Benzema - Deschamps : Racisme, mensonges… L’incroyable clash
Bernard Colas -
Journaliste
Passionné de sport, de cinéma et de télévision (à l’écran comme derrière) depuis son enfance, Bernard est journaliste pour le 10 Sport depuis 2018. Plus habile clavier en main que ballon au pied, il décide de couvrir principalement un sport adulé, critiqué et détesté à la fois (le football) et un sport qui n’en est pas un (le catch).

On pensait que le malaise Benzema était de l’histoire ancienne en équipe de France, mais son forfait pour la Coupe du monde au Qatar a relancé le psychodrame. Alors que de grosses zones d’ombre subsistent sur les conditions du départ de l’attaquant en décembre dernier, Didier Deschamps a livré sa version des faits dans les colonnes du Parisien ce samedi. Une version loin de convaincre la star du Real Madrid, insinuant que le sélectionneur des Bleus ment. Nouvel épisode dans la relation tumultueuse qui unit les deux hommes…

L’histoire mouvementée entre Karim Benzema et l’équipe de France, et plus précisément Didier Deschamps, connaît une nouvelle saison depuis l’annonce du forfait de l’attaquant pour la Coupe du monde. Appelé pour disputer la compétition au Qatar, Benzema a quitté prématurément la sélection tricolore la nuit du 19 au 20 novembre dernier, son état physique ne lui permettant pas de participer au Mondial selon la FFF. Pourtant, deux versions s’opposent dans cette affaire, Karim Benzema et son entourage, conforté par certains spécialistes, indiquant au contraire qu’un retour sur les terrains était possible durant le tournoi. « On m’a dit que c’était une forme de rechute et que le faire jouer en huitièmes de finale, c’est une prise de risque mais qu’il aurait pu être sur le banc et même entrer en cas d’extrême nécessité. Mais en quart de finale, il aurait été totalement opérationnel », révélait au début de l’année Daniel Riolo au micro de RMC.

À en croire le journaliste, l’ambiance était loin d’être au beau fixe entre Karim Benzema et certains cadres des Bleus, pas forcément mécontents de voir partir le numéro 19. « On l’a pris pour un con, on l’a jeté dehors, précisait alors Riolo. Quand ils sortent Benzema et que le médecin de l’équipe de France dit: ‘c’est bon, t’es blessé, tu t’en vas’ et qu’on lui prend un avion à 6h du mat… C’est bizarre la façon dont on dit à un mec qu’on rappelle en équipe de France: ‘tu pars dans la nuit’. Il est parti, d’où son silence dans les semaines qui ont suivi. » Une version contestée dans la foulée par la FFF, et Didier Deschamps ce samedi dans les colonnes du Parisien

« Il y a une seule vérité et Karim le sait bien »

« Dans chaque situation, il y a une seule vérité et Karim le sait bien, s’est défendu Didier Deschamps, prenant la parole pour la première fois sur le sujet. Karim nous a rejoints le 14 novembre après une période de semi-inactivité dans son club (son dernier match avec le Real Madrid remontait au 2 novembre face au Celtic, il avait joué 26 minutes). Il a suivi un programme individualisé, son retour à l’entraînement collectif a été décalé. Je n’avais pas, comme avec Raphaël (Varane) d’ailleurs, pour objectif à 100 % de le voir débuter le premier match face à l’Australie. Quand Karim s’est blessé, notre médecin l’a accompagné à la clinique Aspetar pour passer une IRM. Karim a transmis les résultats à quelqu’un qui le suit à Madrid et qui lui a également donné un avis. Quand il est rentré à l’hôtel, il était déjà plus de minuit. J’ai rejoint Karim dans sa chambre avec notre docteur qui était venu me faire le compte rendu de l’IRM.» 

Karim Benzema est alors « meurtri » par la sentence prononcée par les médecins ajoute Didier Deschamps : « Cette Coupe du monde représentait beaucoup pour lui. Il me dit : C’est mort. Le diagnostic de notre médecin rejoint celui qu’on lui a donné à Madrid. Au mieux, son retour à l’entraînement ne pouvait pas intervenir avant le 10 décembre. Dans sa communication sur son réseau social, il fait part de sa déception de devoir renoncer, mais justifie ce choix par son souci de penser à l’équipe. On est restés ensemble une vingtaine de minutes. En le quittant je lui dis : Karim, il n’y a pas d’urgence. Tu organises ton retour avec le team manager. En me réveillant, j’apprends qu’il est parti. C’est sa décision, il ne vous dira pas le contraire, je la comprends et la respecte. » 

« Mais quelle audace », répond Benzema

Une version loin de convaincre le principal concerné. Alors qu’il a annoncé sa retraite internationale au lendemain de la finale perdue par l’équipe de France contre l’Argentine, à laquelle il n’a pas assisté malgré l’invitation, Karim Benzema a réagi, comme à son habitude, sur les réseaux sociaux. « Mais quelle audace », a lancé sur Instagram le capitaine du Real Madrid en réaction aux propos de Didier Deschamps, le tout accompagné d’un emoji représentant un clown. « Sacré Didier », a-t-il ajouté dans une deuxième story dans laquelle on voit un individu répéter à plusieurs reprises le mot "menteur".

« Deschamps a cédé sous la pression d'une partie raciste de la France », le jour où tout a basculé

Alors que le football français traverse un début d’année chaotique marqué par les scandales en tout genre au sein de la FFF, entraînant le départ de son président Noël Le Graët, un nouveau psychodrame est donc entamé entre Karim Benzema et Didier Deschamps. Les deux hommes entretiennent des rapports distendus depuis 2015 et l'affaire de la sextape dans laquelle le footballeur était soupçonné d'être impliqué dans une affaire de chantage à l'encontre de son coéquipier de l’équipe de France Mathieu Valbuena (il sera reconnu coupable de complicité de tentative de chantage en 2021). Mis à l’écart de la sélection « jusqu'à ce que la situation évolue » comme l’annonçait Noël Le Graët en décembre 2015, Karim Benzema doit tirer un trait sur l’Euro et ne sait pas encore que son absence en Bleu durera plus de cinq ans, la faute notamment à son interview accordée au journaliste espagnol Marca dans laquelle il explique que sa non-sélection est en partie justifiée par un racisme montant en France. « Deschamps a cédé sous la pression d'une partie raciste de la France, répond Benzema, tout en écartant l'idée que son entraîneur le soit lui-même comme le suggérait Eric Cantona. Il faut savoir qu'en France le parti d'extrême droite est arrivé au deuxième tour des dernières élections. Mais je ne sais pas si c'est une décision individuelle de Didier, car je m'entends bien avec lui, et avec le président. Je m'entends bien avec tout le monde. »

On pense alors le point de non-retour atteint, Didier Deschamps voyant notamment sa maison de Concarneau taguée du mot “raciste”. «  Je n’oublierai jamais. Ça, ce n’est pas mon rôle de sélectionneur. Moi je fais des choix par rapport à des critères bien définis mais pas ceux-là, riposte Didier Deschamps en 2018 au micro de RTL face à ces accusations. Qu’on puisse tenir des discours qui amènent aux conséquences que j’ai eues dans ma vie privée, c’est inconcevable. Je ne peux pas me battre là dessus. C’est passé. Ça a été violent pour moi mais, pour les gens autour de moi, c’est d’une violence inacceptable. » Karim Benzema alimente quant à lui la polémique, likant notamment sur Instagram une photo postée par le rappeur Booba, représentant l’attaquant du Real Madrid dribblant plusieurs joueurs de l’Atlético de Madrid dont les visages sont remplacés par ceux de Didier Deschamps, Olivier Giroud et Manuel Valls, l’ex-Premier ministre de François Hollande étant opposé à son retour en équipe. « Je ne dirais qu’un mot : c’est pitoyable », répliquera le champion du monde 1998.

La réconciliation de 2021…

Finalement, la réconciliation inespérée a lieu en 2021, à l’aube de l’Euro. Les deux hommes briseront la glace au cours d’une discussion. « Il en avait besoin et moi aussi, déclare à cette époque Deschamps sur RMC. J’avais un ressenti, la réunion a duré longtemps. Karim a dit certaines choses assez fortes, puisqu’au bout de trois minutes, tout est redevenu normal. Ça a duré très longtemps, deux bonnes heures. (…) On n’a pas parlé que de football, on a parlé de la famille aussi. J’avais des choses à lui dire, lui aussi, sur le passé bien évidemment, aujourd’hui mais aussi ce qui allait être le demain qui est aujourd’hui. » L'ancien de l'OM se gardera bien toutefois d’accorder en public son pardon au joueur : « Le pardon, c’est un bien grand mot. Depuis que je suis sélectionneur, j’ai eu certaines situations avec certains joueurs. Mais je n’ai jamais eu une opposition radicale. Je passe au-dessus de mon cas personnel. » 

Avant la rechute en 2022

Une trêve qui n’aura duré qu’un peu plus d’un an, jusqu’à cette blessure de Karim Benzema survenue lors d’un entraînement des Bleus le 19 novembre au Qatar, à trois jours de leur entrée en lice dans la compétition. Refusant d’assister à la finale entre la France et l’Argentine, le joueur formé à Lyon contestera dans la foulée les conditions de son forfait. « Je sais que l’équipe de France a menti, que Deschamps a menti et que clairement on a voulu le mettre dehors. Ce n’est pas par hasard que tu t’en vas de cette façon-là, il est parti énervé », assurait Daniel Riolo après le Mondial. De son côté, Didier Deschamps nie tout malaise Benzema. « Pas du tout, martèle-t-il. Aucun joueur ne s’est réjoui de son départ comme j’ai pu l’entendre ou le lire Karim le sait aussi. Je ne sais pas qui colporte pareilles rumeurs. Ce n’est même plus de la polémique, c’est de la malveillance. Si les sourires sont apparus, ce n’est pas parce que Karim nous avait quittés, mais parce que l’équipe gagnait. Je l’ai appelé après la prolongation de mon contrat. On a eu une longue discussion. Je l’ai recontacté plus récemment par rapport aux exigences administratives des préconvocations. Je voulais connaître sa position. »

La retraite internationale de Karim Benzema est bel et bien actée après la prolongation de Didier Deschamps jusqu’en 2026 comme le confirme ce dernier. « Il lui appartiendra de les communiquer (les raisons) ou pas. » Karim Benzema est néanmoins invité, tout comme les autres néo-retraités de l’équipe de France que sont Steve Mandanda, Hugo Lloris, Raphaël Varane et Blaise Matuidi, à venir au Stade de France le 24 mars prochain à l’occasion de France - Pays-Bas. « Un hommage leur sera rendu. C’est bien, je trouve. J’espère qu’ils pourront tous être là », indique Deschamps. Pas sûr néanmoins que Karim Benzema réponde à l’invitation, bien qu’une nouvelle discussion entre eux semble nécessaire…

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