Dominé, pour ne pas dire humilié, par Remco Evenepoel, qui l'a rattrapé pendant l'épreuve contre-la-montre des championnats du monde, Tadej Pogacar devrait frapper un grand coup lors de la course en ligne pour ne pas laisser s'insinuer dans l'esprit du Belge la conviction qu'il était désormais en mesure de le vaincre, notamment dans l'optique du Tour de France...
Thomas Voeckler, décidément toujours aussi pertinent dans sa compréhension de la course, avait annoncé avant la course en ligne des championnats du monde qu'il ne fallait pas forcément tirer de conclusions après la déroute de Tadej Pogacar lors de l'épreuve contre-la-montre du Mondial, au cours de laquelle il avait été rattrapé par Remco Evenepoel, une humiliation pour un coureur de sa trempe. Voeckler avait ainsi indiqué : « Comment j'analyse le contre-la-montre de dimanche dernier ? C'est normal, on est sur le moment, dans le sens où, pour Pogacar ou un autre, on se dit : ''Ah, punaise, il est super fort'', et dès qu'il y a un grain de sable : ''Ah, et si ?'' Rappelez-vous au Dauphiné, après le chrono. Et si ? Et puis, le lendemain... »
Evenepoel commençait à y croire de plus en plus...
Avant la course, Tadej Pogacar l'avait lui aussi annoncé, ce serait un monde totalement différent par rapport au chrono : « Suis-je toujours le grand favori après le chrono de dimanche dernier ? Dimanche dernier était différent de dimanche prochain. J'étais principalement là pour la course sur route, donc oui, les attentes sont élevées. J'attends beaucoup de mes jambes, et nous visons le meilleur. Nous avons l'une des meilleures équipes ici, nous pouvons donc être considérés comme l'un des grands favoris. Sur le chrono, Remco voulait peut-être aussi prendre sa revanche sur le Tour, lorsqu'il a été rattrapé par Jonas Vingegaard dans le contre-la-montre en côte. Cette fois, c'est peut-être à moi dimanche d'effacer le mauvais sentiment de dimanche dernier. À mon arrivée, je me suis entraîné deux jours sur le vélo de contre-la-montre, puis il y a eu la course. Je n'arrivais pas à trouver mon rythme et mes jambes n'étaient pas au beau fixe. Après dimanche, j'ai troqué le vélo de contre-la-montre contre le vélo de route, et cette semaine, je n'ai plus de souci. Je me suis adapté aux conditions, à l'altitude et à la météo. Mes jambes fonctionnent à nouveau bien ».
« J'ai dû me battre contre moi-même comme l'année dernière »
Tadej Pogacar est donc arrivé déterminé au départ, d'autant plus déterminé qu'il savait qu'il lui fallait absolument taper un grand coup pour assommer les ambitions grandissantes d'Evenepoel, ragaillardi par sa large victoire dans le chrono, et ce dans la perspective du Tour de France. A l'arrivée, le Slovène a largement rempli sa mission, concassant quasiment tout le monde à 100 kilomètres de l'arrivée dans le Mont Kigali pour finir seul les 60 derniers kilomètres, réinstallant immédiatement dans les esprits le dogme de sa supériorité absolue. Pogacar pouvait légitimement exprimer sa satisfaction à l'arrivée, dans des propos rapportés par cyclismactu.net : « Je crois que la course était dessinée pour ce genre d'attaque. J'espérais qu'un petit groupe se détache tôt, comme cela s'est passé avec Juan (Ayuso) et Del Toro, c'était vraiment le scénario idéal de pouvoir rouler à trois ensemble le plus longtemps possible. Mais Juan a eu des problèmes assez tôt dans le mur de Kigali, et Del Toro a eu lui des problèmes d'estomac pendant la course. Je me suis donc retrouvé tout seul assez vite, et j'ai dû me battre contre moi-même comme l'année dernière, je suis très heureux que ça ait fonctionné. J'étais content d'en finir dans le final, ça devenait de plus en plus dur au fur et à mesure qu'on enchaînait les tours. Même dans les descentes, qui n'étaient pas très rapides, il fallait beaucoup pédaler. Les derniers tours étaient vraiment difficiles, j'ai dépensé toute mon énergie et je n'avais plus beaucoup de réserves, mais ce sont des moments à travers lesquels il faut passer. Il ne faut jamais cesser d'y croire malgré les doutes qui peuvent surgir, et toujours espérer que ça aille mieux. C'était une expérience incroyable, et une semaine réussie ».