Pierre Martinet : «Je ne reviendrai pas dans le rugby»
La rédaction

A l’occasion de la sortie de son livre « Intraitable », Pierre Martinet a accepté de se confier sur sa période en tant que président du club de rugby de Bourgoin-Jallieu. L’occasion pour lui de nous expliquer son regard sur la crise sanitaire actuelle, son meilleur souvenir en tant que président d’un club de rugby, ou encore son expérience à la tête d’une équipe de rugby.

Qu’est-ce que ça fait de raconter sa vie et de se livrer autant que vous vous êtes livré dans votre livre, « Intraitable » ?
Tout d’abord, je dirais qu’il faut prendre du temps. Cela m’a pris un certain nombre d’années pour le faire. Mais ces 4 dernières années, j’y ai mis plus d’énergie. C’est aujourd’hui un grand plaisir, surtout que j’ai pu travailler avec un éditeur. Je viens d’une enfance, d’une autre génération. Je suis né en 1947, c’est clair que je n’avais pas de télé, pas de téléphone. L’eau était à aller chercher au puits ! Ce n’est pas du tout le même monde.

Vous avez été ouvrier, président d’entreprise, d’un club de rugby… Pourquoi avoir voulu faire tous ces métiers ?
Je suis fils de paysan. J’ai été ouvrier, j’ai travaillé en boucherie charcuterie, dans la communication, j’ai été partenaire de clubs de rugby et on m’a demandé de prendre la présidence… Je ne l’ai pas prise comme ça, d’un coup. Ce n’était pas forcément une volonté. C’est quelque chose qui s’est passé comme ça. C’est un concours de circonstances qui m’a vu devenir président de Bourgoin-Jallieu.

Vous suivez toujours le rugby aujourd’hui ? Quel regard portez-vous sur ce sport à l’heure actuelle ?
Je regarde toujours le rugby, j’ai toujours des amis dans le milieu, notamment des anciens joueurs qui étaient tout jeunes et qui jouent toujours. Je n’ai pas tourné la page, cependant je ne reviendrai jamais à une présidence, ou une direction de club. Le rugby a changé. Aujourd’hui, dans les grandes équipes, il y a tellement d’internationaux et étrangers… Et puis, quand on voit les piliers qui courent aussi vite que les ailiers… (rires). C’est un sport aujourd’hui devenu très dur, notamment dans les contacts.

« Assister à un match à côté du Président de la République, ce n’est pas rien ! »

Votre meilleur souvenir en tant que président de Bourgoin-Jallieu ? Vous racontez beaucoup d’anecdotes dans votre livre « Intraitable », mais nous aimerions savoir laquelle vous affectionnez particulièrement...
Mon meilleur souvenir, c’est quand même la première année où j’ai été président de Bourgoin-Jallieu. Nous avons disputé 3 finales, dont une au Parc des Princes aux côtés de Jacques Chirac et de ses ministres. Assister à un match à côté du Président de la République, ce n’est pas rien !

Vous avez eu l’occasion de découvrir le rugby Néo-Zélandais « à la source » avec un match amical disputé et perdu par vos hommes là-bas. Qu’est-ce qui vous a le plus frappé, ou surpris ?
C’est surtout la culture anglophone. Là-bas, il n’y a pas de match « amateur » ou « amical », ou de championnat. Il n’y a que des matchs, on ne rigole pas. À l’époque, chez nous, un match amical, c’était plus pour s’amuser que pour jouer pour gagner. Là-bas, c’est vraiment très important. Il y a également autre chose qui m’a frappé : le nombre de jeunes qui font du sport. De plus, en Nouvelle-Zélande, ils jouent très peu au sol. Ils cherchent toujours à jouer debout et à ne pas se coucher. Ça, c’était le point qui m’a toujours étonné. Surtout pour moi qui ne suis pas issu du rugby à proprement parler.

Est-ce difficile de gérer un club de rugby ?
Gérer un club de rugby est une chose assez différente de gérer une entreprise. Il y a des choses qui sont très différentes entre les deux. Dans une entreprise, on a des bâtiments, des équipes. Au rugby, à Bourgoin-Jallieu, le stade appartenait à la ville. Dans un club de rugby, il y a un côté politique qui n’est pas moindre, car on représente une ville, un département ou une région. Et puis dans une entreprise, on n’a jamais autant de relations avec la presse que quand on est président de club. Et il y a également autre chose : dans un club de rugby, il faut manager. Pour le reste, c’est un peu la même chose. En soi, un club de rugby est une entreprise de sport, de spectacles, on a des partenaires, du public, et des relations avec les bénévoles qui sont d’un grand service. Aujourd’hui, je n’ai pas l’impression que les bénévoles sont aussi représentés qu’à l’époque où j’ai quitté le club, il y a 12 ans. Et puis à Bourgoin, c’était particulier. Les supporters et bénévoles, je m’en occupais.

Qu’est-ce qui est, selon vous, le plus important en tant que président d’un club de rugby ?
Il faut aimer les hommes. Si on n’aime pas le gens, ce n’est pas possible d’avancer. Mais il faut manager. A l’époque, je travaillais avec Michel Couturas. C’était un excellent entraîneur, qui savait trouver des joueurs de qualité, qui allaient devenir des très grands joueurs. Tout est une question d’équipe. Travailler tout seul, ce n’est pas possible. Je me suis donc tourné vers Michel Couturas. C’était un professionnel du rugby. Je voulais faire équipe avec lui en duo, et pouvoir aussi mener une gestion telle qu’on peut avoir dans une entreprise.

Vous racontez dans votre livre que l’équipe analysait ses prestations, ainsi que celles des adversaires, en vidéo. Peu répandue à l’époque, cette pratique fait aujourd’hui partie du quotidien des clubs professionnels de rugby. Vous étiez vous-même à cette initiative ?
Je pense qu’on était dans les premiers à utiliser la vidéo. Nous avions toutefois un modèle, qui était Toulouse. Ils nous ont beaucoup inspirés. Chez nous, c’était des bénévoles qui filmaient les rencontres et nous nous servions de ces images pour les analyser par la suite. Nous étions très en avance.

« Avec le Coronavirus, le calendrier ne permettra pas de reporter les matchs »

Vous avez connu plusieurs internationaux, comme Chabal ou Parra. Comment expliquez-vous le succès de ce « petit » club, à l’époque, face à d’autre clubs plus renommés comme Toulouse ou Lyon ?
A l’époque, Toulouse avait déjà beaucoup d’internationaux, Lyon était une équipe fédérale, Grenoble était en difficulté… Même Toulon n’était pas brillant. Les clubs se trouvaient surtout dans le Sud-Ouest et à Paris. Et il y avait notamment Clermont, Montpellier, Perpignan, Biarritz... Le paysage a changé depuis. Nous, on était dans une région qui est dans le Jura, qui est dans la Drome, C’était plaisant de venir. Et puis, nous avions Michel Couturas, qui avait une vision qui était incroyable.

Après deux dépôts de bilan, le club de Bourgoin–Jallieu est redevenu amateur, et évolue désormais en Fédérale 1. Envisagez-vous de réinvestir dans ce club afin de faciliter son développement après ces deux liquidations ?
Aujourd’hui, non. Ce n’est pas envisageable, car j’ai changé de sport. Je suis déjà dans la voiture, notre écurie réalise de bonnes performances dans la Supercup. Je suis toujours proche des rugbymans, mais les budgets vont plutôt dans les courses automobiles.

A cause du Coronavirus, la saison de rugby est actuellement à l’arrêt. Selon vous, faut-il l’annuler, la stopper ou tout simplement repousser sa fin ?
Selon moi, le calendrier ne permettra pas de reporter les matchs. Je ne crois pas que ça reprenne avant mai, avec cette crise sanitaire. Ils devraient, avec les phases finales du mois de juin, les jouer avec le classement d’aujourd’hui, s’ils le peuvent. Car après, durant l’été, il y a toujours les tournées qui se font. Ce serait dommage que les demi et finales ne se fassent pas. Mais reporter la totalité du reste des matchs de la saison, le calendrier initial ne le permettra pas. Voilà mon idée…

Propos recueillis par Hugo KucharskiLa biographie de Pierre Martinet, « Intraitable », est actuellement en vente aux éditions Plon.

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