Émile Ntamack est le seul rugbyman français à avoir gagné trois fois en Nouvelle-Zélande. L’ancien international et ex-entraîneur du XV de France raconte la saveur particulière de jouer sur la terre des All-Blacks.
Que représente le fait de jouer en Nouvelle-Zélande pour un joueur du XV de France ? C’est merveilleux ! C’est la représentation ultime du rugby, la référence mondiale. D’aller pratiquer sur cette terre, c’est merveilleux de diversité, de culture, de ce que représente aussi le peuple Maori. On touche du doigt le côté tribal de notre jeu. C’est extraordinaire. Est-ce une crainte aussi ? On sait automatiquement que ça va être dur. Mais peu importe. On a envie d’y aller pour apprendre, pour s’imprégner de l’essence même du rugby. On est vite frappé par l’amour que les Néo-Zélandais ont pour ce sport, par sa profondeur culturelle. Tu ressens tout ça là-bas. Par l’accueil que nous font les gens, par le plaisir qu’ils ont de nous recevoir. Tout ça parce qu’on ose défier leur institution : les All-Blacks ! Pour tout joueur de rugby, c’est incroyable. Les Bleus n’ont gagné que quatre fois en Nouvelle-Zélande. Lors de la tournée en 1994, tu étais de l’équipe qui s’y est imposée deux fois. Quel souvenir gardes-tu de cet exploit ? C’est un souvenir énorme parce que tout ça était nouveau pour moi. C’était une de mes premières tournées. Je découvrais les Bleus. J’avais comme référence des joueurs comme Philippe Sella. Il m’accompagnait. Il m’expliquait qu’on allait vivre un truc extraordinaire. Il m’a porté par son vécu. Moi j’ai grandi en Midi-Pyrénées, dans une région très rugby, mais là, c’est autre chose. C’est un pays qui vit à l’unisson pour le rugby. C’était une émotion supérieure.
« On a pratiqué un rugby pour rivaliser avec les Blacks »
Comment se sont construits ces deux incroyables succès ? Il n’y a pas eu de hasard. Nous étions une génération exceptionnelle et nous sommes allés chercher notre destin. On a pratiqué un rugby pour rivaliser avec les Blacks. On était physique, puissant, on mettait de l’engagement. On était armés aussi en termes de jeu, de génie, de capacité offensive, de capacité à oser, à prendre des risques. On était finalement capable de développer un rugby aussi beau et efficace qu’eux. On a été plus fort sur leur propre jeu. En 2009, les Bleus s’imposent une nouvelle fois en Nouvelle-Zélande. Cette fois, tu es l’entraîneur des arrières. En quoi les succès de 1994 t’ont-ils servi ? Forcément, je suis imprégné, je raconte ce que j’ai vécu et ce qui m’a marqué. Et même si les générations sont différentes et qu’il est difficile de reproduire les mêmes schémas. L’idée, c’était que le match devienne le moment le plus facile de la tournée. Tout le reste, chaque jour, chaque heure passée à l’entraînement devait être d’un niveau supérieur. Il fallait qu’on soit en mesure de repousser nos limites, s’entraîner plus dur, continuer sans rechigner malgré la difficulté ou la douleur, avoir une cohésion de groupe et l’envie d’avancer ensemble. Il fallait que les joueurs adhèrent au projet sans se poser de questions. Penses-tu que le XV de France actuel a les ingrédients pour rééditer un tel exploit ? Je pense que leur histoire est encore un peu légère. Il n’y a pas vraiment de certitudes. Ils sortent d’un tournoi compliqué et je ne sais pas s’il y a de l’adhésion, s’ils sont convaincus de vivre ensemble la même aventure. C’est tout ça qui va déterminer la bonne marche ou pas. Cela peut aussi être le début de quelque chose. Mais sur ce qu’on a vu, cela paraît déséquilibré. Dans la forme actuelle de notre XV de France, n’y a-t-il pas un danger d’aller se frotter trois fois aux Blacks ? C’est l’histoire qui le dira. Il faut que les joueurs créent leur propre histoire. Au-delà du résultat, l’important, c’est l’état d’esprit qui va ressortir, ce qu’ils vont mettre en œuvre, comment ils vont vivre leurs matchs, leur tournée. On verra alors si cette équipe de France est au début d’une longue histoire. On a surtout besoin d’être rassuré. On voudrait voir des joueurs investis, déterminés, moteurs de leur propre rugby. Ils ont l’opportunité de jouer en Nouvelle-Zélande, là où c’est le plus difficile de gagner. C’est leur montagne. A eux de marquer le coup. A leur tour de marquer l’histoire. Romain Amalric
Programme de la tournée de Juin
9 juin : Nouvelle-Zélande – France (Auckland) 16 juin : Nouvelle-Zélande – France (Wellington) 23 juin : Nouvelle-Zélande – France (Dunedin)