Rugby : « Si on avait mis 50 points aux Anglais, on serait rentré en Uber jusqu’à Paris ! »
Romain Amalric -
Journaliste
Journaliste depuis 20 ans, je suis homme de terrain de Canal+ sur le Top 14 et la ProD2 et correspondant pour Radio France

Ancien deuxième-ligne du XV de France, Olivier Roumat a savouré avec beaucoup de plaisir la victoire écrasante des Bleus à Twickenham. Même s’il regrette la faiblesse de l’Angleterre, il a apprécié la prestation des Bleus et l’humilité des joueurs français à l’issue du match. Dans les années 90, ça n’aurait pas forcément fini comme ça... 

Vous qui n’avez jamais gagné à Twickenham, comment avez-vous vécu cet Angleterre-France samedi dernier ?  Twickenham, c’est d’ailleurs le seul endroit où je n’ai jamais gagné. Cette fois, j’étais devant ma télé avec un groupe de potes, des anciens joueurs pour la plupart. On s’est régalé. C’était une démonstration. La France a été une classe au-dessus de l’Angleterre. Collectivement, tactiquement, dans la puissance de nos avants. On a appuyé là où ça faisait mal. Mais même si la performance de l’équipe de France était très aboutie, même excellente, j’ai rarement vu une équipe d’Angleterre se faire autant secouer. C’est très rare. Je les ai joué plusieurs fois. Ça a toujours été des combats très rudes. Ils ont toujours eu des gros paquets d’avants, organisés, rugueux, combattants, franchiseurs. Et là, ils n’ont jamais pu franchir. Je les ai trouvés d’une faiblesse indigne du standing de l’Angleterre. Ça ne minimise en rien la performance du XV de France, parce qu'au niveau international, c’est très compliqué de mettre 50 points. La performance reste énorme.   Était-ce jouissif pour vous de voir les Bleus gagner de cette façon-là en Angleterre ?  D’abord un côté jouissif parce qu’on a rossé les Anglais. On leur a mis la plus grosse branlée qu’ils n’ont jamais pris contre la France. Mais ensuite, il y avait un peu d’empathie. Ça m’a gêné que nos meilleurs ennemis ne soient pas au niveau pour rivaliser avec nous. J’aurai aimé qu’il y ait match. Qu’on l’emporte, oui, mais que ça ferraille. Un match abouti, serré, qui se joue sur la fin et qu’on gagne. Comme un combat de boxe. Mais avec 27-3 à la mi-temps, il n’y a pas eu match. C’était plié. L'Angleterre s’est délitée complétement. Ils avaient une mêlée qui était faible, des enchaînements devants qui n’avançaient pas, ils ne dominaient pas les collisions dans le “un contre un”. Derrière, ils étaient d’une fébrilité énorme. Alors qu’ils ont des bons joueurs. Je ne voyais pas à quel endroit ils pouvaient nous prendre.

« C’était vraiment de belles ordures »

Cette prestation vous a-t-elle rassuré sur le niveau de cette équipe de France ?  Ils se sont rassurés. Le staff aussi. Ils avaient besoin d’un match référence. Ils ont fait un très grand match. Mais était-ce une grande équipe en face ? Quand on a perdu en Irlande, on avait l’impression que la France était devenue une équipe moyenne. Et maintenant qu’on a battu l’Angleterre de 50 points, on a la meilleure équipe du monde ? Je pense que Fabien Galthié et le staff sont très conscients des progrès que cette équipe doit encore accomplir. Il y a-t-il un danger que les Bleus se grisent après une telle prestation ?  Je ne suis pas à l’intérieur du groupe France. Mais de ce que je lis, de ce que j’entends, je ne pense pas. Ils ont beaucoup de respect. Ils n’ont pas trop chauffé les Anglais. A mon époque, si on avait vécu un match comme ça, pendant les 20 dernières minutes, on aurait branché les Anglais. A toutes les touches et toutes les mêlées, on les aurait branchés. Parce que les mecs, ils nous ont cassé les… pendant 10 ans. De 1990 à 1998, les mecs c’était “sorry, good game” et tout ça. Ils inventaient des crêpes qu’on ne leur mettait pas, des fourchettes qu’on ne leur a jamais mis. C’était vraiment de belles ordures. Et là, je n’avais même pas envie de rire. J’avais un peu pitié. Ton meilleur ennemi, tu n’aimes pas qu’il soit aussi faible. Tu as envie qu’il soit un peu mieux pour pouvoir le punir, mais pas l’humilier. Moi, à mon époque, si on avait mis 50 points à Twickenham, on serait rentré en Uber jusqu’à Paris ! Ou peut-être même qu’on ne serait pas rentré. Un truc de fou. Maintenant ils sont plus sages. Ils ont plus d’humilité que nous. Ils sont sur un cycle, avec une mission, et une Coupe du monde à venir. Ils savent aussi que face au Pays de Galles, même si tous les feux sont au vert, il faut se méfier. Ça reste un match international. Et puis ça reste une bonne équipe le Pays deGalles. Moi je m’en méfie. Mais rugbystiquement, si on joue à notre valeur, on est meilleur. Mais je ne pense pas que les joueurs français manquent d’humilité et se disent qu’après avoir mis 50 points à l’Angleterre, ils vont se friser contre les Gallois. Non je pense qu’ils vont jouer jusqu’au bout et qu’ils savent qu’il y a des échéances qui arrivent et du monde qui poussent derrière. Parce qu’en France, le vivier est immense. 

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