Depuis plusieurs mois, le débat fait rage autour de la viabilisation des équipes cyclistes, dont l'existence est aujourd'hui 100% dépendantes d'un contrat de sponsoring, ce qui les fragilise considérablement, comme l'a encore démontré la disparition de l'équipe Arkea-BB Hôtels cet hiver. Et parmi les pistes pour générer de nouveaux revenus, une seule apparaît réellement fiable. Et elle commence à se mettre en place d'elle-même...
Il y a quelques mois, à l'évocation de l'arrêt programmé de l'équipe Arkea-BB Hôtels faute de nouveau sponsor, Jérôme Pineau, ancien coureur et directeur équipe, avait jeté un pavé dans la mare sur RMC au sujet de la fragilité des équipes et de la nécessité de trouver de nouvelles sources de financement : « Je vais en choquer certains, mais ils ont créé une étape qui va monter deux fois l’Alpe d’Huez. Privatisons donc les cinq derniers kilomètres de l’Alpe d’Huez. Faisons payer l’entrée, ayons des VIP, créons quelque chose pour gagner de l’argent ! Historiquement, le cyclisme est un sport populaire, un sport libre. Mais un sport libre où il n’y a plus de coureurs sur la route parce qu’il n’y a que deux équipes, Bahreïn et les Émirats arabes unis, est moins amusant, n’est-ce pas ? Les spectateurs viennent regarder la course pour voir vos coureurs, mais vos coureurs n’ont rien sur la feuille de revenus. C’est ce qui n’est pas juste. Des zones d’accueil sont organisées sur le Tour et dans d’autres grandes courses, mais c’est l’organisateur qui prend l’argent, pas les gens qui font le spectacle ». Quelques jours plus tard, Wout Van Aert avait appuyé ces idées dans les médias belges : « Je pense que la fragilité des équipes serait bien moindre si, en plus des revenus provenant des sponsors, il y avait également des revenus provenant du sport lui-même. Provenant des droits télévisés, par exemple, ou d'autres organisations. Quand je vois comment la NBA contrôle son terrain de jeu, tout en laissant les équipes partager les revenus télévisés, je me dis que le cyclisme a beaucoup à apprendre de cela. Dans le cyclisme, nous sommes peut-être un peu trop axés sur le charme et la popularité. Demander cinq euros pour entrer ne signifie pas que ce n'est plus populaire. Le cyclocross demande également un droit d'entrée, et il n'y a rien de plus populaire ».
L'installation d'un vrai marché des transferts est la solution viable pour financer les équipes
Le10sport.com a déjà eu l'occasion d'analyser que l'idée de faire payer le public n'était pas viable, d'une part car trop peu de courses sont susceptibles d'attirer suffisamment de monde (à moins de ne faire que des courses en circuit...) et que cela ne générerait pas assez de revenus, d'autre part parce que cela risquerait de faire perdre une partie de leur aura aux grandes courses. Quant à la possibilité d'une redistribution d'une partie des droits TV en faveur des équipes, elle ne constitue pas non plus une solution suffisante pour les financer, quand bien même elle peut au moins y contribuer légèrement. Comme le10sport.com l'a analysé précédemment la seule solution viable est d'instaurer un système de transfert à l'image de ce qui se fait dans le football.
Evenepoel vendu à Red Bull-Bora Hansgrohe, Onley à Ineos Grenadiers...
Un tel système permet aux équipes de trouver des financements, de résister à l'arrêt éventuel d'un sponsor en réalisant plusieurs ventes. Petit à petit, on peut d'ailleurs constater que ce système se met en place de lui-même, Remco Evenepoel ayant par exemple été acheté à Soudal-Quickstep par Red Bull-Bora-Hangrohe à un an de la fin de son contrat. Ou plus récemment, Oscar Onley vendu 7 millions d'euros par la formation PicNic-PostNL à Ineos-Grenadiers, ce qui permet à la première d'affronter plus aisément une baisse de sponsoring. Si certains évoquent le danger que cela crée un cyclisme à deux vitesses, c'est au contraire l'inverse. Le cyclisme à deux vitesses existe aujourd'hui avec des formations disposant d'un sponsor XXL dévorant tout sur leur passage. Un système de transfert permettra aux équipes plus petites d'augmenter leurs moyens grâce à un recrutement intelligent ou une formation efficace, à condition bien sûr qu'il soit accompagné d'aménagements, comme l'interdiction pour les équipes « Dévo » d'évoluer au niveau professionnel (en continental), ce qui empêchera les grandes équipes d'aspirer immédiatement tous les talents (à l'image de ce qui se pratiquait avant l'instauration des « Dévo »), ce qui redonnera une nouvelle vitalité au monde amateur, aujourd'hui menacé.