Tennis : «Roger Federer n’est pas du tout une machine»
Alexis Bernard -
Rédacteur en chef
Footballeur presque raté, j’ai choisi le journalisme car c’est l’unique profession qui permet de critiquer ceux qui ont réussi. Après avoir réalisé mon rêve de disputer la Coupe du Monde 2010 (en tribune de presse), je vis de ma passion avec le mercato et les grands événements sportifs comme deuxième famille.

Thomas Sotto fait partie des inconditionnels de Roger Federer. Une passion qui l’a conduit à relever le défi d’écrire une livre sur le plus grand joueur de l’Histoire du tennis, « Une aventure nommée Federer ». Le journaliste de France 2 raconte.

Les sportifs vivent de leur passion et ont rarement le sentiment de « travailler ». Ça a été votre sentiment au moment de faire ce livre, uniquement du plaisir ?
Cela a d’abord été une boule au ventre (sourire). Parce que j’avais le sentiment de ne pas être légitime, moi le journaliste de télévision, qui se met à écrire. Je savais que sur un tel sujet, je serai attendu au tournant. J’avais peur de décevoir, d’être à côté de la plaque. Et puis je me suis laissé prendre au jeu. Pour prendre la métaphore tennistique, ça été difficile de rentrer dans le match, le premier set a été compliqué. Mais une fois dedans, j’ai réussi à dérouler (rire).
 
Partir à la recherche de son idole, c’est prendre le risque de découvrir l’envers du décor, des choses qui abîment l’image que l’on s’en fait. Ça ne vous a pas fait peur ?
C’est vrai qu’on se demande bien ce qu’on va pouvoir trouver en creusant. Est-ce que ce mec est lisse ou pas ? Est-ce qu’il y a vraiment des choses à raconter ? Comme je n’avais pas envie de faire une biographie classique, il y en a déjà beaucoup, j’ai eu l’idée de construire le puzzle Federer en allant à la rencontre de ceux qui l’aiment et le connaissent. J’ai été chercher la compétence en « Federologie » de Mansour Barami, Arnaud Boetsch, Fabrice Santoro, Bernard Arnault, Sarah Pitkowski et beaucoup d’autres. Et je n’ai pas été déçu. Cet homme n’est pas du tout une machine. C’est un enfant qui était un passionné bordélique, avec un objectif très clair, dès le départ : être le meilleur joueur du monde. Un garçon secoué par ses émotions lorsqu’il a dû se séparer de ses parents pour aller à Swiss Tennis, à Ecublens, un colérique mais pas comme John McEnroe pouvait l’être. C’est un personnage, avec son caractère et son unicité.
 
Il y a une phrase magique dans votre livre, que Federer aurait prononcé quand il était jeune et déjà talentueux : « J’ai un gros nez mais quand je serai numéro un mondial, les gens ne le verront plus ». Vous pensez que ça a pu être un leitmotiv dans sa carrière ?
Ce n’est pas quelqu’un de complexé. C’est juste un adolescent qui, comme beaucoup, a connu des moments un peu compliqués. Ce qu’il faut surtout retenir dans cette phrase, c’est qu’à cet âge (17 ans), il avait déjà conscience de la force que le tennis pourrait lui donner et qu’il avait déjà la certitude de pouvoir monter sur le toit du monde. Pour arriver là-haut, il faut de l’ego. Il en a. Mais c’est un mélange de tellement d’autres choses. Un esprit enfantin, qu’il a toujours. Et la passion pour son sport. C’est assez dingue de se dire qu’après 20 ans à parcourir les circuits, avec toutes les contraintes que cela induit, il adore toujours le tennis et qu’il continue. Fabrice Santoro me disait que c’était cette vie et ces contraintes permanentes de déplacement, de restrictions, qui l’avaient fait arrêter. Pas Roger.

« S’il veut voir le Pape, il le voit… »

L’un des piliers de la carrière de Federer, de sa réussite, c’est Mirka, sa femme. Elle connait le tennis, elle connait le business, l’importance de la communication. Le monument Federer, c’est un peu grâce à elle ?
Je crois que c’est Mansour Barami qui dit que Mirka, c’est 50% de sa réussite. Je le rejoins. Mais c’est comme dans tous les couples qui se construisent et vivent ensemble. Elle organise toute leur vie, en restant inapprochable. On ne sait rien d’eux, c’est secret. C’est chouette, je trouve, de pouvoir préserver ça. Au centre de tout, il y a eux. Ils sont le noyau. Alors c’est vrai que c’est facile de lui donner le mauvais rôle, avec son visage fermé et son importance dans le bussiness qui entoure son mari. Mais ce n’est pas juste. C’est bien plus que cela.
 
Tout aussi important dans la carrière de Federer, c’est Rafael Nadal. Vous pensez qu’il n’aurait pas eu la même carrière sans « Rafa » ?
Je pense que ça rajoute à la dramaturgie. L’Histoire se déroule sous nos yeux avec deux tennismen exceptionnels et les passionnés se répartissent en deux camps, les pro-Nadal et les pro-Federer. S’il n’y avait pas eu Nadal, il y aurait eu quelqu’un d’autre. Mais je pense vraiment qu’ils se sont fait grandir l’un et l’autre.
 
Dans ce livre, vous abordez le sujet de Federer le businessman. Il aurait dépassé les 100 M€ de gains en tournoi d’après Forbes et ce ne serait que 30% de ce qu’il gagne, le reste serait des revenus publicitaires. Pourtant, on n’a pas affaire à une star bling-bling ?
Comme le dit l’un de ses proches, il est « tellement Suisse ». Il ne faut pas que ça dépasse, il faut rester dans la moyenne. Mais l’argent n’est pas uniquement ce qui pourrait lui faire péter les plombs. Il fait partie du Top 10 des influenceurs de ce monde. S’il veut voir le Pape, il le voit… Partout où il met le pied dans le monde, il y a un tapis rouge qui se déroule. Je crois beaucoup aux vertus de l’éducation. Et dans son cas, il n’a jamais oublié d’où il vient.

"Une aventure nommée Federer", par Thomas Sotto (aux éditions du Rocher)

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