Massacrés par le XV de France, faut-il avoir de la peine pour les Anglais ?
Romain Amalric -
Journaliste
Journaliste depuis 20 ans, je suis homme de terrain de Canal+ sur le Top 14 et la ProD2 et correspondant pour Radio France

De ce chef d’œuvre de Twickenham, certains en ont retenu la domination française, l’ampleur du score et l’euphorie du succès. D’autres la faiblesse et l’impuissance des Anglais. A en avoir presque de l’empathie pour ce brave rival qui a subi une humiliation historique.  

Faut-il s’excuser d’avoir piétiner l’Angleterre à Twickenham ? Et faut-il se sentir coupable d’en avoir pris du plaisir ? C’est la question de conscience de ce début de semaine. Un débat qui alimente même les émissions de talk-show. Sans que l’on se pose la question si l’inverse a déjà existé. C’est très Français tout ça. Diable ! Les Bleus auraient-ils manqué de respect aux Anglais ?  

Comme on écrase un moustique sur un pare-brise

Ne nous risquons pas à la pitié pour cette équipe d’Angleterre qui nous a fait tant de malheurs par le passé. Ne souffrons pas d’amnésie au moment de profiter de ces instants de jouissance. Il y a eu par le passé tant d’humiliations inverses. Tant de moments où nous pensions batailler à armes égales, et repartions battus et blêmes, une main devant une main derrière. Tous ces moments qui rendent la pareille encore plus savoureuse. Samedi, pour tous supporters français, rien que pour ça, c’était le panard ! Un pied absolu ! Le XV de France a roulé sur la Rose comme on écrase un moustique sur un pare-brise. Et sur le moment, on a aimé ça. Tel une revanche consommée contre ces Anglais qui ont bien souvent eu du mal à cacher leur arrogance derrière le masque du respect.

« Hommage à cette équipe d’Angleterre »

7 essais valent mieux que 6. Le sport est ainsi. Le respect est de ne surtout pas mollir le poignet à l’heure de la « fessade ». Les Bleus ont respecté cette équipe anglaise jusqu’au bout. A peine sont-ils sortis de leur schéma de jeu en fin de partie. Mais pour mieux porter l’estocade. Dès lors, les Bleus sont les premiers responsables de ce naufrage anglais. Mais notez que ce sont aussi les Bleus qui ont lancé les premiers les canots de secours. Ces gamins-là ont aussi fait honneur à l’humilité française, si l’en est une. Même pas d’euphorie au coup de sifflet final. Et chaque parole d’après-match a remis du sens à la réalité du débat, sans en oublier les éléments de la raison. Fabien Galthié le premier, dans ses mots émus sur France Télévisions, a eu une pensée pour cette équipe d’Angleterre. « Je voudrais aussi rendre hommage à cette équipe d'Angleterre parce que c'est dur pour eux, avait lancé le sélectionneur. Et quand on connaît la place du rugby dans ce pays. On sait que l'équipe d'Angleterre va vivre un moment difficile ». C’est peu dire. Et aucun joueur français ensuite n’a tiré sur l’ambulance. Cette équipe est emplie de dignité. Tout le contraire de la presse anglaise. Dès samedi soir, les tabloïds ont rivalisé de termes sanglants et formules macabres pour qualifier les joueurs de Steve Borthwick et leurs performances. Emboitant le pas finalement au public de Twickenham qui a quitté l’enceinte 10 minutes avant le terme du match. Il est plus là, le manque de respect.

God save the team 

Mais il faut désormais que cette équipe d’Angleterre se relève. Non pas qu’on espère la voir candidate crédible au titre mondial en octobre prochain. Mais au moins pour laisser un peu d’espoir aux Bleus de conserver leur titre. Les Anglais s’en vont à Dublin samedi pour défier le XV du Trèfle. Ont-ils assez d’orgueil et d’honneur pour relever la tête ? Possible. Mais leurs carences rugbystiques sont trop lourdes pour pouvoir rivaliser sérieusement avec le rouleau compresseur irlandais. Pour The Sun, c’est déjà peine perdue : « Et voilà l’Angleterre en route pour Dublin, pour affronter l’équipe la plus effrayante de la planète en ce moment. Puisse Le Seigneur avoir pitié de leurs âmes ». Le ton est donné. God save the team ! 

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