C'est l'autre match de cet excitant Bordeaux-Montpellier. René Girard, vieux cheval de retour, contre Laurent Blanc, golden boy en pleine ascension. Un combat inattendu qui comptera un peu plus que pour la gloire et peut-être bien pour le titre.
René Girard : 4 ans de chômage, un bar-tabac et une résurrection Ce soir, Bordeaux-Montpellier prendra des allures de match pour la gloire et la reconnaissance. Avec comme enjeu un titre de champion de France. L’occasion pour René Girard, de prendre sa revanche sur son milieu professionnel. Lui qu’on avait taxé «d’incompétence» et remercié sans ménagement de la Direction Technique Nationale après dix ans de bons et loyaux services. Une carrière laborieuse, façonnée dans l’ombre, qui le propulse enfin sous les feux de la rampe au bout de 17 ans. Il ne pouvait rêver meilleur come-back. A Bordeaux. Là, où il a connu le summum en tant que joueur, conquis ses seuls trophées. Parfait symbole du milieu défensif (son ancien poste), Girard est un besogneux qui ne s’avoue jamais vaincu. Quelqu’un qui a toujours couru après le respect, qui encaisse les coups sans jamais vaciller. Comme le prouve son parcours chaotique d’entraîneur.
Six mois à Nîmes. Quatre années de chômage le poussèrent presque à reléguer sa passion aux oubliettes puisqu’il ouvrait un bar-tabac. Avant de passer brièvement par Pau et Strasbourg puis d’intégrer la FFF. «Sa carrière d’entraîneur n’a pas été simple, confirme Guy Stéphan, qui l’a côtoyé à la DTN. Elle s’est bâtie sur la durée, palier par palier. Il doit savourer ce qui lui arrive. C’est sa revanche personnelle. Ça prouve qu’il est capable de bien entraîner en Ligue 1». L’opposé de la trajectoire linéaire de Laurent Blanc. Son immense palmarès de joueur fit de lui un privilégié. Pour son premier poste, il hérita d’une grosse cylindrée après avoir refusé d’entraîner… Montpellier ! «Ce garçon est né avec une couronne sur la tête, confie Gilbert Boissier, son entraîneur durant ses quatre années passées à Alès. Il est né sous une bonne étoile». Les résultats suivent immédiatement. Blanc donne l’impression d’être touché par la grâce, béni par les Dieux du football. «Son ascension a été fulgurante, avec des résultats instantanés», souligne Stéphan.
Laurent Blanc : Pas du genre à mettre les mains dans le cambouis Tout oppose ces deux hommes. A commencer par leurs styles. Le costar de Blanc face au survêt’ de Girard. Auprès de l’opinion publique, l’entraîneur de Bordeaux incarne une certaine classe, d’où son surnom. Il a une autorité naturelle, des idées bien définies. «C’est quelqu’un de réservé mais de têtu, assure Boissier. Il sait ce qu’il veut, fait tout pour l’obtenir et arrive toujours à ses fins». Stéphan, ancien adjoint de Roger Lemerre chez les Bleus, ne dit pas autre chose : «C’est quelqu’un de discret, tout le monde l’écoute même s’il parle peu». Une stature acquise grâce à son palmarès de joueur et les différents postes qu’il a occupés sur le terrain. Etre meneur de jeu ou libéro, c’est occuper des postes stratégiques, à hautes responsabilités. Ça renvoie l’image d’un joueur propre, sûr de lui.
Tout l’inverse de Girard, travailleur d l’ombre, rouage masqué mais essentiel. Un style à la Guy Roux, proche de ses joueurs, paternaliste. «C’est la compétence alliée à l’honnêteté, affirme Stéphan. Quelqu’un de droit, de direct, de franc. Dans son travail comme dans son discours, il ne cherche pas la diagonale ni l’esquive». L’entraîneur à l’ancienne contre le manager moderne. Deux générations différentes, deux manières de coacher et de s’affirmer. Laurent Blanc délègue ses entraînements, aime avoir du recul, se concentrer principalement sur l’aspect tactique. «Chez Laurent, tout est calculé, rien n’est laissé au hasard», certifie Boissier. Contrairement à Girard, ce n’est pas le genre à mettre les mains dans le cambouis. Girard n’a connu que la France comme joueur et entraîneur. Blanc a, lui, bourlingué en Italie, en Espagne et en Angleterre. Ses ambitions en tant qu’entraîneur risquent de l’y renvoyer très vite. A moins qu’il ne quitte la Gironde pour un autre type de haut niveau… «Il ne s’ouvre pas facilement et cache ses ambitions, souligne Boissier». «Il est discret, efficace et qui a toujours eu le souhait de tutoyer les sommets, constate Stéphan. Attention : même si René ne cherche pas à se mettre en avant, lui aussi est très ambitieux». Dans leur duel à distance, sûr que Girard, le challenger, ne laissera pas passer l’occasion d’envoyer le favori Blanc au tapis. De calmer ce qui peut parfois passer pour de l’arrogance. De renvoyer «Lolo» à la réalité. Celle du terrain.