À l’initiative de la Caisse d’Épargne, plusieurs sportives et entrepreneures se sont rassemblées pour débattre autour de la thématique du leadership au féminin. L’occasion pour Céline Dumerc (Basket), Marinette Pichon (Football) et Laura Glauser (Handball) de témoigner sur les spécificités d’être une femme et les progrès médiatiques de certaines disciplines.
A en croire les statistiques, les Français n’ont jamais autant aimé le sport féminin. Selon une étude du Ministère des Sports, 70% des Français trouvent que le sport féminin est tout aussi intéressant que le sport masculin et 64% en regarderaient davantage s’il était plus régulièrement diffusé à la télévision. Pour autant, il n’y a que 7% de sport féminin parmi les retransmissions de sport à la télévision. « Les diffuseurs vont bien se rendre compte que le sport masculin est cher alors qu’ils peuvent avoir de très bonnes audiences avec du sport féminin à moindre coût », estime Hélène Groc, ancien volleyeuse et consultante sur Canal +. La visibilité est le combat premier de toutes les sportives. « Il n’y a pas de caméra s’il n’y a pas de résultat », annonce Céline Dumerc, consciente de l’importance des performances pour améliorer la visibilité des sports féminins. Pour la championne de basket, « les regards ont changé parce que les performances ont évolué ». « Nous avons toutes conscience de cette évolution, explique l’internationale de handball Laura Glauser. Notamment grâce aux Jeux Olympiques. Les gens regardent les performances des sportives aux Jeux. Et pour le handball, le fait qu’on ait eu une médaille nous a donné un élan dans la diffusion ». Malgré tout, beaucoup de performances passent inaperçu aux yeux des diffuseurs. C’est le regret de nombreuses championnes. Et désormais, de beaucoup de téléspectateurs.
Céline Dumerc : « Il faut se battre »
Penses-tu que le regard sur le sport féminin a évolué ? Oui. Cela a changé. Cela évolue. On partait de zéro donc cela ne pouvait que s’améliorer. Mais il faut reconnaître les progrès. Normalement, je suis assez négative, mais sur ce coup-là j’ai envie d’être positive pour l’avenir. Pour exister, on doit avoir confiance. On doit avoir des résultats. On doit avoir de la performance. Mais surtout il faut rester soi-même. On s’en fiche d’être un homme ou une femme. On est capable d’accéder à du très haut-niveau, avoir des performances, des résultats. C’est ça qui doit primer. Je me dis que si l’équipe de France de basket féminin est championne olympique tous les quatre ans, les médias seront bien obligés de parler de nous. La notion de résultat est-elle primordiale ? Elle est constante. On ne va pas se voiler la face. Je peux comprendre que s’il y a toujours des mauvais résultats, la visibilité sera moindre. Mais notez que quand il y a des résultats ce n’est pas suffisant. Donc il faut se battre. Mais l’évolution est plutôt positive donc j’ai confiance. Est-ce que le combat se résume à la diffusion télé ? Oui. C’est une part énorme. La visibilité est importante. Plus on passe à la télé, plus on est médiatisée, et plus on a de la reconnaissance. Les gens prennent l’habitude de nous voir à la télé, du coup ils sont demandeurs. C’est un cercle vertueux. Mais il y a aussi la notion d’argent… Tout devient rapidement du business. Et ça nous dépasse un peu. Mais si on ne nous passe jamais à la télé, comment fait-on pour être reconnue ? Il faut qu’on essaye de bouger les lignes, qu’on se batte, et qu’on frappe un petit peu aux portes. On dit aux médias : diffusez nous parce qu’il y a des choses intéressantes à voir. Il y a de très beaux sports féminins qui sont à découvrir. Y a-t-il une différence entre le traitement des sports individuels et des sports d’équipe ? Cela dépend des sports. Les tenniswomen ont quand même beaucoup de similitudes avec les garçons parce qu’ils jouent les mêmes tournois, devant les mêmes médias, avec les mêmes primes. Mais c’est particulier au tennis. C’est un des rares sports à avoir une parité. Dans les autres disciplines, les filles sont toutes seules et loin des caméras. Dans les sports collectifs, on a la chance de pouvoir se souder pour se battre. Une nouvelle saison démarre pour toi avec Basket Landes. Est-ce la dernière ? Je repars pour un an. Est-la dernière saison ou pas ? Je ne sais pas. On verra à la mi-saison. Je ferais le point sur mon état physique et sur mon niveau. Je verrais bien si ça vaut le coup encore que je reste sur les terrains. Et après, on verra. Chaque étape les unes après les autres. Match après match !
Marinette Pichon : « Les mentalités évoluent »
Pourquoi souhaitais-tu participer à cette table ronde sur le leadership féminin ? Le sport doit servir d’appui pour l’entreprise. Le leadership est souvent évoqué au masculin et très peu au féminin. C’est la thématique qui ressort. On est toutes un peu des féministes dans l’âme et on a envie de dire qu’à travers nos activités, on a envie de faire de belles choses. Et cela peut servir. Cela peut se transposer. L’échange a été constructif et enrichissant puisqu’on a vu qu’il y avait beaucoup de similitude entre l’entreprise et le monde du sport. Tu as connu l’équipe de France féminine à l’époque où il n’y avait ni résultat, ni visibilité. Es-tu fière des progrès accomplis par le foot féminin ? Évidemment. Cela montre que les gens commencent à prendre la pleine mesure de cette pratique féminine et de ce qu’elle peut apporter. On le voit avec les droits audiovisuels. On le voit avec des clubs qui ouvrent de plus en plus de section féminine. Je pense que c’est la pratique de demain. Je suis ravie de voir que les mentalités évoluent et que des présidents réalisent des groupements entre eux pour être encore plus fort. Cela veut dire que notre pratique a un réel intérêt et qu’elle a un gros pouvoir de séduction. C’est plutôt positif et je suis très heureuse de voir tout ce qui se passe autour de notre équipe de France et autour du foot féminin en général. Qu’est qui a changé les regards ? De meilleurs résultats ou une opération séduction efficace ? C’est un peu les deux. En 2010, il y a eu une première action où les filles ont décidé de faire un coup de com’ et ont fait des photos nus. Le slogan, c’était : « faut-il en arriver là pour que vous veniez nous voir jouer ' ». Cela a été la première action coup de poing. Et la seconde, ce fut sur le terrain avec des résultats et notamment une demi-finale de Coupe du monde en 2011. Ce qui n’était jamais arrivé. Les retombées médiatiques de la première opération ont donné du sens aux résultats. On a lié les deux : la performance sportive avec des actions de communication qui sont incontournables aujourd’hui pour le développement. Qu’est ce qu’on peut faire de mieux ? Une reconnaissance légitime pour ces femmes qui pratiquent avec autant de difficulté un sport comme le foot. Accéder aux mêmes droits, avoir les mêmes conditions. Cela me paraît normal puisque c’est la même discipline. Mais il ne faut pas non plus tomber dans les méandres financiers du fonctionnement masculin. Il faut garder nos valeurs. Rester telles que nous sommes aujourd’hui : naturelles, accessibles, et à portée de nos supporters qui sont là depuis toujours. Mais il faut aussi pratiquer dans de bonnes conditions, dans de bonnes infrastructures. Il faut donc nous donner les moyens pour avoir un terrain, des vestiaires. Des choses logiques. Te reverra-t-on bientôt dans le monde du football féminin ? Non. J’ai quitté le poste de Directrice Générale de Juvisy et je me lancerai dans un nouveau projet que lorsqu’il y aura un bon feeling. Quand je sentirai un projet humain et intéressant sportivement. J’ai eu mon diplôme de manager. Je n’ai pas de plan de carrière, on verra bien. En attendant, je suis ambassadrice Kispta pour développer l’équipementier sur la gamme féminine foot, je travaille au département de l’Essonne pour accompagner les clubs, et je suis toujours consultante à France Télévisions.
Laura Glauser : « On a des droits comme les hommes »
Pourquoi tenais-tu à être présente à cette table ronde ? C’était important de représenter les femmes pour montrer qu’on a des droits comme les hommes et qu’on peut être au top comme tout le monde. A 24 ans, tu es déjà maman et cela t’a fait rater un titre de championne du monde. Est-ce un choix qui a été difficile ? Bien sûr ce fut un choix difficile, surtout que c’était avant le Mondial. Mais j’accepte ma décision. C’est la plus belle récompense que j’ai eu dans ma vie. Mais c’est un choix difficile parce que j’ai mis ma carrière entre parenthèse. Et aujourd’hui, je peux perdre ma place. Mais l’envie d’être maman est très forte chez moi donc j’ai préféré faire un bébé. Comptes-tu reprendre rapidement le cours de ta carrière sportive ? Pas de congés maternité. J’ai déjà repris l’entraînement avec Metz. Disons que j’ai déjà eu neuf mois de vacances. Mais j’en ai profité pour travailler, j’ai refais de la musculation, j’ai couru, j’ai refais du handball. Je suis prête !