Tennis - Roland-Garros : Le clan Djokovic ne digère pas la victoire de Nadal
Bernard Colas -
Journaliste
Passionné de sport, de cinéma et de télévision (à l’écran comme derrière) depuis son enfance, Bernard est journaliste pour le 10 Sport depuis 2018. Plus habile clavier en main que ballon au pied, il décide de couvrir principalement un sport adulé, critiqué et détesté à la fois (le football) et un sport qui n’en est pas un (le catch).

Sacré une quatorzième fois à Roland-Garros, Rafael Nadal n’a pas eu un parcours simple jusqu’à la victoire finale, lui qui a notamment affronté Novak Djokovic dès les quarts. Dans l’équipe du Serbe, le résultat de la rencontre a d’ailleurs toujours du mal à passer comme le reconnaît Goran Ivanisevic, entraîneur du futur ex-numéro 1 mondial. 

Il l’a fait. Malgré un état physique préoccupant et des rumeurs de plus en plus pressantes sur sa retraite, Rafael Nadal est parvenu à remporter un 14e Roland-Garros sur la terre battue parisienne. L’Espagnol n’a pas tremblé face à Casper Ruud (6-3, 6-3, 6-0) dimanche, en s’imposant logiquement dans une partie à sens unique, mais avant cela, Rafael Nadal s’est montré davantage en difficulté contre Félix Auger-Aliassime (3-6, 6-3, 6-2, 3-6, 6-3), Novak Djokovic (6-2, 4-6, 6-2, 7-6 [4]) puis Alexander Zverev, contraint à l’abandon alors que celui-ci parvenait à tenir tête au maître des lieux (7-6, 6-6). L'Allemand peut nourrir de gros regrets, tout comme Novak Djokovic, loin de son meilleur niveau ce soir du 31 mai sur le court Philippe-Chatrier. Dans l’entourage du Serbe, cette défaite a d’ailleurs encore du mal à passer comme le reconnaît son entraîneur. 

« C’était comme si Novak manquait d’énergie et comme s’il ne croyait pas suffisamment qu’il pouvait gagner »

Dans des propos accordés à Tennis Majors, Goran Ivanisevic ne cache pas son amertume en repensant au parcours de son protégé. « Je dois être brutalement honnête pour commencer – je suis dans un marasme et je ne peux pas dormir, avoue l’entraîneur de Novak Djokovic. Je ne peux pas dire que je suis déçu, mais je suis triste. Ce n’était pas un match parfait de part et d’autre. Rafa n’a pas joué un match spectaculaire, mais c’est le langage corporel qui a décidé, du premier au dernier point : Le langage corporel de Rafa et le langage corporel de Novak. Je l’ai prévenu, je vous ai même dit à vous (les journalistes) que le début du match pourrait être décisif, mais encore une fois, un mauvais départ… Et puis, après le retournement de situation dans le deuxième set, c’est incompréhensible la façon dont il a joué le troisième set. C’était comme s’il manquait d’énergie et comme s’il ne croyait pas suffisamment qu’il pouvait gagner. Vous ne pouvez pas vous permettre cela contre Rafa, car c’est son tournoi. » L’attitude sur le court de Novak Djokovic a effectivement étonné, lui qui semblait parfois avoir la tête ailleurs, permettant à Rafael Nadal de croire en ses chances jusqu’au bout, un élément encore inexplicable pour Ivanisevic : « Tout le monde l'a remarqué. Je ne sais pas, nous n'avons pas encore parlé. C'est pourquoi ce match me perturbe tant, je n'arrive pas à dormir. Ce qui se serait passé s'il avait gagné le quatrième set, personne ne le sait, mais ce n'est qu'un bon vieux "et si". Il a eu deux balles de set : la première était une faute directe facile en revers, la seconde, il s'est approché du filet avec la balle au milieu du court, et Rafa l'a dépassé. Peut-être que ça aurait été différent, peut-être pas, mais je ne comprends toujours pas le langage corporel et le manque d'énergie. Novak a eu trop de hauts et de bas, alors que Rafa a été constant et il méritait absolument de gagner ce match. » 

« Il est totalement absurde de dire que Novak a préféré jouer le match de nuit »

Par ailleurs, Goran Ivanisevic a tenu à rappeler les conditions particulières dans lequelles s'est déroulé ce choc des titans long de 4h12, disputé en night session. Une décision qui avait fait polémique, plaçant néanmoins Novak Djokovic comme le grand favori de la rencontre aux yeux des spécialistes en raison de l’humidité plus élevée, perturbant le jeu de Nadal. « Il est totalement absurde de dire que Novak a préféré jouer le match de nuit, conteste Ivanisevic dans son entretien accordé à Tennis Majors. Si nous revenons deux ans en arrière, Nadal a gagné Roland-Garros en octobre alors que la température était de dix degrés. Les gens disaient que Novak était le favori en soirée, mais il n'y avait aucun fondement à cela, je pense même que le match de nuit convenait à Rafa. Parce que Novak a besoin de se concentrer sur lui-même. On se disait "oh, la balle de Rafa ne va pas rebondir (haut)", mais la balle de Novak n'était pas aussi efficace non plus. Novak aime quand il fait plus chaud, parce qu'il peut obtenir plus de points avec son service et parce que sa balle se déplace plus rapidement, poursuit l’entraîneur de Djokovic. Rafa a utilisé ce que Novak lui a donné - il est le roi et le propriétaire de ce court, et il ne vous permet pas d'avoir des ratés, vous les payez immédiatement. Si vous regardez la demi-finale, Zverev a mieux joué tout le match avant la blessure, mais il perdait. Comme je le dis, l'énergie de Rafa était incroyable et c’est comme si Novak n'avait pas assez de confiance. »

« La seule chose que je n'aime pas et qui est vraiment injuste, c'est que le public ait hué Djokovic »

En quête d’un 21e titre du Grand Chelem pour égaler Rafael Nadal, qui en est désormais à 22, Novak Djokovic a peut-être craqué face à la pression, tandis que l’Espagnol jouait à domicile devant le public parisien. Un facteur dont avait conscience Goran Ivanisevic. « Avant le match, j'ai dit que 80 % du public soutiendrait Nadal, par respect, mais en réalité, c'était 99,9% du public pro-Rafa. La seule chose que je n'aime pas et qui est vraiment injuste, c'est que le public ait hué Djokovic lorsqu'il est entré sur le court. Je veux dire, c’est le numéro 1 mondial (pour encore une semaine, NDLR) et il a remporté 20 titres du Grand Chelem. Il n'y a aucune raison de faire une telle chose. Que vous l'aimiez ou non, vous devez le respecter. Après, encourager Rafa, bien sûr nous savions que ça allait être comme ça, ajoute le Croate, refusant toutefois d’utiliser cet élément comme une excuse pour justifier la défaite. Je ne sais pas si Novak a été gêné par cela ou non - il a appris à gérer cela et ça ne peut pas être une excuse, à mon avis. » Désormais, Novak Djokovic est attendu à Wimbledon pour tenter de conserver son titre, un tournoi qu’il entamera en étant favori pour Goran Ivanisevic, qui n’hésite pas à mettre la pression sur le Serbe. « Bien sûr qu’il peut gagner Wimbledon, et il n’a pas vraiment le choix, si nous sommes honnêtes. Il est le plus grand favori de Wimbledon, tout comme Rafa l’était à Paris. Novak doit maintenant bien se reposer et se préparer physiquement et mentalement pour Wimbledon. Je suis sûr qu’il peut le faire et je pense qu’il gagnera Wimbledon, j’ai un bon pressentiment à ce sujet. Il doit se concentrer sur l’herbe maintenant. » En attendant, Novak Djokovic devrait rester discret et ne pas apparaître sur un court avant le 27 juin, date du début de Wimbledon. « Nous verrons, mais l'essentiel pour lui est de récupérer mentalement. Comme je l'ai déjà dit par le passé, Novak est un génie qui a un état d'esprit différent de la plupart d'entre nous. Même s'il a besoin de moins de temps que la plupart des gens pour revenir et comprendre certaines choses, il doit quand même le faire. Il a surmonté des défaites difficiles dans le passé et je suis tout à fait certain qu'il sera prêt pour Wimbledon. » Le rendez-vous est pris. 

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