Santé mentale : « 35% des athlètes de haut-niveau souffrent de troubles mentaux »
Alexis Bernard -
Rédacteur en chef
Footballeur presque raté, j’ai choisi le journalisme car c’est l’unique profession qui permet de critiquer ceux qui ont réussi. Après avoir réalisé mon rêve de disputer la Coupe du Monde 2010 (en tribune de presse), je vis de ma passion avec le mercato et les grands événements sportifs comme deuxième famille.

Dans le cadre des semaines d’informations sur la santé mentale, le groupe Webedia se mobilise pour évoquer une thématique riche d’informations et d’enseignements. Pour cela, Le 10 Sport interroge Dorian Martinez, psychologue du sport et fort de plus de 25 ans d’expérience dans le coaching sportif.

La France a vécu un véritable moment d'Histoire cet été, avec les Jeux Olympiques. Autant pour le public que pour les Sportifs. Pour autant, selon vous, il y a un phénomène à ne pas négliger. Vous appelez cela le « Blues post-JO ». Expliquez-nous cela ?

Le « blues post-JO » désigne cette phase de vide émotionnel et de perte de sens que ressentent de nombreux athlètes après les Jeux Olympiques. Après des années d'entraînements intenses focalisés sur un seul objectif, les sportifs peuvent se sentir comme des navigateurs sans boussole une fois la compétition terminée. Rendez-vous compte : certains athlètes avaient inscrit la date de leur épreuve aux JO sur leur miroir, parfois quatre ans à l’avance. Ils se levaient chaque matin avec cette date en tête, chaque geste du quotidien tourné vers ce moment. Puis, du jour au lendemain, tout s’arrête... Le vide peut alors être immense. Le nageur Michael Phelps, par exemple, a partagé son mal-être et ses pensées suicidaires après les JO de 2012, expliquant comment son identité semblait entièrement absorbée par la natation, ne laissant aucune place à d’autres aspects de sa vie. Le véritable défi commence souvent après les JO. La prévention de ce "blues" repose sur un accompagnement qui dépasse l’aspect purement technique. Il s'agit de soutenir le sportif dans sa quête de sens et de fixer des objectifs post-compétition pour maintenir une motivation durable.

La thématique de la Santé Mentale a-t-elle encore du chemin à faire dans le monde du sport ? Comment ?

Absolument, la santé mentale reste un enjeu majeur dans le sport de haut niveau. Des études révèlent que 35 % des athlètes de haut niveau souffrent de troubles mentaux au cours de leur carrière. Pourtant, le sujet reste souvent tabou en raison de la pression et de l'obligation de perfection que ressentent les sportifs. La prévention passe par une formation sérieuse des coachs à la préparation mentale. L'objectif est de mieux comprendre les mécanismes cérébraux qui influencent la performance et le bien-être des athlètes. En proposant des outils neuropsychologiques adaptés, nous pouvons aider les sportifs à gérer leurs émotions, rebondir après un échec, et maintenir un équilibre de vie durable.

« Le sport peut être une arme puissante pour la santé mentale »

Comment le sport peut devenir une arme pour améliorer sa santé mentale ?

Le sport peut être une arme puissante pour la santé mentale, mais tout dépend de l'accompagnement. La pratique sportive développe des qualités telles que la résilience, la gestion du stress, et la confiance en soi. C'est un peu comme forger une épée : la répétition et l'adversité rendent l'athlète plus fort. Mais sans une préparation mentale adéquate, l’épée peut aussi se briser. Un coach formé en préparation mentale peut guider l'athlète pour tirer des leçons de chaque expérience, renforcer son état d’esprit et éviter le risque d'épuisement psychologique.

Des acteurs importants du sport français ont récemment annoncés leur retraite. Après Raphaël Varane, Antoine Griezmann. On parle logiquement de l'usure physique, beaucoup moins de l'usure psychologique. Pourtant, c'est un paramètre aussi important ?

L'usure psychologique est effectivement aussi importante que l'usure physique, si ce n'est plus. Les sportifs vivent sous une pression constante pour performer. Ils se retrouvent à vivre dans une boucle « entraînement-compétition-récupération », souvent sans un moment de pause pour réfléchir à leur propre bien-être. C'est comme un moteur de course tournant à plein régime en permanence. Si on ne l'entretien pas, il finit par casser. En fin de carrière, beaucoup de sportifs ressentent un profond sentiment de vide et de perte d'identité, ce qui les pousse à envisager la retraite non pas uniquement pour des raisons physiques, mais aussi psychologiques.

L'accompagnement mental, notamment à travers la préparation d'une transition post-carrière, est essentiel. Former des coachs en préparation mentale permet de créer un environnement dans lequel les athlètes peuvent se sentir en sécurité pour exprimer leurs faiblesses et trouver des solutions pour surmonter les moments difficiles.

Pour plus d’informations sur les semaines de la santé mentale, rendez-vous ici