Margaux Rifkiss, maître dame
Alexis Bernard -
Rédacteur en chef
Footballeur presque raté, j’ai choisi le journalisme car c’est l’unique profession qui permet de critiquer ceux qui ont réussi. Après avoir réalisé mon rêve de disputer la Coupe du Monde 2010 (en tribune de presse), je vis de ma passion avec le mercato et les grands événements sportifs comme deuxième famille.

Margaux Rikfiss fait partie des meilleures escrimeuses françaises du moment et vient de décrocher une médaille d’argent aux derniers championnats du monde. Et si elle rêve d’emmener son sabre aux prochains Jeux Olympiques de Paris en 2024, la Parisienne de 27 ans est à la tête d’un autre projet, tout aussi ambitieux. Accompagnée par le Palatine Women Project, cette entrepreneuse déterminée propose et réalise des initiations à l’escrime auprès des personnages âgées. Portrait d’une femme en or.

Dans le sport, comme en entreprise, les carrières sont marquées par des rencontres. Celle qui a le plus touché Margaux Rifkiss s’est fait tout naturellement avec une épée dans la main. Loin des pistes du circuit international que fréquente cette escrimeuse, l’une des meilleures sabreuses tricolores du moment. C’est au cœur d’un EPHAD que Margaux s’est faite cueillir comme jamais. Face à elle, une résidente de 75 ans qui s’essaye à l’escrime pour la première fois de sa jeune et douce vie. Une expérience aux allures de miracle, comme c’est souvent le cas. Et dans le prolongement de ses yeux pétillants, une phrase, qui résonne encore à l’oreille de Margaux : « Je ne pensais pas qu’à mon âge, je serais capable de faire de l’escrime. Ça redonne espoir et si ça c’est possible, tout est possible ». Le plus puissant des remerciements, la plus profonde des gratitudes, le meilleur moteur pour faire avancer Margaux Rifkiss dans ce qui devient bien plus qu’un « simple projet ». « Quand j’ai entendu cette dame, je me suis dit, immédiatement : ‘ok, je me sens à ma place et c’est vraiment ça que je veux faire !’ ». Un nouveau rêve, pareil aux Jeux de Paris 2024 : proposer et initier l’escrime auprès des personnes âgées.

L’escrime thérapeutique dans la peau

En découvrant l’escrime à l’âge de 10 ans, Margaux Rifkiss comprend très rapidement que sa vie se rythmera autour de cette passion dévorante pour l’art du toucher. Plus qu’un simple sport, la Parisienne embrasse sa nouvelle vocation et s’immerge très rapidement dans « l’escrime thérapeutique ». A l’époque, déjà, des pionniers nommés Violaine Guérin et Olivier Serwar proposent une pratique de l’escrime à destination d’un public en reconstruction. L’ATP Escrime (Active Ton Potentiel Par l’Escrime) s’adresse en effet aux victimes de harcèlement et/ou de violence. Toute jeune, Margaux Rifkiss découvre alors le potentiel immense d’une discipline qui dépasse clairement le simple cadre du sport. Au fil et à mesure des années, elle se forme pour intervenir auprès du public senior et devient notamment Maître d’Arme, étape indispensable pour pouvoir transmettre et enseigner son art.

« Margaux, l’une de mes plus belles rencontres… »

Pour l’accompagner dans son rêve d’introduire l’escrime comme pratique du public senior, Margaux Rifkiss peut compter sur l’expérience et le savoir-faire de son mentor, Soline Laforcade. Membre du board du Palatine Women Project, elle travaille pour Microsoft et accompagne des startups dans leur projet. Pour l’anecdote, au moment de présenter son projet aux 9 membres du board, Margaux Rifkiss a elle-même demandé à être suivi par Soline Laforcade. Un duo qui a immédiatement accroché : « Margaux, c’est l’une de mes plus belles rencontres professionnelles… C’est vraiment une jeune femme incroyable. Déjà, sportivement, même si je n’ai pas assez de compétence pour pouvoir juger (rire). Mais humainement et professionnellement, c’est une personne formidable. Une véritable éponge qui sait parfaitement s’entourer. Le professionnalisme dont elle fait preuve et la nature de son projet sont remarquables. Je suis assez bluffée de la voir tout mener de front. Et je suis très touchée de pouvoir l’accompagner… Le projet qui est le sien touche un énorme sujet de société. J’accompagne beaucoup de startup et tous les porteurs de projet ont ce point commun de vouloir apporter une solution à un problème pour rendre le monde meilleur. Pour Margaux, plus que les autres, c’est le cas. Son projet a une résonnance sociale et sociétale très forte. Et plus je l’accompagne, plus je vois le besoin et le potentiel de ce qu’elle propose ».

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Au cœur du Palatine Women Project

A un an des Jeux Olympiques de Paris, Margaux Rifkiss a des rêves qui bouillonnent sous le masque. Mais la jeune entrepreneuse ne s’en cache pas. C’est ce qui fait sa force, sa puissance, son unicité. Trois caractéristiques qui ont conquis le Palatine Women Project, programme qui accompagne des sportives dans leur projet d’entreprise. « J’ai la chance d’en faire partie, confesse Margaux. Le mécénat de compétences proposé est une réelle opportunité car le premier frein que j’ai rencontré, c’est d’être seule. A l’approche des Jeux, mon projet émerge. La Banque Palatine lui offre un boost énorme ! Ce n’est clairement pas un souci d’avoir deux projets simultanés qui vont exploser en même temps. Avoir un projet qui a du sens, qui me porte et qui me permet d’être meilleure sur la piste, c’est juste parfait (sourire) ». Partir à la conquête de la forme de sa vie au cœur d’une entreprise qui porte une ambition gorgée de sens et de fond : Margaux Rifkiss ne peut que réussir.

« J’ai la volonté d’impacter des millions de vie »

Face à une population de plus en plus vieillissante, la question du bien être des personnes âgées devient centrale. Margaux Rifkiss le sait mieux que personne, l’escrime fait partie des outils innovants et avec lesquels les résultats sont aussi visibles qu’épatants. « Des personnes en maison de retraite qui s’essayent à l’escrime, ça peut paraître délirant sur le papier mais c’est tout le contraire ! Les bienfaits sur la mobilité, sur les liens sociaux, sur les capacités cognitives, sur l’amélioration du sommeil, sur un meilleur appétit et sur des critères parfaitement mesurables nourrissent mon ambition profonde d’aller impacter des millions de vie avec mon projet. Je veux offrir la possibilité à des gens de retrouver de la joie et bien plus encore ».

Soline Laforcade le confesse, la première fois qu’elle a écouté Margaux Rifkiss parler de son rêve, elle a d’abord douté : « Au début, oui, j’étais un peu sceptique. Des personnes en EPHAD qui pratiquent l’escrime, ce n’est pas commun. Est-ce qu’il y a un marché ? Est-ce qu’il y a un potentiel pour le développer ? Très rapidement, j’ai été convaincue. La façon dont Margaux s’organise et le chemin que prend son projet sont autant d’éléments qui incitent à être plus que confiant ». Pour cela, les deux femmes travaillent notamment sur la formation et l’équipement, clé de voute du projet : « La question de fond tourne autour de ‘comment parvenir à décupler le savoir-faire et l’offre de Margaux ?' C’est pour cela que l’on travaille beaucoup sur la mise en place d’un système de formation et d’accréditation pour passer à plus grand échelle. Être capable de certifier sa méthode, son état d’esprit et ses valeurs. Trouver une réponse aux contraintes temporelles et géographiques qui permettent au projet de s’étendre partout dans le pays et même au-delà ».

23 millions de Français en 2050

17 millions de Français ont plus de 60 ans. En 2050, ils seront plus de 23 millions. Le cœur du projet de Margaux Rifkiss est un enjeu de société majeur et l’escrimeuse française l’a bien compris. Sa problématique est désormais de contourner les freins institutionnels et d’organiser la formation de maîtres d’arme pour étendre et démocratiser à grande échelle cette pratique. Car si la France est la première étape de son projet, l’Europe et le reste du monde sont déjà dans un coin de son esprit. Quand on rêve d’or olympique chaque jour, difficile de ne pas laisser déborder son ambition vers son autre combat… Maître d’arme le jour, Maître Dame pour toujours.