Roland-Garros : Djokovic dérape encore, les polémiques s’enchaînent
Bernard Colas -
Journaliste
Passionné de sport, de cinéma et de télévision (à l’écran comme derrière) depuis son enfance, Bernard est journaliste pour le 10 Sport depuis 2018. Plus habile clavier en main que ballon au pied, il décide de couvrir principalement un sport adulé, critiqué et détesté à la fois (le football) et un sport qui n’en est pas un (le catch).

Novak Djokovic collectionne les titres du Grand Chelem mais également les polémiques. Victorieux du premier tour de Roland-Garros lundi, le Serbe a inscrit un message politique et controversé concernant le Kosovo sur la traditionnelle caméra dédiée aux dédicaces des joueurs. Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, a recadré l’ancien numéro 1 mondial qui n’en est pas à son premier coup d’essai. 

Enchaînant les titres du Grand Chelem, avec 22 sacres après sa victoire en Australie, à égalité avec Rafael Nadal, Novak Djokovic sait aussi collectionner les polémiques. Le Serbe traîne derrière lui une réputation de provocateur, connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche au moment d’évoquer certains sujets sulfureux. Et ce nouveau Roland-Garros n’a pas fait exception.

Djokovic prend position en plein conflit entre la Serbie et le Kosovo

Victorieux sans trembler au premier tour en cette année 2023 contre Aleksandar Kovacevic (6-3, 6-2, 7-6 [1]), Novak Djokovic a davantage fait parler de lui pour son départ du court Philippe Chatrier que pour ses débuts sur la terre battue parisienne. Au moment d’inscrire sa signature sur la caméra dédiée comme il est coutume de le faire pour les joueurs vainqueurs, Nole a décidé d’afficher ses opinions politiques, écrivant la phrase : « Le Kosovo, c'est le cœur de la Serbie ! Stop à la violence. » Un message politique et polémique, rédigé en cyrillique, au moment où les tensions entre la Serbie et le Kosovo se sont accentuées ces dernières semaines. Pour rappel, le pays de Novak Djokovic conteste depuis 2008 l’indépendance autoproclamée du Kosovo, ancienne province serbe.

« Je pense que ce n'est pas approprié, a réagi mercredi sur France 2 Amélie Oudéa-Castéra, la ministre des Sports. C'est un message qui est militant, qui est très politique. La directrice du tournoi a pu échanger avec lui, avec son entourage, il ne faut pas que ça recommence. » Pas de quoi inciter Novak Djokovic à faire profil bas. « Je ne regrette pas de l'avoir fait, a répondu le numéro 3 mondial mercredi, après sa victoire face à Marton Fucsovics (7-6 [2], 6-0, 6-3) au 2e tour de Roland-Garros. Vous avez ma citation si vous voulez encore en parler. Je sais que beaucoup de gens ne sont pas d'accord avec moi, mais c'est comme ça. C'est tout. Un Grand Chelem sans drama, je ne pense pas que ce soit possible pour moi. » On se souvient notamment de ses interruptions médicales polémiques, Djokovic étant soupçonné d'exagérer ses pépins physiques comme ce fut le cas à l'US Open 2008.  

Son refus de se faire vacciner contre le Covid-19 a plombé sa saison 2022

Effectivement, difficile pour Novak Djokovic de ne pas se retrouver en plein « drama ». Sa position sur la vaccination au sortir de la crise du Covid-19 est encore dans toutes les mémoires et avait divisé le monde du tennis. Une affaire qui avait évidemment dépassé le cadre du sport en prenant une tournure politique très forte, et plombé sa saison. Refusant de se faire vacciner, Nole était au cœur d’un scandale en Australie au début de l’année 2022, privé de Grand Chelem et expulsé comme un paria par des agents de l’immigration. Une partie de l’opinion publique l’avait alors rangé du côté des complotistes, alors que Djokovic avait dû ensuite renoncer à l'US Open, l’entrée aux États-Unis restant soumise à l'obligation vaccinale.

« En me basant sur toutes les informations sur le vaccin, j'ai décidé de ne pas me faire vacciner. C'est ma position, justifiait Djoko en 2022, dans les colonnes de L’Equipe. Est-ce que ça va changer ou pas ? Je ne sais pas, tout évolue assez rapidement, on le voit dans les décisions de certains gouvernements. En ce moment, je ne sens pas le fait que j'en ai besoin pour protéger mon corps et je n'ai pas l'impression que je suis une menace pour les autres. Qu'on soit vacciné ou pas, on peut toujours transmettre le virus. C'est ma position et, pour la suite, mon esprit est complètement ouvert. Tout est possible. Mon corps, c'est mon outil, mon principal actif. En tant qu'athlète de haut niveau, j'ai besoin d'en prendre soin pour être compétitif et constant. Et, tout au long de ces années, je remercie avec beaucoup de gratitude ce corps pour tous les succès rencontrés, parce que j'ai été capable de récupérer très vite après tant de matches très difficiles. »

Un tournoi à l’origine d’un cluster en pleine pandémie

Quelques mois auparavant, et en pleine pandémie de coronavirus, Novak Djokovic avait déjà été heurté par le sujet. En mai 2020, le Serbe lançait le "Adria Tour", série de tournois humanitaires dans les Balkans qui s'était transformé en cluster géant. Aucune mesure sanitaire n’avait été mise en place, avec du public en tribune et des sorties festives au cours desquelles plusieurs joueurs avaient contracté la maladie. « Décision débile de faire l'exhibition (...), voilà ce qui arrive quand on ne respecte pas les protocoles. Ce N'EST PAS UNE BLAGUE », avait taclé Nick Kyrgios. Djokovic, lui, avait affiché sa position avant le début du tournoi polémique : « Personnellement, je suis opposé à la vaccination et je ne voudrais pas être forcé par quelqu’un à être vacciné afin d’être apte à voyager. Mais si ça devient obligatoire, que se passera-t-il ? Je devrai prendre une décision. J’ai mon propre avis sur la question, est-ce qu’il changera à un moment donné, je ne sais pas. » Son avis sera connu de tous un peu plus tard.

Quand Djokovic fait l’éloge des « transformations énergétiques »

La même année, d'autres analyses scientifiques du joueur font réagir. Dans un live sur Instagram avec Chervin Jafarieh, présenté comme un « gourou du bien-être », Novak Djokovic affirme qu’il est possible de modifier la composition de l'eau ou de la nourriture grâce à la pensée positive. « J'ai vu et je connais des gens capables, par des transformations énergétiques, par le pouvoir de la prière, de transformer la nourriture la plus toxique ou l'eau la plus polluée en eau la plus pure », lâchait le Serbe, ajoutant que « des scientifiques ont démontré que les molécules présentes dans l'eau réagissent à nos émotions, à ce qui est dit. »

L’incongru n’est pas étranger à Novak Djkokovic, lui qui a inauguré en Bosnie des terrains de tennis sur un parc archéologique qui abriterait une pyramide selon son propriétaire, « plus grande que celle de Khéops » et capable de ressourcer les visiteurs par son énergie mystérieuse. Une théorie qui n’a pas été validée par les archéologues. « Je sais qu'il y a beaucoup de doutes, de dilemmes sur l'authenticité. Afin de comprendre entièrement ce qui se passe ici (...) il faut venir », s’était justifié sans vaciller Djokovic. Ce dernier est également connu pour avoir collaboré avec Pepe Imaz, sorte de gourou espagnol prônant « l'amour et la paix » dans ses entraînements rythmés par des câlins et des méditations. « J'assume toujours la responsabilité de toutes mes décisions et personne ne peut m'influencer au point que cela me perturbe complètement et change complètement ma vie, se défendait en 2018 le double vainqueur de Roland-Garros, alors que cette relation était décriée au sein même de son propre clan. Je sens que je suis assez fort et assez mature pour prendre mes propres décisions dans la vie et m'entourer de personnes qui, selon moi, méritent d'être proches de moi. »

Des relations troubles

Et justement, quand il ne parle pas, Novak Djokovic s’affiche parfois avec des personnalités sulfureuses semant le trouble sur ses opinions. Alors son message sur le Kosovo fait aujourd’hui polémique, l’ancien numéro 1 mondial s’était montré au côté de Milan Jolovic après sa défaite à l’US Open 2021 comme le rappelle le quotidien La Croix, un ancien commandant d’une unité de l’armée sécessionniste serbe de Bosnie appelée Loups de la Drina qui avait participé aux massacres de Srebrenica commis contre les musulmans bosniaques en 1995. Novak Djokovic avait également été vu avec Milorad Dodik à l’occasion d’un mariage, un dirigeant politique serbe de Bosnie connu pour ses positions séparatistes. Forcément, cela ne passe pas inaperçu.

Articles liés