Cyclisme : Del Toro-Carapaz, au cœur de l’erreur tactique du siècle
Alexandre Higounet

Au cœur de la mésentente entre Isaac Del Toro et Richard Carapaz lors de l’avant-dernière étape du Giro, ayant conduit au raid de Simon Yates vers le maillot rose, jusque-là sur les épaules du jeune Mexicain du Team UAE, se trouve une erreur tactique fondamentale de ce dernier. Analyse.

Lors de la dernière étape de montagne du Giro, en refusant de rouler derrière le troisième Simon Yates pour ne pas emmener dans sa roue le deuxième Richard Carapaz au risque que ce dernier le contre, Isaac Del Toro, le jeune espoir mexicain de la formation UAE Team Emirates, a perdu le maillot rose à la veille de l’arrivée, laissant Simon Yates s’envoler vers la victoire finale.

« J’ai fait ce que je pensais le plus intelligent »

Après la course, Del Toro est revenu sur son choix dans ses propos relayés par cyclismactu.net : « Simon Yates a été le plus intelligent, et chapeau à Visma, parce qu’ils ont vraiment bien joué, avec aussi Van Aert à l’avant. Ils ont fait grandir l’écart très rapidement dans la vallée. C’était très bien joué tactiquement de la part de son équipe. Au début, il y avait juste cette pression : Carapaz voulait faire exploser tout le monde, et je l’ai laissé faire pour voir s’il pouvait vraiment nous lâcher. Mais au final, il ne pouvait pas, et Simon est revenu. Je pensais que je pouvais rester avec eux, mais je devais aussi surveiller Carapaz, parce qu’il est proche de moi au classement général. Mais quand Simon a commencé à gagner du temps, qu’il est 3e et que Richard est 2e, c’est à Richard de le suivre, juste pour rester 2e. Après, s’il ne veut pas suivre ou qu’il hésite, chacun met la pression à l’autre, et voilà. J’avais 1 minute 20 d’avance sur Simon, je pouvais le laisser partir et ensuite travailler avec Richard. Parce qu’au final, c’était mieux pour nous deux de collaborer. Mais c’est allé autrement. Quand Yates a pris une minute, j’ai dit à Richard que c’était le moment, que s’il voulait m’aider c’était bien, mais que je ne voulais pas rouler tout seul pendant que lui, à la fin, pourrait juste me passer et gagner le Giro. Il m’a dit : ‘’Non, parce que toi, tu ne m’as pas aidé quand il y avait 20 secondes d’écart’’, et j’ai répondu ‘’OK’’. Mais quoi qu’il en soit, même si je perdais le général, je ne voulais pas perdre la deuxième place. Ce n’était pas un pari, je faisais juste ce que je pensais être le plus intelligent. Quand j’ai vu qu’ils avaient deux minutes d’avance au sommet, j’ai commencé à prendre la descente à fond. J’ai essayé de prendre des relais avec Richard, mais il a refusé. Et je lui ai dit : « OK, mais je ne peux pas te ramener à une minute de Simon et ensuite te voir m’attaquer pour gagner le Giro, non ? » C’est comme ça, chacun a joué sa carte ».

Un véritable sabordage

Les explications d’Isaac Del Toro témoignent du fait que le jeune coureur persiste dans ses erreurs. D’une part, un leader peut en effet jouer sur la lutte pour la deuxième place entre le deuxième et le troisième pour ne pas rouler, mais il faut pour cela qu’un écart suffisant le sépare de ses poursuivants, afin qu’il soit en mesure de laisser filer un peu de temps dans son coup de bluff. Del Toro, lui, n’avait quasiment aucune marge au général, il lui était impossible de mener cette stratégie, d’autant que Richard Carapaz et Simon Yates étaient tous les deux suffisamment proches de la première place pour jouer encore le maillot rose et pas la deuxième place... Cette erreur est d’autant plus lourde qu’au début, Carapaz était prêt à rouler pour revenir sur Yates et s’il s’est arrêté c’est parce que Del Toro a refusé lui de rouler pour défendre son maillot rose... Dans un deuxième temps, Del Toro a commis une autre faute : quand l’écart commençait à grandir très dangereusement, il a persisté dans son erreur en craignant le contre de Carapaz alors que le danger principal était désormais devant avec Simon Yates. Un vrai sabordage, à moins d’imaginer que le Mexicain était à fond physiquement et ne pouvait faire plus.

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