José Garcia : « L’équipe de France m’a bizuté ! »
La rédaction

Dans « Les Seigneurs » (sortie nationale le 26 septembre), José Garcia est Patrick Orbéra, ancienne gloire du foot et entraîneur alcoolique qui tente de retrouver sa dignité en sauvant la petite île de Molène. Un vrai rôle de composition pour un acteur hermétique au foot.

Comment accepte-t-on un film autour du football quand on a en horreur ce sport ?

Je ne l’ai pas en horreur, c’est juste que je suis hermétique au foot. Je comprends qu’on puisse être admiratif de grands champions mais moi ça ne me touche pas. Mais c’est pareil pour le tennis, le golf, etc. Je ne suis pas fan des sports classiques, je préfère les sports extrêmes. Vous êtes au milieu des éléments et ça demande beaucoup plus d’humilité. De toute manière, ce que j’aime c’est être dans l’action. Regarder le sport à la télé, ça m’ennuie.

Dans quel sport aimez-vous vous mettre en action?

Par exemple, le tennis, je n'y arrive pas. Alors que le squash me rend complètement dingue. J'adore taper comme une brute dans une balle. Bon, le problème de ce sport, c'est que vous êtes enfermé. Je suis obligé de mettre des genouillères parce que je me prends régulièrement les murs. Je ne fais pas attention à mon environnement, j'ai même déjà cassé des vitres ! D’ailleurs mes adversaires ne comprennent pas toujours pourquoi je vais m’encastrer dans les murs en tapant et en criant. Mais c'est ma tactique, j'impressionne énormément (rires).

Vous avez récemment donné le coup d’envoi de France-Biélorussie au Stade de France. C’était une première pour vous ?

Ça m’a fait hurler de rire de faire ça. Tout le monde s’est bien foutu de notre gueule et on a bien ri avec Franck (Dubosc). C’était vraiment gauche. J’ai adoré ce coup d’envoi tellement pourri ! (rires) S’il y avait bien quelqu’un qui n’avait aucune justification d’être là, c’est bien moi. C’est ma première fois dans un stade et je donne le coup d’envoi. Pour moi, c’était d’une illégitimité incroyable. C’est comme si on me demandait d’ouvrir la porte d’un réacteur nucléaire et de régler les valves (rires).

Un peu plus tôt, vous avez même partagé quelques moments avec les Bleus à Clairefontaine…

Oui, on s’est bien marrés, ils sont vraiment adorables. On s’est vannés, ils m’ont bizuté et j’ai dû chanter une chanson. J’ai entamé « Mon frère était vétérinaire, il soufflait dans le derrière des chevaux » et tout le monde a repris en criant : « hi ho ». Le contact a été très facile parce que je n’ai pas eu de discussions autour du foot avec eux. C’était très simple comme rapport. Il y a eu de bons feelings avec Adil Rami, Franck Ribéry et Didier Deschamps. En plus, il y avait plein de joueurs qui avaient vu « Le Mac ». Ils sont venus me dire qu’ils avaient adoré, qu’ils l’avaient regardé plusieurs fois. C’était vraiment marrant.

Une image bien éloignée de celle qu’ils peuvent parfois dégager ou qu’on veut bien leur donner…

Oui et c’est ce qui m’énerve. On demande à des sportifs d’être capables de faire des phrases, d’être éloquents après un effort et après on se fout de leur gueule ! Allez chercher un mec de polytechnique, faites le courir 200 km sur un vélo et essayez de le faire parler après, vous verrez. Il ne faut pas demander tout et n’importe quoi aux sportifs. Il faut comprendre la pression qu’ils ont sur le coin de la gueule, c’est monstrueux.

C'est ce qui vous a le plus plu dans « Les Seigneurs », montrer que les footballeurs avaient aussi un côté « normal » ?

Oui, parce que ce n'est pas un film sur le foot, c'est une histoire d'êtres humains. Le ballon est uniquement la toile de fond. Ce film raconte la vie de personnages qui pour retrouver leur dignité vont aider d'autres personnes qui sont en train de la perdre. Vous savez, j'aime bien me mettre dans la peau des gens. Et je me mets à la place d'un jeune, qui à l'âge de 12 ans, se fait embarquer dans un centre de formation. Il mène une vie de rock star et devient connu planétairement. Moi, je sors de France, les mecs n'ont en rien à faire de ma gueule. Un footballeur, c'est un cauchemar partout où il va. C'est très très fort ! Et du jour au lendemain, à l'âge de 36 ans, il est obligé de tout arrêter. Comment, quand c'est une passion si débordante, pouvez-vous vous réinventer dans quelque chose de différent ? Je trouve ça très difficile. Cette réinsertion obligatoire est souvent très douloureuse. C'est ce qui me touche...

« Vous ne voulez pas qu’ils gagnent autant ? C’est simple, vous n’achetez pas leur maillot et vous n’allez pas voir du foot… »

Dans le film vous parlez de « gifle au foot capitaliste », c’est un pied-de-nez au PSG paillette des Qataris ?
Non, je ne suis pas un porte-drapeau. C’est juste que dans le film, le personnage de Ramzy mélange Nietzch, Che Guevara et le général De Gaulle (sourire). Il la ramène tout le temps avec Fidel Castro alors qu’il traîne dans le fric, la drogue et les putes. Alors quand je lui dis : « Cette aventure, c’est une gifle au foot capitaliste »… Là, il ne peut pas faire autrement que de m’écouter.

Vous venez de dresser la caricature d’une star du foot. Ce trait grossi est-il lié aux dérives du foot business ?

Si on leur donne ce fric, ce serait vraiment con qu’ils ne le prennent pas. C’est comme les voitures qui vont à 200… Si vous ne voulez pas que les gens roulent si vite, vous faîtes des bagnoles qui roulent à 130. C’est un investissement, ces mecs rapportent au final, point barre ! Vous ne voulez pas qu’ils gagnent autant ? C’est simple, vous n’achetez pas leur maillot et vous n’allez pas voir du foot…

Dans le film, vous êtes le coach du FC Molène, mais sur le tournage c’est Olivier Dahan qui vous dirigeait. Comment a-t-il réussi à gérer cette équipe de stars comiques ?
Olivier a une autorité naturelle. On est tous venu pour lui, pour avoir un patron qui nous dirige. C’est pour ça qu’il y avait une super ambiance. Maintenant, c’est vrai que c’était un vrai bordel quand on ne tournait pas. Ceux qui étaient autour se sont régalés, ils ont eu 6 spectacles inédits par jour rien que pour eux. Mais dès qu’on entendait « action », tout le monde était concentré et jouait sa partition.

De quel entraîneur vous êtes-vous inspiré pour le rôle ?
Pep Guardiola. J’adore ce mec, il a une bonne gueule. Je le trouve racé, il est moderne. Quand il regarde ses joueurs, c’est un beau regard. Sur un banc de touche, il n’est pas en train d’hurler et de traiter tout le monde. Il a la classe.

Patrick Orbéra est censé être un ancien numéro 10 des Bleus. On pense tout de suite à Zidane ou Platini. Pourtant, entre ses problèmes d’alcool, son look et sa grande gueule, on l’associe plutôt à Maradona…
Oui, c’était un peu ça. De toute façon, avec mon gabarit, je ne pouvais pas faire Zidane (rires). Mais ce que j’aime dans ce personnage, c’est qu’il n’est pas dans la rigolade. J’ai dit à Olivier (Dahan) : « Je sors de la Vérité Si Je Mens 3, je n’ai plus rien dans ma boîte à vannes, j’aimerais faire cet alcoolique, ce personnage plutôt sérieux ». Je voulais aussi me régaler à voir les autres s’éclater.

Ramzy nous a confié qu’il y avait des parties de foot organisées en marge du tournage et qu’il était nettement le meilleur, vous confirmez ?
Ramzy, il est comme ça, il aime bien allumer (sourire). Honnêtement, tout le monde s’est blessé. On jouait pendant 2 heures, on s’arrêtait 20 minutes puis il fallait reprendre en faisant 15 sprints. Même les joueurs professionnels avaient du mal. Mais Ramzy, c’est une force de la nature, c’est un fil de fer. Il se débrouille super bien. Dans les buts, il a arrêté des tirs de doublures professionnels, c’était impressionnant.

Et quel acteur avait vraiment besoin d’une doublure ?
C’est moi ! Franck en a eu besoin aussi. On était à peu près au même niveau. Quand je touchais le ballon, il partait et je ne voyais plus la caméra. J’ai tout de suite dit stop et après je n’ai quasiment plus touché la balle. (rires)

Vous l’avez dit, vous êtes plutôt sports extrêmes. Qu'est ce qui vous attire dans ce milieu?
J'adore parce qu’il faut savoir anticiper. J'aime faire des sports extrêmes mais pas de manière extrême. Ce qui est beau, c'est d'être au milieu des éléments et de constater que personne n'est là pour vous protéger. C'est comme lorsqu'il y a une scène d’explosion au cinéma et qu'on ne peut la faire qu'une fois. Là j'adore! Dans les sports extrêmes, il faut être humble au milieu des éléments. Quand vous êtes au cœur d'une vague de quatre mètres vous vous ne la pétez pas, il n'y a pas de mythomanie là dedans. Parce que vous savez que vous pouvez mourir dans les dix minutes. Ce qui me fait le plus peur et que j'aimerais faire dans le futur, c'est de passer les quarantièmes rugissants avec un marin. Là on n’est plus rien, on est au centre de la terre. C'est un projet... je vais peut être le faire en kitesurf d'ailleurs (rires). Je suis un dingue moi !

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