EXCLU : «Il a tout pour ça», il envoie Zidane en équipe de France
Jean de Teyssière

Visage du football français durant presque quatre décennies, Guy Lacombe a joué un rôle clé dans l’éclosion de Zinédine Zidane, au plus haut niveau. Que ce soit en tant que joueur ou en tant qu’entraîneur, Guy Lacombe était présent à chaque grande étape de la vie de Zidane. En exclusivité pour le10sport.com, il raconte le « Yazid » joueur, entraîneur et peut-être un jour sélectionneur.

Vous avez fini votre carrière de joueur à Cannes avec un certain Zidane.

« Oui. J’ai joué avec Yaz’ (Yazid Zidane, comme on l’appelait au début de sa carrière). Je n’ai pas joué souvent avec lui. Ce n’est pas un grand souvenir car on perd 6-1. Yaz, ce jour-là, le coach le fait jouer au poste de libéro et je ne suis pas sûr que ce soit sa meilleure place (rires). L’année d’après, je me retrouve à être directeur du centre et je manage Yaz puisque cette année, l’équipe était descendue. Je prends les rênes de la réserve. »

Presque 40 ans après, vous l’appelez encore Yazid.

« Pour nous c’est Yazid oui. Pour tous les Cannois, ce n’est pas Zinédine. J’ai su qu’il s’appelait Zinédine quand il est parti à Bordeaux. À Marseille, ils préféraient l’appeler Yazid. Tous ses copains de Marseille l’appelaient avec son deuxième prénom. À Bordeaux, c’est Rolland Courbis qui découvre Zinédine et c’est lui qui a inventé le surnom Zizou. »

Vous vous doutiez qu’il allait devenir le joueur qu’il est devenu ?

« Pas à ce moment-là, non. Honnêtement, non. Je savais que c'était un garçon ambitieux, qui ne lâchait pas grand-chose, qui avait toujours envie d'avancer, de progresser. Il avait des qualités footballistiques… Techniquement, c'était fort. Il était quasiment ambidextre. Mais surtout, c'est un joueur qui faisait bien jouer les autres. C'est pour ça que ce n’était pas facile à déceler. Ce n'est pas Maradona, ce n'est pas Messi, il n’allait pas prendre le ballon, dribbler 10 joueurs pour marquer un but. Tout ce qu'il faisait, c'était utile. Zidane, c’est quelqu'un qui récoltait tous les mots, toutes les consignes, il les absorbait. »

Est-ce que c'est le joueur le plus fort que vous ayez entraîné ?

« En fait, Yaz, c'est un joueur que j'avais en réserve, donc en D4, il avait 17 ans, c'était le plus jeune du groupe. Comme il y avait beaucoup de joueurs de l’équipe professionnelle qui y descendaient, il fallait qu’il joue, mais ce n’était pas facile pour lui. J’ai beaucoup aimé le joueur en tant que formateur, parce que je voulais qu'il monte dans le groupe professionnel. L'année d'après, à la fin de saison, il a fait un match et il est monté dans le groupe professionnel et ça, c'est une grande satisfaction. Mais de là à dire qu'il allait devenir le meilleur joueur du monde… Nous, ce qu'on voulait c'est qu'il devienne un bon footballeur pour l’AS Cannes. Puis, l’AS Cannes est descendu… Il faut reconnaître que Bordeaux, avec M.Afflelou et Rolland Courbis (le président et l'entraîneur de Bordeaux à l'époque NDLR), ont eu le nez creux car ils l'ont acheté pour pas grand-chose. On n'a pas vendu le joueur à sa réelle valeur. »

Quand vous l'avez retrouvé après, quand vous l'avez formé en tant qu'entraîneur, comment se sont passées les retrouvailles ?

« Je me souviens, dans l'ascenseur du centre d’entraînement Real Madrid, d’être avec lui et son adjoint, David Bettoni. Ce dernier, c'est également le joueur qui jouait à côté de lui lorsqu'il était en D4 à Cannes. Vous voyez quand même le tableau. On s'est regardé et on s'est dit qu'il fallait se pincer pour y croire. Yaz, dans le rôle d'entraîneur, il a été un sage. Franchement, je le dis à tout le monde, surtout aux anciens joueurs, même les plus réputés, ceux qui ont une carrière, qu'il faut entraîner une équipe du centre de formation pour pouvoir ensuite passer en professionnel. Il y a des problèmes, des complexités que vous ne pouvez pas appréhender ainsi, du jour au lendemain. Une équipe de réserve ou une équipe de 17, 19 ans, vous l’impose constamment. C'est important pour pouvoir être performant ensuite en équipe première. Et Yaz a eu l'humilité de passer par là. Il n'y a rien qui lui a été donné. Il a tout eu par son intelligence, par sa volonté, par son ambition, par des qualités exceptionnelles. »

Lorsque vous avez formé Zidane au métier d’entraîneur, pouviez-vous là aussi vous attendre à autant de succès ?

« Non, on ne peut pas dire qu’il allait avoir un succès tracé. Il faut être au bon moment au bon endroit. Il connaissait le Real Madrid comme sa poche. Mais par contre, le bon moment, on ne le sait pas. Il a su parler aux joueurs, il a su remettre son équipe sur les rails. Il a pris des hommes autour de lui, notamment David Bettoni, qui lui a beaucoup apporté. Mais on avait de bonnes sensations avec lui, ça c'est sûr. »

Est-ce que s'il devient un jour sélectionneur de l'équipe de France, ça marchera ?

« Oui, parce qu'il a tout pour ça. Tout tient quand même à la qualité des joueurs que vous avez. Lorsque vous avez des joueurs comme Kylian Mbappé, ça vous rassure quand même. Mais Yaz a tout pour devenir un excellent sélectionneur. Il a une telle connaissance de la sélection que je ne vois comment cela ne peut pas marcher. »

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