Confrontés ce soir en ouverture de la 11ème journée de Ligue 1, Saint-Etienne et Rennes boxent depuis quelques temps déjà dans la même catégorie. Deux voies similaires, mais pas forcément des chemins tracés dans le même sillon.
C’est l’histoire de deux clubs historiques. L’un a fait vibrer la France des années 70, et l’autre est mine de rien centenaire, solidement classé dans le premier tiers de Ligue 1 depuis 10 ans. Deux puissances financières moyennes qui comptent sur un « malentendu », la faillite sportive d’un « gros », pour réaliser une saison canon. Deux clubs qui se ressemblent, mais dont l’ADN est presque radicalement différent.
Deux gestions de bon père de famille
L’obsession du Stade Rennais et de l’AS Saint-Etienne est simple, avoir des comptes sains. Cela passe d’abord par un contrôle de la masse salariale, et les deux directions se sont acheminées vers le même principe. En premier lieu, fixer un salaire maximum à ne pas dépasser, quel que soit le joueur. Ainsi, personne n’est censé gagner plus de 100 000 euros en « fixe ». Un salaire auquel viennent s’ajouter diverses primes collectives ou individuelles, négociées à la signature des contrats. Seule exception, Yann M’Vila, pour qui Rennes avait consenti un effort afin de le prolonger, et en espérant une plus-value à la revente…ce qui parait compromis. Rennes et l’ASSE, c’est aussi deux centres de formation prolifiques en jeunes. Gomis, Gourcuff, entre autres, sont les fleurons revendus à d’autres clubs. Sans compter les internationaux en catégories de jeunes et autres pensionnaires qui vont grossir les rangs des divisions inférieures. Les deux politiques sont de plus tenues par des directions plutôt stables. Pierre Dréossi est directeur sportif chez les Rouge et Noir depuis 2002, et même si les président ont parfois changé, sous la houlette d’un même actionnaire, il assure la stabilité et la continuité au sein du club. Idem chez les Verts avec un duo de présidents. S’ils ont parfois eu du mal à trouver leur place respective, ils ont assumé leur rôle dans un club pas toujours évident à gérer, tant il représente des heures glorieuses, hélas révolues. Pour couronner le tout, même le profil de leurs entraîneurs actuels est semblable. Râleurs, médiatique, prolifiques en conférence de presse. Christophe Galtier et Frédéric Antonetti sont des sudistes sanguins dans des régions calmes et paisibles. L’ASSE et le SRFC veulent donc aller dans la même direction. Mais leur environnement et leur histoire les séparent, et les rendent donc parfois antinomiques.
Une ambition forcément différente
A première vue, le Stade Rennais pourrait paraitre comme le club le plus ambitieux des deux. Propriété d’une des plus grosses fortunes de France (François Pinaut), on a cru un temps qu’il serait un acteur majeur de la course au titre. Il n’en est rien. Chaque année, le discours est le même de la part des dirigeants. Rennes ambitionne un classement sportif à hauteur de sa hiérarchie dans le classement des budgets, soit une sixième ou une septième place. Et le jour où il y a une erreur de casting dans le top 5, ils espèrent y être. Cet été, le président Frédéric de Saint-Sernin est allé même jusqu’à dire que le club n’avait pas l’ambition d’être champion. Un discours que n’encourage pas un environnement assez tranquille, sans pression populaire excessive. Un calme qu’a même déjà fustigé Antonetti depuis son banc, un soir où le stade de la Route de Lorient lui paraissait endormi. Autant dire que c’est un problème que ne connaissent pas les dirigeants de Saint-Etienne. La ferveur y est totale, le stade bouillant (même si les travaux atténuent un peu l’ambiance) et le poids de l’histoire presque écrasant. Néanmoins, l’ASSE a quand même de l’ambition. Malgré la prudence de mise, pour se protéger d’une pression constante, l’envie de jouer l’Europe est déclarée, ainsi que celle d’amener le peuple vert au Stade de France. En fait, Saint-Etienne n’a presque pas le choix. Même si les titres sont loin, l’ambition doit exister même si les moyens sont modestes. Les Verts fonctionnent en terme de projet à moyen terme. Cette équipe, avec les arrivées de Brandao, Cohade et Hamouma, a pris de l’épaisseur. Elle a aujourd’hui une profondeur de banc qui permet de rêver à un top 5 mais surtout à jouer l’une des deux Coupes à fond. En fin de compte, elle est là la différence fondamentale entre Rennes et Saint-Etienne. La différence entre un club qui ronronne et qui n’aspire pas à mordre, et un autre qui a déjà goûté à l’ivresse de la gloire. Une ivresse douce, transmise, inscrite dans ses gènes, et que les fans ne laisseront jamais s’effacer.
Ryad Ouslimani