Cyclisme : Des ascensions payantes sur le Tour de France ?
Alexandre Higounet

Au fil des ans, la question de la redistribution d'une partie des revenus générés par les grandes courses, notamment le Tour de France, en direction des équipes, qui sont pour l'instant dépendantes à 100% de la présence d'un sponsor, se pose avec de plus en plus d'acuité. Dans le registre, Jérôme Pineau, ancien coureur et consultant sur RMC, a lancé l'idée de faire payer le public sur certaines ascensions comme l'Alpe d'Huez, afin de générer de nouveaux revenus. Que faut-il en penser ?

Depuis plusieurs années, la question de la dépendance des équipes au sponsoring, leur existence pouvant être remise en question à la fin de chaque partenariat, et donc de la redistribution en leur faveur d'une partie des revenus générés par les grandes courses comme le Tour de France, se pose avec insistance. Elle devient même de plus en plus sujette à débat entre les acteurs du cyclisme. Il y a quelques semaines, lors de sa chronique pour cyclismactu.net, Cyrille Guimard avait posé clairement le problème à l'évocation d'une exhibition effectuée en Andorre par les ténors du peloton : « Suis-je surpris ? Non, c’est le monde. Il y a toujours eu des riches, des moins riches et des pauvres. Et cet argent-là, s’il n’allait pas à ces coureurs, il n’irait nulle part ailleurs dans le cyclisme. Ce sont des exhibitions, comme au tennis ou ailleurs. C’est bien que le vélo attire ça. Ces questions existent parce que, oui, certaines équipes aimeraient que certaines choses évoluent. Dans des sports comme le tennis, le football ou le rugby, une grande partie des recettes provient des droits TV, de la télévision. Dans le cyclisme, personne n’ose l’aborder, c’est un sujet tabou. Et en France, ce n’est même plus seulement tabou : si vous en parlez trop, vous vous exposez à des représailles. C’est la réalité, et je suis désolé de le dire, mais c’est ainsi. Si on veut une vraie évolution, il faut changer de système économique, et la télévision doit en faire partie. La télévision vend un événement, en tire des bénéfices, et c’est normal que le Tour de France gagne de l’argent. Ce qui ne l’est pas, c’est que deux acteurs majeurs n’aient aucun retour : la Fédération et les équipes. En France, contrairement aux autres sports, la Fédération Française de Cyclisme n’est jamais invitée à la table des négociations avec ASO ou les diffuseurs. Jamais. Il ne faut surtout pas le dire. La Fédération ne dirige rien : pour faire des recettes, elle augmente les licences ou les droits d’organisation. Quant aux équipes, elles amènent de la visibilité, des coureurs, un investissement… mais elles ne touchent rien des recettes TV, alors qu’elles participent directement à la valeur de l’événement. Mais encore une fois : sujet tabou. Aujourd’hui, je peux parler. Alors je parle ».

« Ils ont créé une étape qui va monter deux fois l’Alpe d’Huez, privatisons donc les cinq derniers kilomètres »

Plus récemment, à l'occasion du podcast Grand Plateau sur RMC, Jérôme Pineau, ancien coureur et consultant pour le média, a lancé une autre piste pour générer de nouveaux revenus à destination en partie des équipes, celui de rendre payant l'accès aux grandes ascensions, voire aux endroits stratégiques des grandes courses : « Je vais en choquer certains, mais ils ont créé une étape qui va monter deux fois l’Alpe d’Huez. Privatisons donc les cinq derniers kilomètres de l’Alpe d’Huez. Faisons payer l’entrée, ayons des VIP, créons quelque chose pour gagner de l’argent ! Historiquement, le cyclisme est un sport populaire, un sport libre. Mais un sport libre où il n’y a plus de coureurs sur la route parce qu’il n’y a que deux équipes, Bahreïn et les Émirats arabes unis, est moins amusant, n’est-ce pas ? Les spectateurs viennent regarder la course pour voir vos coureurs, mais vos coureurs n’ont rien sur la feuille de revenus. C’est ce qui n’est pas juste. Des zones d’accueil sont organisées sur le Tour et dans d’autres grandes courses, mais c’est l’organisateur qui prend l’argent, pas les gens qui font le spectacle ».

Installer un vrai système de transferts limiterait la vulnérabilité des équipes face aux sponsors

Serait-ce une bonne solution ? Si l'idée de généraliser les accès VIP avec des prestations haut de gamme, à l'image des loges en football ou de ce qui peut se faire sur une classique comme le Tour des Flandres, apparaît pertinente si les revenus générés sont orientés vers les équipes, celle de privatiser les derniers kilomètres serait un non-sens. Le succès populaire du cyclisme vient en partie de sa gratuité et de sa proximité avec le public, et il serait illusoire d'imaginer l'inverse. Un moyen plus efficace pour générer des revenus en dehors du sponsoring serait assurément d'installer un vrai système de transferts comme dans le football, les équipes les plus riches reversant alors une partie de leurs moyens financiers vers les autres. Si cela ne résoudrait pas l'intégralité du problème, cela permettrait de limiter la fragilité des équipes face à l'arrêt d'un sponsor.

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