Président de Cholet, pensionnaire du National, Benjamin Erisoglu lance un vibrant appel aux dirigeants des institutions du football français pour les alerter sur le danger qui guette le monde amateur. Et demande à tous les footballeurs professionnels de se mobiliser pour faire passer le plus essentiel des messages : « Restez chez vous ! »
Dans ce contexte très particulier de confinement, de championnat suspendu et d'avenir un peu flou, comment appréhendez-vous les choses ? On est en guerre. Le Président de la République l’a dit, et répété, 10 fois. On est en guerre et il faut que tout le monde comprenne la gravité de la situation. Nous sommes face à une guerre sans précédent et nous sommes tous concernés, tous. Chacun doit prendre ses responsabilités et restez chez soi. C’est une absolue priorité. Et il faut que les footballeurs professionnels se mobilisent tous pour faire passer ce message. Le football est le sport le plus suivi au monde, leur parole compte. Et notamment auprès des plus jeunes. Messieurs, prenez vos réseaux sociaux et dites-leur de rester à la maison. Comment gérez-vous le confinement des joueurs de votre club ? C’est très dur. Psychologiquement, c’est une vraie épreuve. Cela fait tout juste une semaine et on mesure déjà la difficulté que ça implique. Mais c’est essentiel de tenir, d’être rigoureux, de ne surtout pas sortir chez soi. On a le sentiment d’être emprisonné dans une cage, plus ou moins dorée en fonction des situations de chacun, mais il faut tenir. Ce n’est vraiment pas évident… Et je pense à certains de mes joueurs, qui sont éloignés de leur famille, qui n’ont pas la chance d’être aux côtés de ceux qu’ils aiment. C’est dur pour eux et pour nos enfants, qui trouvent le temps long et qui demandent déjà quand ils pourront sortir… Le foot nous manque. Mais là, avant le foot, il faut penser à nous. Pour arrêter cette guerre, restez chez vous. Il y a plus d’un milliard de personnes confinées avec chaque jour un pays de plus qui prend des mesures de confinement. C’est un problème mondial et malheureusement, la France n’a pas assez de moyens, pas assez de masques, pour tous nous protéger. Alors restons chez nous et quand cette guerre sera terminée, on prendra tous plaisir à se voir, à s’embrasser, à jouer au foot. Les responsables du football français qui parlent de reprendre la saison dans quelques semaines et de terminer le championnat en juin, voire en juillet, vous en pensez quoi ? Sans manquer de respect à qui que ce soit, c’est n’importe quoi. L’heure est grave, très grave, pour notre société mais aussi pour notre football. Le football amateur, et notamment le monde du National, est plus que jamais en danger. Et si les institutions que sont la Fédération et les Ligues ne nous viennent pas en aide face à ce Coronavirus, le football amateur va mourir, c’est une certitude. Parce que les clubs ne pourront pas tenir financièrement ? Un club de National vit principalement du sponsoring, du mécénat, de la billetterie ou encore de ce qu’on peut vendre au bar. A la différence des clubs de Ligue 1 et Ligue 2, nous n’avons pas les droits TV. Je suis président de club mais je suis avant tout chef d’entreprise, avec 800 salariés (Technitoit, Mister Menuiserie). Le pays est à l’arrêt, on ne sait pas où on va, on ne sait pas combien de temps cela va durer. Comment les clubs vont faire pour vivre si les entreprises ne parviennent pas à tenir ? C’est dramatique ce qui va se passer. Si cette guerre dure, je ne connais pas beaucoup de clubs qui pourront rester debout et repartir la saison prochaine. Tous les clubs du National, de National 2, vont mettre la clé sous la porte car la plupart des présidents sont eux-aussi des chefs d’entreprise et ils sont dans la même situation. Un budget de National, c’est entre 2 et 5 millions d’euros, 6 millions pour certains. Comment bâtir un tel budget si des entreprises sont en train de couler ? Est-ce qu’il existe des solutions ? On nous parle de faire basculer les clubs du National dans le monde professionnel depuis des années. Et il ne se passe rien. Pour sauver ces clubs, c’est ce qu’il faudrait. Et la Fédération, comme la Ligue de Football Professionnel, doivent très clairement insister et jouer un rôle là-dedans. On nous parle de reprendre le championnat à la mi-mai ou fin mai, ce qui veut dire deux mois d’arrêt pour les joueurs. Avec 5 semaines de préparation, parce que c’est ce qu’il faut aux joueurs pour être prêts physiquement, on arrive à la fin juin. Et mes joueurs sous contrat jusqu’au 30 juin, je fais comment ? Je ne peux pas faire n’importe quoi, ça n’a pas de sens. Sans aide, on ne passera pas et personne ne passera. En passant dans le monde pro, avec des allègements de charges et d’impôts par exemple. Mais ce qui est clair, c’est que sans aide, on va mourir.