tiens des chambres d’hôtes, à Seyssel, un petit village de l’Ain. J’avais aussi trouvé un travail, même si j’ai démissionné en septembre. J’étais agent de maintenance dans une école. C’est un retour à la vie, au réel. Ça ne fait pas de mal. C’est bien de retomber dans la réalité et de remettre les pieds sur terre. Quand on est joueur de foot, on est dans un univers ; on est complètement sur une autre planète. C’est un truc de malade. On est dans une bulle, on ne se rend pas compte.

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