Rugby : «A Twickenham, les chants anglais nous rongent le cerveau»
Romain Amalric -
Journaliste
Journaliste depuis 20 ans, je suis homme de terrain de Canal+ sur le Top 14 et la ProD2 et correspondant pour Radio France

Ancien international du XV de France, Aubin Hueber n’a jamais gagné à Twickenham mais connaît bien l’atmosphère de l’enceinte londonienne. L’ex demi-de-mêlée tricolore est confiant pour les Bleus. Mais il se méfie de la pression des Anglais. 

L’Angleterre vit une période compliquée. N’est-ce pas le meilleur moment pour aller y gagner ? 
Oui. Le départ d’Eddie Jones a démontré que cette équipe était vraiment en souffrance. Une équipe en pleine reconstruction. Tout simplement aussi parce qu’il y a des joueurs qui sont en train de vieillir. Il y a une nouvelle génération qui arrive mais qui a du mal à s’exprimer. Un peu comme tout le championnat anglais en ce moment. Le XV de la Rose est à l’image de son rugby de club, un rugby un peu en difficulté. Mais il y a une nouvelle génération intéressante avec des joueurs comme l’ouvreur Marcus Smith ou l’arrière Freddie Steward. A voir comment Steve Borthwick va trouver une alchimie entre les différentes générations. Mais je pense qu’il est plus en train de préparer la Coupe du monde plutôt que le Tournoi des 6 Nations. Mais ce qui est sûr c’est que pour les Anglais, le Crunch, c’est un match important. Surtout à Twickenham. Et ils se font un malin plaisir quand ils nous gagnent de nous dire « thank you, good game ». 
 
Comment expliquez-vous que Twickenham soit un des stades où le XV de France est le plus souvent en échec ? 
Il y a une âme dans ce stade qui n’est pas favorable aux Français. On a réussi à y faire quelques exploits, mais pas toujours contre les Anglais. C’est un stade qui est particulier. On entend très vite l’hymne anglais résonner, puis le fameux « Swing low, swing chariot », qui est beau mais pénible à nos oreilles. Quand on entend ça, repris par tout un stade, on a l’impression que c’est le couperet qui arrive. Quand tu entends cette chanson, tu sais que les Anglais vont te mettre une grosse pression et vont te passer dessus. Et ils savent bien que cette chanson nous ronge un peu le cerveau.

« On attendait dans le froid de Twickenham, en attendant que messieurs les Anglais veuillent bien se pointer »

Qu’est qui vous permet de penser que cette année les Bleus vont enfin s’imposer à Twickenham ? 
Le truc, c’est que nous les Français, on est régulièrement persuadé que c’est le bon moment. Que cette année c’est la bonne. Et qu’on a la bonne équipe pour s’imposer là-bas. Et les Anglais sortent toujours leur meilleur match ou leur match référence contre nous. Mais ce qui nous laisse supposer que les Bleus vont gagner cette fois, c’est l’enchaînement de bonnes performances depuis plusieurs mois, voire quelques années. On a une équipe très complète. Avec des joueurs qui sont capables de changer le cours d’un match. Ce XV de France est capable d’aller chercher la victoire à Twickenham. Mais les Anglais ne vont pas nous laisser faire. Ce sera un match très âpre, avec beaucoup d’engagement. La seule chose qui m’inquiète c’est l’état de fatigue de certains joueurs. J’avais trouvé quelques joueurs clés un peu émoussés en début de compétition. Mais ça devrait aller mieux ce week-end. Et la France possède de très bons finisseurs.
 
Y a-t-il un risque de tomber dans un piège anglais ? 
A l’époque, l’habitude des Anglais, c’était de nous laisser rentrer sur la pelouse de Twickenham avant eux, nous laisser attendre 5 ou 6 minutes sous la pluie, et eux ils sortaient après. Donc nous on attendait dans le froid de Twickenham, en attendant que messieurs les Anglais veuillent bien se pointer. Plus le protocole des hymnes qui durent un moment, ça fait presque un quart d’heure dehors avant le match. On avait le temps de se refroidir. Ça me rendait fou. Chaque fois je disais à Philippe Saint-André : Non ! Ne sort pas ! Ils vont nous laisser dix minutes dehors tout seuls, sous les chants anglais. Aujourd’hui, l’avant match est minuté. Et les joueurs de maintenant sont rodés au protocole. Et ils se mettent moins de pression que nous à l’époque.

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