Le pire joueur professionnel de toute l'histoire du tennis a un nom : Robert Dee. Mais pourquoi s'acharner sur cet ancien élève de Nick Bolletieri, qui vient de fêter ses 23 ans, et a gagné plus de matches qu'on ne le dit ?
Comment Robert Dee a-t-il été découvert ? C’est le quotidien britannique The Guardian, puis le Daily Telegraph qui s'est penché sur son cas il y a trois ans.
Une trentaine d’excuses publiées sur son site Pourquoi reparle-t-on de lui ? Parce qu’il a demandé Daily Telegraph un dédommagement pour avoir ruiné sa réputation professionnelle après l'avoir qualifié de «pire joueur de tennis au monde». Il a réussi à obtenir plus d'une trentaine d'excuses (publiées sur son site officiel) et des dizaines de milliers de livres de la part du journal. Malgré cela, le Daily Telegraph a été amené devant le juge pour avoir refusé de retirer deux articles datant d'avril 2008 intitulés : «Le pire joueur de tennis professionnel au monde gagne enfin» et «La sensation britannique, la pire du monde». L'intéressé assure que de tels articles refroidissent les intentions d’entraîneurs professionnels pour venir lui filer un coup de main. Il n'a pas tort.
54 défaites et 108 sets encaissés d’affilée Fin 2008, alors qu’il est professionnel depuis trois ans, Dee avait alors mis fin à une série de 54 matches chez les professionnels et 108 sets d’affilée en s’imposant lors d'un tournoi challenger en Espagne, à Reus. Le natif de Bexley s’était défait de l'Américain Arzhang Derakhshani (6-4 6-3) avant de s'incliner face au Polonais Artur Romanowski (6-3 6-1).
«J’ai dormi dans des hôtels sans fenêtre» Il semble avoir fait plus de kilomètres que Bison Futé après avoir visité les coins les plus improbables de la planète pour y disputer des Challengers en Iran, au Sénégal, au Botswana, au Venezuela, au Kenya ou au Soudan. Ce qui lui a fait dire un jour : «La pauvreté est très présente, avec beaucoup de maladies et de dangers de toutes sortes autour de nous. Il m'est arrivé de dormir dans des hôtels sans aucune fenêtre avec des rats qui couraient dans ma chambre. J’ai avalé des repas aussi vite que peut fuser une première balle de service d’Andy Roddick».
Son passage chez Nick Bolletieri Robert Dee est passé entre les mains du gourou Nick Bolletieri. Peu précoce, le joueur n’a pris conscience de ses qualités qu’à partir de ses 16 ans et n’a envisagé d’intégrer le circuit qu’à 23 ou 24 ans ! Entre temps, il est donc allé s’endurcir le cuir à l’Académie basée Bradenton. Un cauchemar : «Un régime intense, dur et austère, explique-t-il, avec des entraînements à 5 heures du matin, ce qui fait que je me levais à 4h15 tous les jours, avant que le soleil ne se lève. C’était un dur apprentissage de la vie. Deux heures intensives d’entraînement, suivies du petit déjeuner, une séance de fitness, du cardio-training, le déjeuner, une petite sieste, une séance d’étirements, le souper et au dodo. Même si le dodo commençait souvent pendant le dîner.»
2406 dollars gagnés en trois ans Grâce au succès à Reus en 2008, Dee n'a donc pas battu le record de Diego Beltranena. Le Guatemaltèque avaient lui aussi perdu 54 rencontres entre 1997 et 2005. Exilé dans la péninsule ibérique, Robert Dee n'était même pas dans le top 500 espagnol ou classé à la Race, à cette époque. 1466e du classement ATP en mai 2005, Robert Dee avait gagné 2406 dollars sur le circuit professionnel. En 2008, ses gains se montaient à 442 dollars !
Une fiche plus actualisée par l’ATP Le site officiel de l’ATP n’a plus actualisé sa fiche depuis deux ans. Dommage, ça ferait probablement de l’audience. Pour avoir de ses nouvelles, il faut aller sur son site personnel. Là, on peut y apprendre que Robert n’est finalement pas si nul que ça. Depuis sa fameuse victoire à Reus, il a ainsi enchaîné 28 victoires sur 38 matches disputés localement en Espagne ! Il s’est même offert le luxe de corriger trois adversaires sur le score de 6/0 6/0 ! Il n’a plus joué depuis le mois de septembre et envisagerait de revoir ses ambitions à la hausse en revenant, pourquoi pas, sur le circuit parallèle…
Ridicule comparé au 100e mondial ? Il s’agit de Daniel Brands, et ça tombe bien, il est né la même année que lui (1987). L’Allemand a gagné 348 747 dollars depuis ses débuts sur le circuit. Son meilleur classement est 91e, le 19 janvier dernier. Mais Brands n’a pas beaucoup joué sur le circuit ATP (9 victoires pour 14 défaites) mais a longtemps exercé sur le circuit Challenger (86 victoires pour 66 défaites) et sur les tournois Futures (36 victoires, 33 défaites). Roger Federer, meilleur joueur de tous les temps, a gagné 688 matches et en a perdu 162 pour des gains s’élevant à 55 350 788 dollars.
Morale de l'histoire Et si le lynchage médiatique dont a été victime Robert Dee n’avait finalement pas servi sa carrière ? Son statut met la pression sur tous ses adversaires, il a l’avantage d’être connu dans le monde entier, gagne la sympathie du public et pourra désormais attirer un entraîneur professionnel qui verra forcément une progression dans son tennis. C’est toujours ce que recherche un éducateur, non ? Malin ce Robert, qui coule en plus des jours heureux sur la Costa Brava espagnole. Vraiment Bob, tu nous a tous eus.