JO RIO 2016 - Handisport - Jeremiasz : «Un immense honneur»
La rédaction

Le tennisman handisport Michaël Jeremiasz, quatre médailles aux Jeux dont une en or, sera le porte-drapeau de l’équipe de France paralympique à Rio. Un collectif de 126 sportifs répartis dans 17 des 23 disciplines présentes aux Jeux.

Marie-Amélie Le Fur, Elodie Lorandi étaient attendues. Finalement, les caciques du monde paralympique ont choisi de confier la mission de porte-drapeau au tennisman Michaël Jeremiasz. Une surprise ? Pas tant que ça quand on se penche d’un peu plus près sur son palmarès. Mais aussi quand on le voit répondre aux médias. L’homme, père d’un petit Mylo depuis le printemps, est à l’aise. Le sportif convaincant. Il connaît les codes comme en témoigne cette scène à La Villette, lors de la cérémonie du J-50. Interviewé, Michaël Jeremiasz pense à demander s’il n’est pas mieux de garder le micro, où il doit regarder… Pas de doute, il a intégré le rôle dans toute sa dimension.  Michaël Jeremiasz, que ressentez-vous après cette annonce officielle ? C’est une énorme fierté. Un immense honneur. Je ne remercierai jamais assez le CPSF de m’avoir fait ce beau cadeau. Je le prends comme une vraie reconnaissance de ce que je suis en tant qu’athlète car je n’aurais jamais été choisi si je n’avais jamais brillé aux Jeux paralympiques notamment. Mais aussi par rapport à tous mes engagements politique, associatif, professionnel. C’est une joie. Je suis sur un nuage. C’est un moment très particulier dans la vie d’un homme et d’un sportif de haut niveau. Que représente la fonction pour vous ? Il y a une notion de disponibilité pour les athlètes même si je pense qu’ils n’ont pas besoin de moi. Le porte-drapeau, il faut le voir comme un plus. Je dois être le porte-parole, l’ambassadeur du mouvement paralympique et de tous ces champions qui aspirent à davantage de reconnaissance, de médiatisation, de sponsoring, à davantage d’engagement du public, des pouvoirs publics. C’est d’être le premier supporter. Ensemble, on doit profiter d’un moment extrêmement privilégié, magique. Il faut aussi répondre aux sollicitations médiatiques ? Il faut aussi être disponible pour nos médias qui ont décidé de donner un énorme coup de projecteur sur ces Jeux 2016. Je dois aussi faire en sorte que cela se prolonge jusqu’aux Jeux d’hiver 2018 et ainsi de suite. Il ne faut plus de trou. Le handisport et le paralympisme doivent faire partie du quotidien des spectateurs, des téléspectateurs et des auditeurs. En 2018, en 2020, on va en vouloir toujours plus. Pouvez-vous revenir sur votre accident '  C’était un accident de ski, mon sport favori. Le 7 février 2000. Un magnifique saut mais la chute fut calamiteuse puisque je me suis cassé les deux fémurs et la colonne vertébrale. Je suis paraplégique. Cela s’est passé à Avoriaz. Quelle est votre ambition à Rio ? Je veux aller chercher une cinquième médaille. Je m’entraîne tous les jours pour ça (depuis quatre ans à l’Insep). Mais il faut apprécier ce que la vie nous offre. A 35 ans, j’ai eu quatre médailles dont une en or. J’ai quasiment tout gagné. Tout ce qui ‘arrive maintenant, c’est un plus. Si je ne l’ai pas mais que j’ai tout donné pour l’avoir, ce ne sera pas la fin du monde. Si je l’ai, je serai incontrôlable. Quels sont vos souvenirs des Jeux ? Un de mes souvenirs les plus forts c’est notre entrée dans le stade pour la cérémonie d’ouverture des Jeux d’Athènes en 2004. Mes premiers Jeux. Avant d’entrer sur le stade, dans le long tunnel, avec les 150 sportifs de la délégation, on chante : « Ce soir, on vous met le feu ». Il y a un écho de dingue. Là une fois dans le stade, tu prends une énorme claque. Tu vois ces 80 000 personnes qui sont là pour nous voir, pour nous encourager. Après, ce sont les médailles. Toutes les médailles. Surtout les trois premières parce qu’à Londres, nous étions favoris et on finit en bronze. A Athènes, quand je gagne ma médaille de bronze en simple je suis complètement fou sur le court. Ma famille est là, en larmes. Cela ne faisait que quatre ans que j’avais eu mon accident. Puis on fait finale en double. Et en 2008, il y a l’or à Pékin avec Stéphane (Houdet). Là encore toute ma famille était dans les tribunes. Je finis quasiment en caleçon sur le terrain. Pouvez-vous nous parler de vos engagements et de votre vie extra-sportive ? J’ai cofondé une entreprise sociale appelée Handiamo : qui a organisé : « Le 16e fête la différence ». Avec deux associés, mon grand frère et mon premier entraîneur, Richard Warmoes. On organise des actions de sensibilisation au handicap dans le monde de l’entreprise et pour le grand public en faisant intervenir des sportifs handisport que l’on représente. On accompagne la professionnalisation du handisport. Il y a cinq ans, aussi, j’ai créé l’association « Comme les autres » qui s’est spécialisée dans l’accompagnement des personnes victimes d’un accident de la vie dans leur parcours de reconstruction. On organise des séjours sportifs à sensations fortes qui servent de piqûre d’adrénaline et qui ouvrent le champ des possibles. Ensuite à chaque participant handicapé, on propose un accompagnement global pendant un an pour l’aider à avoir accès au bonheur. Vous êtes devenu un véritable homme de média… La relation avec les médias me plaît bien. Ils peuvent être nos meilleurs amis comme nos meilleurs ennemis. Demain, j’ai envie de sortir du rôle de consultant sportif (qu’il a tenu à Sotchi pur France TV) ou spécialiste du handicap. J’ai plutôt envie d’intervenir pour parler de l’actualité, être consultant pour des émissions généralistes. Je veux me servir de tous ces outils que je manie pour contribuer à changer le regard que l’on porte sur les différences. Je ne dépends de personne car je suis libre. Je peux donc dire ce que je pense. Je suis égocentrique altruiste. J’aime bien ce jeu-là et être au centre des choses pour exploiter ça et servir mes engagements d’intérêts généraux. C’est aussi pour ça que je suis candidat pour intégrer, après Rio, la commission des athlètes de l’IPC.   Recueilli par Jérôme Savary Michaël Jeremiasz en bref. Né le 15 octobre 1981 à Paris. Médaillé d’or en double avec Houdet en 2008 aux Jeux de Pékin. Médaillé de bronze en simple à Athènes en 2004 et d’argent en double avec Madji. Médaillé de bronze en double avec Houdet à Londres en 2012. Vainqueur de l’Open d’Australie en simple. Il totalise dix titres du Grand Chelem en double. Numéro un mondial en 2005, il est encore dans le top 5 cette année. Cofondateur de Handiamo, une entreprise sociale et de Comme les autres une association qui aide à la reconstruction des personnes accidentées de la vie. Passionné et grand amateur de ski, il a également été consultant pour France TV lors des Jeux d’hiver de Sotchi.