Claude Bergeaud, directeur général de Pau-Lacq-Orthez passé par l'équipe de France et l'ASVEL, dresse un bilan sans concession des chances des équipes françaises en Euroligue et propose des solutions d'avenir.
Claude Bergeaud, comment expliquer le fossé qui s'est créé depuis le début des années 2000 ? En priorité, par le contexte économique. Chaque saison, on retrouve les équipes les mieux armés en termes de budget lors du Final Four. En ce sens, l'Euroligue de basket ressemble comme deux gouttes d'eau à Ligue des Champions en football : pour être dans le haut du tableau de façon régulière, il faut être plus armé financièrement. Sinon, on aura toujours beaucoup de difficultés. Alors oui, dans les deux sports, un club pourra faire un coup, un jour. Mais pas de façon récurrente, comme le font les clubs russes et espagnols. Même les clubs italiens ont désormais du mal à exister sur la scène européenne.
L'ASVEL a tout de même gonflé son budget de manière conséquente pour essayer de rivaliser ? Oui mais ce n'est pas assez. Aujourd'hui, l'ASVEL possède un budget de 6 millions d'euros. Pour avoir une petite chance d'exister et de rivaliser, il faudrait le multiplier par trois ! A titre comparatif, Malaga dispose d'un budget compris entre 15 et 17 millions d'euros. Et encore, il n'a atteint le dernier carré qu'une seule fois (ndlr, en 2007).
Sienne fait partie des cadors en Europe et ne possède pourtant qu'un budget de 12 millions d'euros? Effectivement, Sienne est très performant en Euroligue mais il s'agit d'un cas à part. C'est une équipe qui a gardé la même ossature depuis des années, avec des joueurs de seconde zone qui sont devenus des excellents éléments. Avec de bons salaires mais pas exorbitants non plus. Ils misent sur leurs automatismes, leurs affinités. C'est un bon exemple à suivre pour nous, Français.
L'argument économique n'est donc pas le seul? Oui, il en existe un autre très important à souligner : la formule de qualification pour l'Euroligue en Pro A. Celle-ci fait que la France ne place jamais les mêmes clubs en Coupe d'Europe. Le principe de la finale sur un match sec ne donne pas le temps au club champion de «budgeter» un recrutement dans le temps. Avec cette formule, l'ASVEL devra attendre trois ans pour avoir de vrais résultats en Europe.
Le niveau de la Pro A est-il finalement trop faible ? Le niveau est inférieur à d'autres championnats, c'est une évidence. Avec la Liga ACB, (très athlétique, très rapide, elle prend des intentions de tir), c'est le jour et la nuit. Chaque championnat possède ses spécificités mais la Pro A n'est pas du niveau de l'Euroligue.
Quelle(s) solution(s) pour rebondir dans les mois à venir ?Nouvelle formule de qualification pour l'Euroligue en Pro A : Revoir la formule de qualification pour l'Euroligue en France. Imaginez que vous ne savez pas avant le mois de juin que vous allez être en Euroligue. Une saison ne se prépare pas à l'inter-saison quand on sait que les partenaires doivent être démarchés en février, mars. Si on attribuait les places pour l'Euroligue à l'issue de la phase régulière, et peut-être une sur un play-off, on aurait alors un club bon toute la saison qui se concentre sur son recrutement d'Euroligue pour l'année suivante. De plus, quand vous arrivez en Euroligue, vous avez des droits télévisés, des sponsors engagés dans le temps, vous pouvez stabiliser une économie et donc recruter un joueur pour deux ans. Celui-ci apprend la compétition la première année et devient performant lors de la suivante. Avec la formule actuelle, c'est trop aléatoire.
Donner des responsabilités aux joueurs français et recruter moins d'étrangers : En France, le système se mord la queue. Le basket ne dégage pas une identité qui plaît aux TV. Pour être compétitifs, les clubs recrutent beaucoup d'étrangers. Mais cela n'intéresse pas les télévisions, même si Sport+ a repris un peu la main (ndlr, rythme de deux fois par semaine) car il n'y a plus assez de Français ! Du coup, les rentrées d'argent dans ce domaine sont insuffisantes. La solution serait que les meilleurs Français soient regroupés dans les meilleurs clubs, mais à condition de les faire jouer en Euroligue. Ce n'est pas le cas actuellement. On les forme, on a des bons joueurs dans chaque club mais ils ne jouent pas ! Chaque équipe dispose étrangers par équipe, parfois naturalisés. Si on se penche sur les temps de jeu et les responsabilités de chacun, on se rend vite compte que ce sont les étrangers qui prennent les responsabilités. Le phénomène n'est pas nouveau, il existe déjà en rugby, où l'équipe de France manque cruellement de piliers car le poste est pillé par les étrangers.