A quelques heures du dénouement de cette Coupe du monde, Pierre Villepreux, légende du rugby, nous livre son analyse. L’ancien joueur et entraîneur du XV de France donne également son avis sur l'élimination des Bleus, le jeu pratiqué, et la finale Nouvelle-Zélande – Afrique du Sud.
XV de France : Une sacre historique pour Antoine Dupont ? https://t.co/veuMDUqEj0 pic.twitter.com/BgKNxQL6Qc
— le10sport (@le10sport) October 26, 2023
« Le spectacle n’existe que quand il y a du mouvement »
Cette expérience peut-elle servir pour l’avenir ? Oui, cela va servir. Mais d’ici quatre ans, de l’eau sera passé sous les ponts. Les règles auront peut-être évolué. Le Tournoi des 6 Nations va nous apporter son lot de changements, dans l’équipe, dans le mode de jeu. C’est très difficile de dire. Un match n’est jamais identique à un autre. On est toujours dans des scenarii qui sont différents. Vous qui êtes un adapte du jeu. Est-ce que les Bleus ont manqué d’ambition sur l’aspect offensif ? Oui, on a manqué d’ambition dans le jeu. Contrairement aux Néo-Zélandais ou aux Irlandais qui, dans la possession, démontrent cette capacité à entretenir ce mouvement d’ensemble des joueurs, la France n’a pas démontré avoir ses capacités-là. Les alternances entre le jeu devant et le jeu derrière, ne sont pas souvent réalisées. Sauf contre l’Italie, c'était un bon match. Mais autrement, ce sont nos limites. Contre l’Afrique du Sud, il n’y a pas eu vraiment de lancement de jeu. Ou seulement avec les avants qui initient quelque chose, mais cela ne rebondit pas derrière… En termes de jeu, cette Coupe du monde a-t-elle été à la hauteur ? Il y a eu des hauts et des bas. Les nations les moins bonnes ont connu des difficultés. Sauf le Portugal, qui a démontre par un jeu de mouvement très accompli qu’il y avait de la place pour faire circuler le ballon. Même en jouant contre les meilleurs. Eux ont été battu par manque d’expérience au plus haut-niveau. Mais sur le fond, le style et la forme de jeu, j’ai trouvé ça très bien. Et l’Uruguay ce n’était pas si mal non plus. Il ne faudrait pas que ces nations soient porteuses d’un jeu intéressant et que les meilleures nations ne le soient pas. Le spectacle est indispensable au monde professionnel du rugby. Il faut qu’il soit présent. Le spectacle n’existe que quand il y a du mouvement, et pas quand on passe d’une touche à une autre, d’une mêlée à une autre, d’un regroupement à un autre en permanence.
« Je rêvais d’une finale France – Irlande !»
Malgré les performances des Portugais, nous n’avons pourtant pas encore la sensation que la hiérarchie du rugby mondial va évoluer dans les années à venir… Non. Et même avec leur nouvelle compétition (la Nations Cup), il y aura toujours deux niveaux : les meilleurs, et les autres. C’est très compliqué parce qu’à mesure que les petites nations progressent, les autres progressent aussi. Donc l’écart reste toujours important. Il n’y a pas d’autres solutions pour eux que d’envoyer leurs joueurs jouer en Europe, comme l’ont fait les Argentins à l’époque. Mais aujourd’hui, avec la politique de JIFF en France, on n’a moins de place pour les étrangers. Et en plus nos jeunes joueurs sont bons. Il faut bien les faire jouer. Pour la finale, en l’absence des Bleus, votre cœur penche-t-il pour les All Blacks ? En l’absence surtout d’une nation européenne. Et ça c’est embêtant… L’absence d’une nation du nord vous tracasse ? Oui, bien sûr. Moi je rêvais d’une finale européenne. Je rêvais d’une finale France – Irlande ! C’était une finale qui tenait la route. Même si cela avait été les Anglais ? Non. Les Anglais, ils ont eu la chance d’être dans une poule facile, ce qui leur a permis d’en arriver là. Mais ce n’est pas par le jeu… Donc pour la finale, votre préférence va-t-elle pour les All Blacks en raison du jeu pratiqué ? Exactement. C’est tout. Je suis pour celui qui jouera le mieux. Et donc je pense que la Nouvelle-Zélande, si elle peut pratiquer le rugby qu’elle a parfois pratiqué sur cette Coupe du monde, elle devrait gagner ce match. Et ce serait bien pour le rugby.