La trajectoire de l'un des plus grands nageurs de l'histoire de la natation française, Frédérick Bousquet, n'est pas commune. Au départ, celui qui deviendra vice-champion olympique du relais 4x100m à Pékin en 2008 se prédestinait à devenir footballeur professionnel. Mais un problème osseux lié à une croissance en retard l'a empêché d'atteindre ce rêve. À 13 ans, les médecins le mettent face à un dilemme : soit il se met à la danse, soit à la natation. Pour le10sport.com, Frédérick Bousquet est revenu sur ce choix qui a changé sa vie.
Quand tu commences la compétition en natation, tu sens que tu as le niveau pour aller plus loin ?
« Non, je n’ai pas du tout ce ressenti. J’ai juste l’envie de voir plus loin, de découvrir plus, d’aller plus vite, de gagner encore plus, d’affronter d’autres adversaires, de voir mon nom monter dans le classement. Et très rapidement, le rêve olympique arrive. »
Comment on se prépare pour des premiers Jeux ? En l’occurrence, ceux de Sydney en 2000.
« Je n’ai pas vraiment la possibilité de m’y préparer car je découvre le concept de Jeux olympiques en 1996. Je ne savais pas que ça existait avant 1996. Mis à part l’OM et la Coupe d’Europe, le reste n’existait pas. Je découvre cette compétition en étant en vacances avec mon père, au fin fond du sud de l’Espagne. Je les suis à la radio du petit bar où on allait déjeuner à midi. Je suis les épreuves de natation avec Alexander Popov et Gary Hall Jr. Je me rends compte de ce que cela créé au niveau des gens. Je me dis que c'est un événement sportif, planétaire, je veux le voir, je veux y aller. C’est là que mon rêve olympique a démarré. »
À quel moment ce rêve devient concret ?
« En 1999, je suis recruté par le cercle des nageurs d’Antibes. À l’époque, c’était Michel Guizien l’entraîneur en chef et qui était aussi celui de Franck Esposito. Il va voir ma mère et il lui dit qu’il veut me faire rentrer au pôle France. Je passe toute mon année au CREPS, avec les autres nageurs du même âge. On rêve des Jeux même si personne ne se l’avoue. Après une soirée, je les regarde tous extrêmement sérieusement et je leur dis : Les gars ! Un jour, j’irai aux Jeux. Tout le monde part en fou rire. Mon meilleur ami m’en parle encore souvent : ‘T’avais l’air tellement déterminé mais c’était hors contexte... On parlait voitures, femmes et toi tu nous sors ça !’ Quelque mois plus tard, je dispute les championnats de France et je me qualifie aux Jeux. Je tombe des nues. Je venais de progresser de plus de deux secondes sur le 100m nage libre, normalement ça n’arrive pas ! Donc je n’ai pas vraiment eu de première préparation. Pendant très longtemps, je me suis souvent dit que j’avais eu de la chance. En fait non, j’ai été fort sur ce moment-là, j’ai validé le travail effectué et j’ai cru en mes rêves. »
En 5 ans de natation, tu accèdes aux JO… C’est rare un tel parcours ?
« J’en connais un en France qui a été encore plus rapide que moi et plus efficace. C’est Jean-Christophe Sarnin, un brasseur. Il nageait dans les clubs d’été durant deux ans. Puis il est rentré en club, il s'est qualifié aux championnats du monde en 1998 à Perth et il a remporté la médaille d'argent. »
EXCLU : Ces champions olympiques évoquent un gros problème en France https://t.co/xtxEMyYhYz pic.twitter.com/HEEoZmJfEr
— le10sport (@le10sport) February 19, 2024
Découvrir à 19 ans les JO, le village olympique, ça devait être grandiose ?
« Ça se passe un peu comme la première fois où j’ai amené ma fille à Disneyland. C’était Disneyland. Je pense que ma mâchoire s’est décrochée à peu près 15 fois dans la journée. J’arrive dans le village, un ami me dit que l'on dirait que je suis dans un magasin de bonbons. Tout m’émerveillait, j’étais ébahi par chaque détail. Envahi par l’immensité du site, du village. Pas apeuré, pas écrasé parce qu’à cette époque-là, à 19 ans, mon objectif était déjà atteint. J’arrivais aux Jeux en ayant atteint mon objectif. Évidemment, je voulais progresser et nager plus vite. Mais je n’avais pas d’ambition particulière sur ces Jeux, je ne savais pas ce que j’allais donner. Je fais le relais 4x100m nage libre dès le premier jour, on se qualifie en finale. On assiste à la confrontation USA-Australie, le record du monde de Mickael Klim. On finit septième mais l’important n’est pas là pour moi. J’ai 19 ans, cinq ans de natation derrière moi et je suis en train de vivre une finale olympique. Le jour du 4x100m, on sort de la chambre d’appel pour se mettre derrière les plots. Lors des 15 mètres qu’il y a entre la chambre d’appel et les plots, le sol tremble. Mais je n’arrive pas à dire si c’est parce qu’il y a 17000 australiens qui sont prêts à nager avec leur équipe ou si c’est parce que j’ai peur et que mes jambes tremblent. Ça fait 24 ans, mais je le vis encore quand j'en parle. C’est une image et une sensation pour moi qui reste gravée à vie. »