Paris Ce qui casse le mythe
La rédaction

A l'heure d'affronter un Olympique de Marseille en verve, le Paris-Saint-Germain déçoit. Largué en Ligue 1, humilié en Coupe de la Ligue, Paris, ville lumière, est devenue une équipe ordinaire. Mais est-ce vraiment une surprise?

Le parisianisme. Voilà une notion à la mode ces derniers temps. Un clic sur Wikipédia: « Le fait d'accorder plus d'importance a ce qu'il se passe dans la capitale que dans le reste de la France ». Un concept, une identification que les supporters du PSG ont de plus en plus tendance à oublier. Paris, c'est 2,2 millions de résidents et une agglomération de 11,6 millions d'habitants (chiffres 2007). Pourtant, combien d'abonnés sont recensés au Parc des Princes? Seulement 21 000. Pour un stade pouvant contenir 45 000 spectateurs, c'est léger. Plus révélateur encore, la moyenne de spectateurs baisse: de 41 000 pour la saison 2008-2009, on est passé à 36 000 depuis le mois de septembre 2009. Seule la venue de Lyon en janvier (45 000 spectateurs) a permis de dépasser la barre des 40 000 supporters dans l'enceinte parisienne. L'assimililation au PSG périclite, pas comme celle de l'Olympique de Marseille sur le Vieux Port: pour 852 000 habitants, on recense 42 000 abonnés au Vélodrome, un stade de 60 000 places remplis d'ultras qui vivent, dorment et mangent OM. Un spécimen de plus en plus rare au PSG, qui est de moins en moins populaire. Paris n'a plus d'âme. Comment en est-on arrivé là?

Moins d'argent qu'on le croit

C'est Jean-Michel Larqué, ancien joueur et entraineur du PSG, qui pose le premier constat: « Paris se voit trop beau sur le plan financier. » A chaque début de saison, le club se classe parmi les cinq plus gros budgets de la Ligue 1. « Mais en fin d'exercice, Paris est toujours le plus mauvais élève », enchaine Larqué. Les chiffres prévisionnels de l'été ne servent en effet qu'à masquer une réalité bien différente: le PSG est criblé de dettes. 50 millions d'euros à rembourser qui empêchent le club et l'actionnaire d'investir dans les joueurs, la détection, les infrastructures... Pas un hasard si Colony capital, propriétaire du club, s'est mis en quête de nouveaux investisseurs, ce manque de liquidités conditionnant finalement tous les problèmes rencontrés: « Pourtant Colony amène des fonds, a rénover le centre d'entrainement, tempère notre consultant Daniel Bravo, ancien joueur du club. Mais certaines prolongations de contrat couteuses, par exemple pour Sammy Traoré, n'avaient pas lieu d'être.» D'autres fiasco financiers plombent le budget, comme Mateja Kezman, qui ne joue pas malgré 3 millions d'euros de transfert et un salaire de 300 000 euros par mois. Un élément qui ne vaudra plus rien à la revente et qui n'est plus utile. Tout comme bon nombre de salariés du club, qui accumule les contrats. Un cercle vicieux dans lequel le PSG tourne en rond, et duquel les dirigeants peinent à s'extirper

Incompétence chez les dirigeants

Il faut dire que ces derniers ne semblent pas de taille a mener le PSG vers les sommets. Le représentant de Colony Capital, Sébastien Bazin, a pendant quelques mois assuré la présidence la saison passée, avant de disparaître. Un manque de présence dans la vie du club auquel n'échappe pas l'actuel président Robin Leproux. Sa discrétion et son manque de charisme sont problématiques, même s'il a fait des efforts ces derniers temps: « Leproux n'a pas d'expérience, affirme Daniel Bravo. « Plus tu a d'inconnus du milieu du football à la tête du club, plus c'est problématique pour régler les problèmes, Larqué. « Il faudrait que quelqu'un prenne le relais, ou qu'il prenne ses responsabilités. Il est trop timide », conclut Bravo. Les sorties de Leproux dans la presse, comme sa lettre adressée au supporters au début du mois, ne sentent pas la révolte, mais plutôt la volonté de ne pas faire de vagues. Quand il faut gueuler, le président chuchote. « Ce n'est pas normal de ne pas recadrer quelqu'un comme Sessegnon, qui cumule les expulsions évitables» se désole Bravo. L'ère des présidents emblématiques, comme Francis Borelli ou Michel Denisot, est bien révolue. A quand un Jean-Michel Aulas à la tête du club?

Des pouvoirs mal définis

En plus de placer les mauvaises personnes au mauvais endroit, le PSG souffre d'un cruel manque d'organisation. Dans la hiérarchie Rouge et Bleu, aucun directeur sportif n'est là pour dicter la marche à suivre et apporter de la cohésion et de la présence au sein du club. « Il faudrait alléger la tâche d'Antoine Kombouaré, qui est trop esseulé », continue Bravo. C'est le seul gros caractère du club! Du coup, ses coups de gueule sont mal interprétés puisqu'il est le seul à hausser le ton! » Cette déplorable répartition des pouvoirs nuit aussi aux joueurs: « Ils ont besoin de savoir qui dirige, explique Daniel Riolo, journaliste à RMC. La hiérarchie doit être claire, avec un président fort. Saint-Etienne l'a bien compris: Vincent Tuong-Cong et Damien Comolli ont arrêté de diriger en duo et un seul président du directoire, Roland Romeyer est aujourd'hui le patron. Résultat: les Verts vont mieux.

Des médias omniprésents

Du coup, ce sont les médias s'en donnent à cœur joie. « Forcément , tout les médias sont regroupés à Paris, explique Ludovic Pimpon, rédacteur en chef de 100% PSG, le magazine officiel du club. Tout le monde est là à guetter le moindre petit travers. Mais c'est de plus en plus en plus acerbe, on tape dans la méchanceté ». Ce n'est pas l'avis de Daniel Riolo: « C'était vrai avant, quand le Parisien et L'Equipe faisaient un article par jour sur le club. Mais maintenant, ça sert juste d'excuse pour les joueurs. » Pourtant, la guerre des scoops fait toujours rage entre les deux quotidiens, dont les champs de bataille sont le PSG et l'équipe de France. Et cela semble toucher les joueurs, comme en témoigne l'affaire Mamadou Sakho, coupable d'avoir insulté et frappé un journaliste en conférence de presse début février. « C'était un trop plein qui a explosé, c'est un jeune, une cible plus vulnérable, dédouane Ludovic Pimpon. Même si ces derniers font parfois le jeu des médias en les alimentant en « potins »... Mais les joueurs plus expérimentés semblent savoir gérer: « Quand je parle avec les joueurs, ils savent faire la part des choses, affirme Pimpon. La pression des médias nuit plus au club en lui-même, qui devient un sujet de rigolade. »

Des supporters trop exigeants?

A commencer pour ses propres supporters, pas toujours indulgents avec leur équipe. « On peut comprendre: il n'ont rien a se mettre sous la dent », explique Bravo. La frustration est légitime, enchaine Francis, ex-futur président des Vikings, une des associations de supporters du club. Mais on en veut surtout à Colony Capital. Quand on voit le prix de l'abonnement... Lorsque le public scande « une équipe à Paris », c'est destiné à l'actionnaire. Les joueurs font avec leur moyens. Il n'y pas de mauvais ouvriers, que des mauvais patrons. Le public lance un appel au secours!» Cette grande attente des supporters peut néanmoins atteindre les joueurs: « Quand je jouais à Paris, on a raté des matches car ils nous mettaient trop de pression, se souvient Daniel Bravo. Le comportement du public est aussi du au sentiment d'abandon qu'ils ressentent de la part du club: « On est mis de coté, il n'y pas de contacts avec les dirigeants comme dans les années 90, déplore Francis. Les seuls qu'ils écoutent , ce sont les ultras, car ils craignent les débordements. Et encore, il ne ressort généralement rien de ses réunions. Le PSG n'est pas une famille. » Les dérapages de certains supporters sont également à déplorer, car ils donnent une mauvaise image du club, déjà largement salie. 

« L'équipe a besoin d'aide »

Toutes ces difficultés rejaillissent donc sur le secteur sportif, c'est-à-dire l'équipe. L'effectif pro, tout d'abord. La qualité intrinsèque est là, mais le manque de moyens ne permet pas la quantité: « Il ne faut pas se voiler la face, on en peut pas jouer l'Europe sans un banc de touche fourni, explique Daniel Bravo. L'équipe titulaire a de la gueule, mais dès qu'il en manque deux, c'est fini ». Mais même si Paris recrute de bons footballeurs, le mental reste un problème: « Pour réussir ici, il faut un gros mental. Certains peuvent être tétanisés par la pression du résultat et l'environnement du club. » « Le Parc des Princes est très intimidant, ajoute Daniel Riolo. Et les supporters sont capables d'attendre l'équipe jusqu'à 6h du matin au Camp des Loges pour s'expliquer, comme au retour du match de Coupe de France face à Vesoul » . Or, trop peu de joueurs parviennent à passer outre cette pression, notamment sur le terrain. «C'est parce qu'il n'y a pas assez de leaders capables de transcender les autres, constate Daniel Bravo. Autour de Makelele, Guily ou Coupet, il n'y a que des faux meneurs. » Sans parler d'un cohésion un brin entaillée: « J'ai eu l'écho d'un joueur qui voulait organiser un repas, et qui n' a pas pas pu car certains n'étaient pas disponibles. C'est un manque de conscience professionnelle. A mon époque, c'était: si tu ne viens pas, t'es exclu du groupe! » affirme Bravo. Des joueurs qui se prennent pour des stars cars ils ont signé au PSG, mais qui n'assurent pas sur le terrain. Ni en dehors.

Les jeunes partent ailleurs

Dernier constat: très peu d'éléments issus de la formation interne parviennent à faire leur trou dans l'équipe première, excepté quelques cracks comme Anelka où Sakho, et ce malgré l'immense réservoir de l'agglomération parisienne. « La plupart sont d'un niveau L2 », confirme Daniel Riolo. La faute à un manque de moyens pour les détecter (et leur offrir de bonne primes à la signature!), autant qu'à une mauvaise réputation: le PSG n'est que 14ème au classement des centres de formation français publiés par la LFP pour 2008-2009. Mais c'est surtout le reflet du manque d'identification des jeunes de la région au club. Des pépites qui préfèrent partir à la « campagne » vers Rennes, Auxerre ou Metz, pourtant en Ligue 2. Un niveau où le PSG, à force de ratés, pourrait bien finir par tomber...