Faut-il s’inquiéter pour le XV de France ? 
Romain Amalric -
Journaliste
Journaliste depuis 20 ans, je suis homme de terrain de Canal+ sur le Top 14 et la ProD2 et correspondant pour Radio France

La défaite en Irlande a semé chez les Bleus la mauvaise graine du doute. Et si l’équipe de France était moins forte qu’on ne l’imagine ? Et si les Bleus n’étaient pas assez bien préparés au défi immense d’un titre mondial ?  

Ce serait-on vu trop beau, trop fort, trop invincible ? L’équipe de France a pourtant de quoi faire le coq. Invaincue en 2022, la deuxième nation mondiale a enchaîné une série record de 14 victoires consécutives, a remporté le Grand Chelem dans le Tournoi, a dans ses rangs le meilleur joueur du monde 2021 (Antoine Dupont), une génération exceptionnelle, et un réservoir immense de grands talents. Il n’y a pas meilleur contexte pour pavaner. Mais ce début de Tournoi 2023 dégonfle les citrons et remets les pendules à l’heure. Les Bleus ont peiné pour s’imposer en Italie avant de chuter en Irlande face à une équipe plus forte, mieux organisé, et mieux préparé. De quoi s’interroger sur la véritable supériorité du XV de France et de son rang dans la hiérarchie internationale. A 7 mois de la Coupe du monde, les doutes naissent et des questions se posent.  

En recherche de confiance 

Premier constat qui fait mal à l’orgueil tricolore : Les Irlandais sont meilleurs ! Le choc de l’Aviva Stadium est criant de vérité. Même si les Bleus ont longtemps rivalisé et tenu le score, ils ont aussi montré leurs défaillances face à des Irlandais sûrs de leur force pour passer 20 minutes dans nos 22 mètres et inscrire 4 essais. « Bizarrement, malgré la grosse série de victoires, on a l’impression que la France est en recherche de confiance, c’est assez troublant », confie l’ancien deuxième-ligne international David Gérard. Cela se traduit notamment par le peu de turn-over chez les cadres de l’équipe. « Il y a des garçons qui ont énormément de crédits dans le jeu, explique David Gérard, et Fabien Galthié mets ses cadres automatiquement ». Même s’ils sont à peine opérationnels et que le réservoir français est dense. Une façon d’assurer la présence d’individualités à valeur sûre au détriment d’un projet collectif précis ?  

La claque des Irlandais 

La défaite en Irlande remet en question les certitudes françaises. « On a quand même pris une claque derrière la tête face aux Irlandais, reconnaît David Gérard. On pensait réellement qu’on était préparé pour les battre. Et la réalité nous a rattrapé. Non seulement on n’est pas prêt, mais eux, ils sont en avance sur nous. En avance sur la préparation de leurs matchs, sur le jeu, et ils vont deux fois plus vite que nous dans leur évolution parce que c’est la même équipe et le même jeu que le Leinster ». David Gérard, actuellement manager à la recherche d’un club, était justement présent en stage au sein du staff du Leinster au lendemain du choc Irlande-France. « Dès le lendemain, ils ont débriefé le match en vidéo, explique David Gérard. Ils avaient repéré que le triangle arrière de l’équipe de France (Penaud, Ramos, Dumortier) ne travaillait pas très bien défensivement et communiquait très peu. De bons joueurs offensifs mais pas rigoureux dans la gestion du troisième rideau de la défense. Donc avec un bon jeu au pied, ils se sont amusés. Ils avaient tout repéré, tout préparé. Et pour eux, physiquement, on n’est pas au point. Alors que nous on se vante de notre capacité à être costaud et endurant, les Irlandais avaient senti qu’on n’avait pas la capacité de tenir le match sur la longueur. Et puis ils ont vu qu’on était fatigué. La chance qu’ils ont, eux, c’est d’avoir un championnat faible. Ils n’ont pas de matchs durs, à part en Champions Cup. Alors que nous, les Toulousains ou les Rochelais bataillent sur chaque match en Top 14. Parce que c’est le Bouclier et que c’est important pour nous. Aujourd’hui on est à la recherche de rythme permanent. Mais est-ce qu’on ne devrait pas plutôt être à la recherche de fraîcheur ? On est en manque de fraîcheur. Il faut absolument arriver à régénérer nos mecs. On laisse trop d’énergie dans le championnat. Le Top 14, c’est notre point fort, et aussi notre point faible ». 

La perspective de la Coupe du monde 

Les observateurs des Bleus ont peut-être un peu trop vite vu le XV de France comme la meilleure équipe du monde. Ou trop tôt. Mais pour les plus pessimistes, la perspective du mondial donne des frissons. Car le calendrier propose aux Bleus un match d’ouverture contre les All Blacks. Et en cas de défaite, un potentiel quart de finale contre les Irlandais. Donc théoriquement, les deux meilleures équipes du monde sur le chemin des Français. C’est pas de bol ! « Le gros avantage de cette coupe du monde, c’est que c’est en France, explique David Gérard. Mais est-ce que ça suffit pour gagner une coupe du monde ?  Je ne pense pas. Nous les Français on n'est jamais aussi bon que quand on n’a peur. Et je pense qu’en ce moment on n’a pas assez peur. On est trop sûrs de nous. Et les mecs en face nous respectent assez pour bien préparer leur match ». La vérité de la Coupe du monde ne s’écrira qu’en septembre. En attendant, les Bleus ont 6 mois pour lever nos doutes.

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