L’Arabie saoudite poursuit sa ruée vers le sport
La rédaction

L’Arabie saoudite poursuit un objectif clair : devenir un pays phare du sport mondial. Inscrite dans le plan Vision 2030, cette ambition porte ses fruits de manière spectaculaire ces dernières semaines avec toujours plus de sportifs renommés qui rejoignent les compétitions nationales et un nombre grandissant de tournois majeurs organisés dans le royaume.

Lancé il y a sept ans par le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), le plan Vision 2030 de l’Arabie saoudite vise à faire sortir le royaume de sa rente pétrolière historique en diversifiant son économie. Et l’un des leviers de croissance activés par le gouvernement saoudien est incontestablement le sport. Véritable révolution sociale pour le pays, la dimension économique du projet, bien que centrale, n’est pas la seule.

En effet, le pays n’en finit plus d’agiter le monde du sport. Côté football, après Ronaldo, Benzema, Sadio Mané et Kanté, c’est la superstar Neymar qui vient de rejoindre un club saoudien. « C’est la continuité de la stratégie sportive saoudienne. Une politique initiée en 2018. Cette stratégie porte sur l’horizon 2030 et la volonté de libéraliser l’économie nationale. Une politique qui vient en support à celle de Mohammed ben Salmane », indique Raphaël Le Magoariec, géopolitologue et spécialiste des politiques sportives de la péninsule arabique.

« On voit que l’Arabie Saoudite a envie de changer les centres de puissance du football mondial »

D’après l’expert, « on voit bien que l’Arabie saoudite a envie de changer les centres de puissance du football mondial, si ce n’est du sport mondial ». En un mercato, le royaume a réussi à recruter cinq stars classées dans les 25 premiers joueurs du ballon d’or 2022. Une performance rendue possible grâce aux investissements du royaume dans ce sport par l’intermédiaire du fonds d’investissement public (PIF, 575 milliards d’euros d’actifs) présidé par le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) lui-même. Cristiano Ronaldo (au club Al-Nassr) gagne 200 millions d’euros par an, tout comme Karim Benzema (Al-Ittihad). Neymar va quant à lui gagner 100 millions d’euros chaque saison au club d’Al-Hilal.

« Il faut voir ça comme des contrats d’armement. Les sommes peuvent paraître astronomiques car il faut voir ça comme une politique étatique », précise Raphaël Le Magoariec. Même si elle est présente depuis longtemps, la culture football prend désormais de plus en plus de place en Arabie saoudite, signe des transformations sociales en cours, au sein d’une société qui s’ouvre à pas résolus aux loisirs et aux divertissements.

Mais dans le domaine du sport, le football n’est pas le terrain de jeu. La planète golf a été secouée début juin par l’annonce de la fusion des deux grands circuits masculins, le DP World Tour (Europe) et le PGA Tour (États-Unis) avec le circuit LIV lancé par le PIF en 2022. Une OPA du fonds souverain saoudien visant à unifier le golf masculin professionnel (hors la Ryder Cup et les quatre Majeurs). On peut ajouter au golf la Formule 1, la boxe, le cyclisme ou encore l’e-sport.

« Ils veulent utiliser le sport comme moyen de s’engager dans la diplomatie »

Si l’objectif du pays est de diversifier ses sources de revenus, il compte également utiliser le sport à des fins socioculturelles et de soft-power. « Ils veulent utiliser le sport comme un moyen de s’engager dans la diplomatie avec des pays du monde entier », affirme le professeur de sport et d’économie géopolitiques Simon Chadwick. « Mais je pense aussi qu’il y a un aspect socioculturel à cela. 66% de la population saoudienne a moins de 35 ans et, comme la plupart de jeunes de cet âge-là, ils veulent passer leur temps à faire des choses intéressantes et ludiques. Le gouvernement saoudien veut donc répondre aux besoins de la communauté de la génération Z ». Le royaume développe donc sa politique sportive pour augmenter son offre de divertissements et se rendre attractif aux yeux de sa population, et du monde entier.

Le 6 août dernier, l’Arabie saoudite a annoncé le lancement SRJ Sports Investments, une société d’investissement censée accélérer la croissance du secteur sportif dans le pays et dans la région. Selon le PIF, le groupe investira « dans l’acquisition et la création de nouveaux droits de propriété intellectuelle pour des événements, dans les droits commerciaux de compétitions populaires de premier plan et dans l’accueil de grands événements mondiaux en Arabie saoudite ». La création du SRJ Sports Investments est destinée à « renforcer la position de l’Arabie saoudite en tant que l’une des principales destinations mondiales pour le sport et le divertissement », s’est félicité le fonds souverain.

En effet, l’Arabie saoudite ambitionne a minima de tenir la barre face à ses voisins du Golfe, notamment le Qatar, pour s’imposer comme un poids lourd du sport, mais aussi du divertissement. Il y a encore six ans, la majorité des loisirs étaient mal vus dans le pays. Aucun cinéma ne proposait de films, aucun concert ne diffusait de musique, et la séparation des sexes était de mise dans les lieux publics. Aujourd’hui, l’Arabie saoudite est devenue un pôle au Moyen-Orient pour les événements culturels, les projections de films et les expositions d’art. Signe que la société saoudienne se transforme socialement, se modernise, et s’ouvre au monde.

Le prochain objectif du royaume : accueillir la Coupe du monde de football en 2030 ou 2034. Une candidature commune avec la Grèce et l’Egypte a été évoquée, mais elle n’est pas encore officialisée. Comme l’a rappelé son ministre des Sports, le prince Abdelaziz ben Turki al-Fayçal, l’an dernier à l’AFP, l’ambition suprême de l’Arabie saoudite reste l’obtention des Jeux Olympiques d’été. Les Jeux Asiatiques de 2034 décrochés par le pays ne sont visiblement qu’une étape.

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