A l’arrêt complet depuis maintenant deux semaines, le sport français regarde l’avenir avec inquiétude et interrogation. A l’initiative de Bpifrance, la banque publique d'investissement, des mesures concrètes sont désormais à disposition pour envisager le futur et appellent à la reconstruction d’un modèle qui rencontre clairement ses limites.
Si la France, et le Monde, font face à une crise sanitaire et économique sans précédent, les clubs sportifs de l’Hexagone, toutes disciplines confondues, ont eux-aussi entamé le match le plus important de leur saison. 170 000 clubs, 110 fédérations, 3 millions de bénévoles, plus de 16 millions de licenciés et 35 millions de participants, cette France qui bouge, au quotidien. Dans l’incertitude totale quant à la tenue du calendrier de l’exercice 2019-2020, la majeure partie des disciplines naviguent à vue, avec un sac rempli de questions sur les épaules. Mais les premières réponses commencent déjà à tomber. Et comme à chaque fois qu’il faut secouer l’arbre des bonnes idées, c’est Bpifrance qui lance le mouvement ! « La santé avant tout, la production malgré tout et le bon sens par-dessus tout ! » Positif devant l’éternel, même quand la France affiche sa mine la plus triste, Patrice Bégay est déjà dans l’après : « C’est déjà l’heure de penser à la reprise, lance le Directeur Exécutif et Communication et Bpifrance Excellence. Ces derniers jours, j’ai longuement échangé avec des actionnaires ou des présidents de club qui sont nos partenaires dans le rugby, le basket, le football, le handball, le hockey, le water-polo et le volley, de toutes les régions de France, comme notamment Bernard Joannin à Amiens, Thierry Parienty à Bordeaux, Sabine Guillien Heinrich à Fleury, Paul Leccia à Marseille, Anny Courtade à Cannes, Pierre Ferracci à Paris, Thierry Weizman à Metz, Bruno Soirfeck à Chaumont, Olivier Ginon à Lyon, Yvan Gueuder à Rouen, Bernard Pontneau à Pau, Jacques Delanoe à Rennes, Denis Masséglia du CNOSF, Pascal Chevalier de Reworld Media, des présidents de Ligue comme Alain Béral, lui-aussi entrepreneur, sur le basket et même des présidents de Région comme Jean-Paul Omeyer, Vice-Président sur le Grand Est. J’ai entendu leurs questions, leurs problématiques et leurs inquiétudes. J’ai pu mesurer à quel point la situation pouvait être grave dans certaines circonstances. Ce sont parfois des pans entiers du sport amateur, et même professionnel, qui menacent de s’effondrer. Très clairement, sans aide, cela va être très compliqué. Et sans mesure immédiate, il sera difficile d’imaginer un avenir pour le monde de l’entreprise et donc celui du sport ». Voilà pourquoi la banque publique d’investissement prend la balle au bond avec des mesures très concrètes.
« Nos excès remontent à la surface »
A travers un plan de soutien d’urgence aux entreprises, Bpifrance s’adresse directement et concrètement aux 16 000 entreprises des 54 clubs partenaires qui en ont besoin. Et ils sont de plus en plus nombreux, même dans le football. Comment la plus universelle des disciplines peut-elle se réinventer ? Il faut être raisonnable tout en étant ambitieux et profiter de cette crise internationale afin de revoir les excès salariaux, comme l'évoquait récemment un dirigeant du football français : « Nous devons mener une grande réflexion sur nos équilibres budgétaires et les réformer. Ainsi, 70% de nos charges sont constituées par notre masse salariale et nos efforts de réforme doivent légitimement être axés sur ce secteur en s'inspirant de la NBA avec son salary cap. J'y suis favorable ». Ce sont principalement les problèmes de trésorerie qui posent souci. Alors Bpifrance propose des prêts sans garantie sur 3 à 5 ans, de 10 000 à 5 millions d’euros pour les PME, et plusieurs dizaines de millions d’euros pour les ETI, avec un différé important de remboursement. Un problème pour régler des factures ? Bpifrance les mobilisent et ajoute un crédit de trésorerie de 30% du volume mobilisé. Auprès des banques, c’est une garantie à hauteur de 90% s’il s’agit d’un prêt de 3 à 7 ans mais également sur les découverts sur 12 à 18 mois. « Nous sommes, en quelque sorte, les urgentistes des entreprises en blouses jaunes, tous sur le pont, avec toute l’admiration et les remerciements que l’on doit à ceux qui luttent pour sauver nos malades au quotidien, explique Patrice Bégay. Et je tiens vraiment à mettre en avant le travail remarquable des présidents de clubs, des staffs, joueurs, bénévoles des collectivités au premier rang desquels l’Etat, les villes, les conseils régionaux, les départements, les agglomérations et bien partenaires privés qui doivent aussi se montrer solidaires et fidèles pour servir l'avenir de tous leurs clubs qui font rayonner leur territoire. Avec ces mesures, nous répondons directement aux besoins vitaux des sociétés et des clubs. Mais il faut aller plus loin. En échangeant avec les acteurs du monde du sport, avec ceux qui sont comme nous sur le terrain et qui nous font remonter toutes leurs idées, on comprend qu’il faut également se diriger vers des mesures d’État pour préserver la trésorerie en gelant les prélèvements des charges, en acceptant des mesures de chômage partiel pour les joueurs et les salariés. On pourrait aussi imaginer de déplafonner la déductibilité, sans contrainte, des actes de mécénat, sur une période de 3 à 5 ans par exemple. Cela inciterait les entrepreneurs à maintenir leurs investissements dans le monde du sport. Chez Bpifrance, nous avons imaginé un système d’étalement de règlement pour ceux qui renouvellent leur partenariat pour 2020-2021 : Un règlement en 12 mois pour celui qui assure 100% de son budget sponsoring, 9 mois pour 80%, 6 mois pour 60%, 3 pour 50%. Il faut également libérer le bénévolat, sans être restreint par les contraintes d’avantage en nature. Dans quelques semaines, nous allons avoir énormément besoin d’eux et s’il faut faire attention à chaque fois qu’on les équipe, qu’on les nourrit, qu’on les habille… J'espère que le sport français bénéficiera du chômage partiel, sauf peut-être pour ces sportifs étrangers qui ont fait le choix de retourner dans leur pays. Que tout le monde fasse preuve d'éthique et de responsabilité. Et si on rendait obligatoire la diffusion des événements sportifs qui ne le sont pas aujourd’hui, afin d’assurer une visibilité à tout le monde et par la même occasion de faire entrer les revenus de diffusion dans le circuit de ceux qui en sont privés aujourd’hui ? Des mesures peuvent aussi être prises sur le droit d’image et leur taxation. Et sur la billetterie, les clubs souhaiteraient que des efforts puissent être faits afin que la TVA à 20% sur des prestations haut de gamme passe à 5,5% et que la TVA disparaisse sur les billets taxés à 5,5% aujourd’hui ». Du bon sens par-dessus tout, on vous dit !
Rendez-vous sur https://t.co/9BWfjypLSP pour découvrir les principales mesures du plan de soutien d'urgence aux entreprises mis en place par l’État, et faire directement votre demande en ligne → https://t.co/9BWfjypLSP#BpifranceAvecVous #COVID19fr #Coronavirus pic.twitter.com/5tr8AX6CgF
— Bpifrance (@Bpifrance) March 24, 2020
Il faut siffler la fin de la récré
A l’image des initiatives de Bpifrance et des idées qui émergent des partenaires du réseau Excellence, l’heure est clairement à la remobilisation et surtout à la reconstruction d’un modèle dont les failles sont désormais évidentes. Il faut clairement siffler la fin de la récréation et repenser l’organisation du sport français dans sa plus profonde conception. Et Patrice Bégay de rappeler, très justement, que « le sport professionnel, selon l’application de la loi 1994, doit être traité comme une entreprise économique. Donc que les décideurs agissent en tant que professionnels. A ce titre, je dois saluer les initiatives de ceux qui oeuvrent sur le terrain, comme la Région Grand Est portée par Jean Rottner et Jean-Paul Omeyer, qui a déclaré la création d’un fond région de soutien en sollicitant le département, les EPCI et les partenaires, avec un montant de 10 millions d’euros évoqués. Le monde du sport doit trouver ses propres réponses. Et les mesures prises aujourd’hui doivent préparer la sortie de crise de demain. C’est une excellente thérapie pour aller de l’avant, repartir à la conquête des géants. Et s’il faut faire des choses fortes, qu’elles soient faites ! Dans le cœur de notre action, il y a l’innovation, l’audace et la formation. C’est le moment pour tout ça ! » Et dans une période emprise à un changement total, il faut savoir siffler la fin de la récré. Mettre un terme aux dérives financières qui se sont insidieusement glissées dans les clubs, année après année. Est-ce qu’un business peut exister avec un résultat négatif ? La réponse est bien évidemment non. Alors stop à ces « aventures sportives » qui vivent au-delà de leurs moyens. Dans notre malheur quotidien et ce drame sanitaire qui nous touche, le temps qui nous est confié doit être celui de la réflexion et de l’action profonde. Construire l’avenir et partir en rêve général, maintenant. Et ensemble.