Comme en 2020, la NBA a choisi Paris pour l’un de ses matches internationaux (Chicago Bulls-Detroit Pistons). Un match diffusé en clair sur Canal + et commenté par George Eddy. La chaine cryptée a souhaité marquer le coup avec un documentaire sur l’une des voix les plus emblématiques du paysage audiovisuel français, disponible à partir du 15 janvier et dans lequel « Mister George » dit presque tout… La suite, il l’a réservée pour Le 10 Sport. Entretien.
Le 15 janvier prochain Canal + sort un documentaire dont vous êtes le sujet principal. Si on vous avait dit ça en 1984, vous y auriez cru ? Pas du tout ! J’avais déjà du mal à croire que Canal + allait me laisser commenter un match de NBA à la télévision française. Tous mes copains du Racing où je jouais à l’époque en deuxième division me disaient qu’ils ne me prendraient pas, qu’ils prendraient quelqu’un de plus connu. J’étais déjà tout surpris d’avoir le droit de commenter le premier match NBA sur Canal + avec la pression de Charles Biétry qui me disait « Si tu es bon, on fait une deuxième semaine et si tu es mauvais je trouverai quelqu’un d’autre. » Vous parlez dans ce documentaire de votre « rêve français »… Oui. J’ai compris rapidement que la France était la chance de ma vie. Déjà en tant que joueur. Aux USA, je jouais beaucoup. Quatre à cinq heures par jour, mais je n’ai jamais été pris dans l’époque de mon lycée, ni dans celle de mon université de Florida, dans laquelle avait joué Joachim Noah plus tard. À 20 ans, j’ai eu l’opportunité de devenir joueur professionnel en France, à Bagnolet, j’avais déjà du mal à y croire. Je ne connaissais rien au basket français en plus. Et puis après je suis devenu entraîneur, dirigeant et il y a eu Canal + évidemment. J’aurais aimé faire tout ça aux États-Unis, mais je savais que ce serait impossible. Mon rêve est devenu réalité en France qui est un grand pays d’accueil et d’opportunité pour moi. Les handicaps de vos parents sont évoqués, tout comme leur position dans cette société américaine encore très marquée par le racisme à l’époque. Il y a aussi une formidable anecdote avec Martin Luther King… Dès le début, vous n’avez pas eu la vie de Monsieur tout le monde… C’est vrai… Mais je ne m’en rends compte que maintenant, car quelqu’un avait envie de faire un documentaire là-dessus (rire). J’étais occupé à vivre ma vie. Je vis dans le présent et le futur. J’ai toujours été en train de préparer la suite de ma carrière et de ma vie. Mais, c’est vrai qu’avec le recul, à 66 ans, a probablement deux ans de la retraite, je me rends compte que j’ai eu une chance incroyable d’avoir des parents comme les miens, qui m’ont tout appris et aussi donné envie de découvrir la France, car ma mère était française.
"Je ne suis pas retourné aux États-Unis depuis 2015"
Quels sont vos liens avec les États-Unis aujourd’hui ? Ils sont de moins en moins importants. Je ne suis pas retourné aux États-Unis depuis le décès de ma mère en 2015. Il y a eu après les années Trump et puis toutes ces dérives que je constate. Les armes à feu, la polarisation de la vie politique… Il y a beaucoup de choses que je n’aime pas dans l’Amérique d’aujourd’hui. Et puis je vis en France depuis 45 ans maintenant. J’ai appris la vie à la française que je préfère mille fois au matérialisme américain. En France, on partage mieux les richesses, on a un système social qui aide beaucoup mieux qu’aux États-Unis les plus défavorisés. Tout le monde n’est pas armé jusqu’aux dents comme au Texas ou en Floride, il y a beaucoup moins de monde sous les ponts… Pour beaucoup de raisons, je préfère la vie en France. Je vais vivre ma retraite dans ce pays. Je suis devenu beaucoup plus français qu’américain. L’un de vos anciens camarades au Lycée évoque votre grande qualité au shoot. Finalement, si la ligne à 3 points avait été inventée plus tôt (elle arrive en 79 aux USA), vous auriez pu avoir une autre vie ? J’aurais sans doute eu une carrière avec plus de réussite ! Toute ma carrière j’ai shooté à 7 mètres et ce n’est qu’à partir de 1984 que ces paniers-là valaient 3 points. Dès la première année de la ligne à trois points, je suis devenu le meilleur marqueur en France devant tous les Américains avec 30 points par match. Mais je ne suis pas à plaindre, je suis très content de ma carrière. Je pense avoir largement dépassé les attentes qu’on pouvait avoir. Je n’étais pas du tout athlétique, je n’avais pas de détente ni de vitesse. Je n’avais que ma technique au shoot et mon QI basket pour survivre et j’ai quand même fait 5 ans en première division, deux fois meilleur marqueur de la deuxième division, deux sélections en équipe de France A’.
"J’ai animé le concert de rap de Shaquille O’Neal"
Le documentaire revient également sur votre relation avec Michael Jordan… C’est sans doute avec Jordan que j’ai eu la meilleure relation à travers les années. À chaque fois qu’il venait en France, Nike me demandait de faire le traducteur, l’intervieweur, animateur des évènements… En 90, pendant quelques jours, j’étais dans son entourage, là c’était le summum. Après en 1997 il y a l’interview dans l’émission Nulle Part Ailleurs pendant une heure. La plus grosse audience de l’année de l’émission. On m’en parle encore aujourd’hui. Grâce à Canal + j’avais une place hyper privilégiée. Dès qu’on parlait de sport américain, on faisait appel à moi. J’ai interviewé tous les autres, David Robinson, Charles Barkley … Il y a eu les All Star Game, les Finales… À chaque fois je devais me pincer pour y croire. J’ai animé le concert de rap de Shaquille O’Neal. Avec Shaq j’avais aussi une très bonne relation. On avait fait un entraînement ensemble, avec ses gardes du corps, dans la salle de Levallois. Gagner sa vie en faisant ce qu’on aime il n’y a quand même pas mieux. Quelques jours après la sortie de ce documentaire, les Chicago Bulls et les Detroit Pistons jouent en France. Un match diffusé sur Canal + et que vous allez commenter. Ce sera votre jubilé ? Plusieurs fois on m’a envoyé à la retraite et ce n’était pas le cas. Par rapport à Canal + France oui, c’est un peu un jubilé, car en dehors de ce match nous n’avons plus les droits de la NBA. Mais je vais probablement continuer jusqu’aux JO de Paris en 2024 sur Canal + Afrique, où je commente la NBA toutes les semaines. Je dis toujours qu’avant je commentais pour un pays et maintenant pour un continent. Retrouvez l'intégralité de l'interview de George Eddy et notre dossier spécial NBA dans Le 10 Sport actuellement en kiosque