Alexia Barrier (IDEC Sport) : « Monter cet équipage 100% féminin, c’est très important pour notre sport »
Alexis Bernard -
Rédacteur en chef
Footballeur presque raté, j’ai choisi le journalisme car c’est l’unique profession qui permet de critiquer ceux qui ont réussi. Après avoir réalisé mon rêve de disputer la Coupe du Monde 2010 (en tribune de presse), je vis de ma passion avec le mercato et les grands événements sportifs comme deuxième famille.

Porté par la célèbre navigatrice française Alexia Barriere, le maxi-trimaran d’IDEC Sport se lance très prochainement à l’assaut du Trophée Jules Verne. Sur le même bateau que Francis Joyon, détenteur du record de l’épreuve en 2017 (40 jours, 23 heures et 30 minutes), un team 100% féminin et le rêve de devenir le premier équipage uniquement composé de Femmes à boucler le tour du monde à la voile sans escale et sans assistance. Interview.

Comment est né ce « The Famous Project CIC » ? Quand vient l’idée de faire naître le rêve d’un équipage 100% féminin pour une tentative de record du monde sur le Trophée Jules Verne ?

C’est assez simple (sourire). Quand j’étais petite, je regardais les courses de bateaux. A 12 ans, je me souviens d’avoir assisté au départ du Vendée Globe et je savais, à ce moment-là, que je voulais faire ça. Alors, je n’étais quand même pas à m’imaginer ni me projeter sur un maxi-trimaran pour tenter un tour du monde… Mais j’avais déjà cette envie en tête. Une semaine avant mon départ du Vendée Globe (2021), j’appelais mes partenaires pour leur demander s’ils accepteraient de me suivre sur un tour du monde à la voile. Ils m’ont dit non, ils voulaient que je refasse un Vendée. Ça n’a pas marché mais de mon côté, j’avais trop envie de le faire.

Cette idée, cette envie ne vous a pas lâchée et vous vous êtes accrochée à ce rêve ?

Exactement. J’ai continué à chercher. Durant la Transat Jacques-Vabre 2022, j’envoyais déjà des messages à mes amis pour tenter de me trouver un maxi-trimaran ! Et puis, en regardant les chiffres du Trophée Jules Verne, en me plongeant dans les éditions des 30 dernières années, j’ai vu qu’il n’y avait pas de Femmes ou presque pas. Ça me faisait mal au ventre de voir que dans mon sport, il y avait cet écart entre Hommes et Femmes. Alors je me suis dit : Je le fais ! Je monte un équipage 100% féminin, c’est trop important pour notre sport. Je donne l’opportunité aux athlètes de mon sport de participer à ce défi. Et nous voilà, 8 Femmes, 7 nationalités, de 23 à 52 ans…

Comment avez-vous fait pour les choisir, ces 7 merveilles du monde ?

Un simple appel à candidatures, on a tenté d’allumer une petite flamme. Et on a reçu environ 300 candidatures ! Ouais, c’est génial… Au final, on est 30 femmes sur le projet et ça fait 2 ans que l’on s’entraîne.

« On ressent déjà une très forte complémentarité entre nous »

Après la période construction du projet, avec un volet administratif souvent dense, vous avez posé vos valises à Brest cet été pour rentrer dans le vif du sujet, avec le bateau et les premiers entraînements. Comment ça se passe ?

Très bien ! Brest, pour nous, c’est une opportunité super intéressante. C’est une ville connue pour ses records à la voile… Quand on s’est installées, on a tout de suite été fascinées par la rade de Brest. C’est un terrain de jeu incroyable ! Pour un bateau de grande taille, ce n’est pas évident de trouver un endroit pour naviguer sans se soucier de la place, etc… Et puis, Brest est une ville connue pour sa mixité. Et nos partenaires ont souvent une vraie vie économique ici, donc ça convient vraiment à tout le monde.

Et physiquement, le travail porte ses fruits pour vous et votre équipage ?

On continue notre préparation physique et on gère de la « bobologie » classique dans notre sport. On a monté une équipe sport santé nutrition, on travaille avec l’Institut du cerveau (ICM) pour travailler autour du sommeil… Vraiment, on se donne toutes à fond pour ce projet.

Vous ne serez pas seule puisque vous embarquez vos 7 coéquipières très différentes, vous parliez tout à l’heure de 7 nationalités et plusieurs générations présentes dans cet équipage. Qu’est-ce que chacune de vos coéquipières apportent que vous n’avez pas ?

Je pense d’abord à ce que chacun apporte au groupe : de la bienveillance. C’est la qualité première qui était recherchée : une attitude positive et bienveillante. Une envie d’apprendre comme de transmettre. Notre multiculturalisme, c’est une vraie force. On va apprendre à se connaître davantage, bien sûr, mais on ressent déjà une forte complémentarité entre nous. On a toujours une fille pour être notre soleil qui brille à bord, on a toujours la perfectionniste qui va aller chercher le dixième de nœud en plus et qui n’ira pas se coucher avant de l’avoir trouvé… Quand je suis à l’intérieur pour travailler sur la stratégie et la météo, j’ai quelqu’un sur le pont qui est excellente pour manager… Et puis, on a nos petites jeunes, notre groupe karaoké (rire), qui apportent une énergie folle.

Le 100% féminin, on sent que ça vous donne une petite force en plus…

Oui parce qu’elles ont toutes une énergie et un talent de fou ! On a des médaillées olympiques, on a une navigatrice avec 6 tours du Monde, dans les deux sens… Ce sont toutes des athlètes de haut-niveau, avec un palmarès incroyable. Même les plus jeunes, qui ont moins d’expérience ou de palmarès, apportent quelque chose d’important. Et puis c’est tellement plus simple d’être sur un équipage féminin. Chez nous, pas de quota, personne n’est stigmatisée (rire). C’est aussi beaucoup plus facile pour communiquer. Au quotidien, ça donne le sourire.

Les clés de cette épreuve, selon vous, ce seront lesquelles ?

Au vu de nos moyens, nous devons rester humble et avant tout essayer de terminer ce tour du monde pour marquer un temps de référence féminin sur l’épreuve. Si on termine, on aura le premier record féminin. On doit rester concentrée pour bien naviguer, rester focus sur notre objectif d’être ensemble. Il y a toujours de la casse dans ce genre d’épreuve donc l’une des clés sera d’avoir le moins de casse possible… Mais la priorité, c’est de rester humble. Et unie.

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