XV de France : Bastareaud, le nouveau patron du rugby français
La rédaction

En équipe de France comme à Toulon, Mathieu Bastareaud a pris du grade. L’ancien banni des Bleus en est désormais le leader. Un statut qui témoigne des progressions du trois-quart-centre français sur et en dehors du terrain. Un atout précieux avant la tournée d'été et les trois rencontres face à la Nouvelle-Zélande.

S’il fallait une star, la voici ! Mathieu Bastareaud a le profil type. Il répond en de nombreux points au cahier des charges : une personnalité atypique, un physique hors-normes (1,82 m pour 123 kilos), un look reconnaissable et connu du grand public. Même sa côte de sympathie est au plus haut. Sa bouille ronde et son sourire d’enfant contrastent parfaitement avec l’agressivité du joueur. Parfait pour les publicitaires. Parfait, aussi, pour la Fédération Française de Rugby qui cherchait un homme aux épaules solides sur lesquelles appuyer une bonne campagne de communication.

L’homme providentiel

Les cris de rugissements, les tampons, les percussions, les placages… Tout ça, c’est idéal pour l’image du rugby français renaissant. Celle de l’ère Bernard Laporte en président. Celle d’une équipe qui bat l’Angleterre, l’ennemi absolu. Et elle le doit en partie aux performances de Mathieu Bastareaud, décisif sur plusieurs ballons chauds. « Dans les rucks, il a été impressionnant, confie son ancien coéquipier en Bleu Lionel Faure. Avec ses bras qui travaillent comme des vérins, dès qu’il pose les mains sur le ballon, c’est gagner ». Ce soir-là, Mathieu Bastareaud a livré l’un de ses matches les plus aboutis en équipe de France. Pour les Anglais, il a été pendant 80 minutes un danger permanent, un roc infranchissable au milieu du terrain. Utilisé tel un tank en percussion, ou en leurre pour tromper la défense, « Basta-Rocket » accapare la vigilance de l’adversaire. « Il dégage une sérénité, il a un impact auprès de ses partenaires, explique le sélectionneur Jacques Brunel. Il est un repère fort de l’équipe qui a besoin de personnalités. Il est devenu quelqu’un d’important dans le groupe ».

« Il avait du mal à s’intégrer au milieu des vieux cons »

Pourtant, l’histoire de Mathieu avec la sélection est semée d’embûche. Pas toujours titulaire, pas toujours convoqué, Mathieu Bastreaud a encaissé les critiques. Dans la philosophie du jeu de rugby à la française, le poste de trois-quart-centre international est réservé aux altruistes, aux techniciens, aux élégants… L’histoire du XV de France est truffée d’images et de récits sur les exploits de Maso, Codorniou, Charvet ou Sella. Des petits gabarits à qui l’on doit le « French-Flair ». Pas vraiment les mêmes profils que le centre toulonnais, à qui l’on reproche souvent de foncer tout droit, de ne pas assurer la continuité du jeu, ne pas savoir faire de passes. Difficile, donc, pour Bastareaud de se faire rapidement une place dans les cœurs. Lionel Faure raconte : « Quand je l’ai connu en 2009, il était dans son coin. Taiseux, il avait du mal à s’imposer, à s’intégrer au milieu des vieux cons ». Mathieu est un timide et son style est souvent jugé incompatible avec le projet de jeu. Trop jeune pour Bernard Laporte en 2007, oublié de la sélection de Marc Liévremont en 2011, ce n’est qu’en 2015 avec Philippe Saint-André qu’il dispute sa première Coupe du monde mais sans être régulièrement titulaire. Aucun sélectionneur ne lui donne les clefs du jeu. Pour la même raison, pendant deux ans, Guy Novès le boude. Il ne le trouve pas compatible avec son projet de jeu fait de mouvements.

Depuis le brassard à Toulon, il est métamorphosé

Le retour en grâce n’a lieu que récemment, avec Jacques Brunel. Mais avec un nouveau costume : celui de leader. Conséquence enfin des énormes progrès fait par le joueur depuis son arrivée à Toulon en 2011. « Il a évolué dans son jeu, explique l’ancien pilier Lionel Faure. Avant, c’était surtout un physique. Sa feuille de route, c’était de péter dans les défenses adverses. Point barre. Aujourd’hui, il fait plus de passes, il crée plus d’incertitudes. Il fait jouer derrière lui ». Bastareaud s’est remis en question et a gommé ses lacunes. Il s’est libéré. Jean-Baptiste Elissalde, entraîneur des trois-quarts en équipe de France confirme : « Il a changé d’esprit. Il travaille beaucoup. Il est leader dans sa façon de bosser. Par les efforts fournis, c’est un exemple pour les autres ». Un patron aussi ! Depuis que Fabien Galthié lui a confié le brassard à Toulon, Mathieu Bastareaud est métamorphosé. Longtemps timide, presque effacé, il est depuis une voix que l’on écoute. Et les images sont belles et redonnent de la fierté patriotique à tout un pays. On le voit crier sa rage après chaque grattage, haranguer ses partenaires dans les temps morts, encourager et rassurer ses coéquipiers. Leader par l’exemple et par la voix. Il se sent mieux et ses performances le prouvent.

« Ce mec a tout »

A bientôt 30 ans, Mathieu est à maturité. Il en est conscient : « L’âge et l’expérience font, aussi, que j’ose tenter des choses que d’autres années je n’aurais jamais tentées ». Il est lucide également sur ses périodes de doutes : « J’ai toujours été honnête sur mes performances : je ne pouvais pas revendiquer quoi que ce soit. Ça me paraissait logique de ne pas être appelé en Bleu. Mais en même temps, ça me piquait ». Aujourd’hui, l’affaire de Wellington est loin derrière. En l’absence de Guilhem Guirado lors du dernier match du Tournoi des VI Nations au Pays de Galles, Jacques Brunel lui a confié le capitanat, qu'il conserve lors de la tournée en Nouvelle-Zélande. Un énorme signe de confiance. « Si Jacques lui met le brassard, c’est qu’il a senti en Mathieu une évolution et une maturité suffisante, explique Lionel Faure. Ce n’est pas une mauvaise idée. Il faut montrer des signes de confiance dans la continuité. Cela doit irradier les autres joueurs. Il faut lui donner les clefs du camion. Ce mec a tout. Avec ses locks et sa bougne, ça fait une belle tête de gondole pour le rugby français. En plus, il n’a plus peur de se mettre en avant. C’est la nouvelle star des Bleus ». Une star qui n’a plus peur de rien et ose tout. Le programme du XV de France 9 juin : Nouvelle-Zélande – France (Auckland - 9h35) 16 juin : Nouvelle-Zélande – France (Wellington - 9h35) 23 juin : Nouvelle-Zélande – France (Dunedin - 9h35) Romain Amalric

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