«La Coupe du Monde en Russie ? La place de la France n'est pas d'être vainqueur»
Alexis Bernard -
Rédacteur en chef
Footballeur presque raté, j’ai choisi le journalisme car c’est l’unique profession qui permet de critiquer ceux qui ont réussi. Après avoir réalisé mon rêve de disputer la Coupe du Monde 2010 (en tribune de presse), je vis de ma passion avec le mercato et les grands événements sportifs comme deuxième famille.

20 ans après l'exploit de l'équipe de France, RMC propose ce soir à 20h une expérience inédite : revivre la finale de la Coupe du Monde dans les conditions du direct. Jean-Michel Larqué, déjà aux commentaires en 1998 sur TF1, fera partie du dispositif. Entre souvenirs, anecdotes et projections sur l'avenir, le Capitaine nous ouvre ses portes.

Jean-Michel, pourquoi c’est si bon de se replonger dans des souvenirs qui ont maintenant 20 ans ? Parce que ce n’est qu’un bon souvenir, pour tout le monde… Je crois que c’est l’un des rares souvenirs que nous avons tous en commun et qui fait autant l’unanimité. Et aussi, je crois, parce qu’on a tous les sentiments d’avoir un peu participé à cette victoire, d’avoir fait partie de l’aventure. Quand les joueurs quittaient Clairefontaine, il fallait voir le nombre de supporters qui étaient pour les encourager et leur témoigner de l’affection. C’était quelque chose, cette fête populaire qui a duré un mois. Vous pouvez demander à n’importe qui, il vous dira ce qu’il faisait le 12 juillet 1998. Avant, pendant ou après la finale, on sait tous ce qu’on faisait ce jour-là. A l’époque, vous faisiez partie de ceux qui pensaient que l’équipe de France pouvait gagner ? A l’époque, très honnêtement, j’étais un pro-Jacquet. J’étais directeur d’Onze Mondial et je soutenais le sélectionneur donc j’avais espoir de voir la France faire quelque chose. Mais les choses sont allées tellement vite. Pour nous, commentateurs, ça allait à 200 à l’heure ! A peine on venait de commenter un match qu’il fallait aller en plateau le débriefer, participer aux débats. Et hop, le match d’après était déjà là. Avec Thierry (Roland), on n’avait pas une seconde à nous, ça allait tellement vite. Et finalement, on ne s’est pas vraiment rendu compte du parcours. Je dirai même qu’on s’est retrouvé, pas par hasard mais par la surprise de l’événement, en finale. A peine le temps de réaliser ce que l’équipe de France était en train de faire que c’était déjà le match face au Brésil. En dehors de Zinedine Zidane, y-a-t-il un joueur qui vous avait impressionné durant la compétition ? Un joueur, non. C’était plutôt les Croates, d’une manière générale. Ils avaient été impressionnants durant toute la compétition. D’ordinaire, les joueurs issus de l’ancienne Yougoslavie sont très techniques, très doués. Ce sont des individualités très fortes, des artistes. Mais mentalement, ce n’était pas très solide. Cette fois, la Croatie n’a pas déçu sur ce plan et ils ont vraiment été bon durant toute la compétition. Davor Suker a d’ailleurs terminé meilleur buteur de la compétition (6 réalisations).

«A un moment donné, Thierry (Roland) m'a dit : 'Et si on gagnait ?'»

Vous aviez une pression plus forte que durant les autres matchs avant cette finale ? Vous pensiez aux 10, 15 ou 20 millions de téléspectateurs ? Non, non (rire). Vous savez, c’est très difficile de se rendre compte de ce que représente 20 ou 21 millions de personnes (20,6 millions de personnes ont suivi la finale sur TF1). C’est impossible à visualiser. Et puis, que ce soit pour une ou 21 millions de personnes, on essaye de le faire avec la même rigueur donc il n’y avait pas de pression particulière par rapport à ça. Mais pour l’enjeu, par contre, oui, on ressentait quelque chose quand même (rire). Comment était Thierry Rolland avant la rencontre ? Surexcité, anxieux, très calme ? Comme on peut l’être avant un tel événement (sourire). Je crois qu’à un moment donné, chose qu’il n’avait jamais fait avant, il m’a laissé entendre quelque chose comme : « Et si on gagnait ? Tu te rends compte, si on arrivait à être champion du monde… » Thierry ne faisait jamais ça, c’était la première fois. Vous avez préparé ce match comme un match ordinaire, vraiment ? On dit que les joueurs sont extrêmement superstitieux, je peux vous assurer que les commentateurs le sont également (rire). On avait fait, avec Thierry, exactement les mêmes horaires, les mêmes positions que pour tous les autres matchs. Je me suis placé à la gauche de Thierry, comme d’habitude. Il avait demandé les feuilles de match à Sylvaine (Mignogna), comme d’habitude. Tout était immuable chez Thierry. Et nous avons préparé ce match comme tous les matchs. On est resté dans ce qu’on savait faire.

«On va découvrir des choses qu'on n'a pas vu la première fois»

20 ans après, on se dit que les Bleus ont encore une gueule à aller chercher une Coupe du Monde. C’est aussi votre avis ? On est toujours un peu prudent. Le Mondial 1998, il faut s’en rappeler tout de même. Il s’est passé plein d’événements. On est champions donc on reste sur les impressions de la finale : on bat le Brésil, par 3 buts à 0, à la maison. D’accord, mais on n’a pas dominé la compétition de la tête et des épaules ! Hormis le match à Lens, contre le Paraguay. Celui-ci on devait le gagner, clairement. Mais les autres matchs…  Aux penaltys contre l’Italie, avec ce qu’une séance de tirs au but requiert de hasard et de chance. Quand vous voyez le scénario et les buteurs de France – Croatie. Bon, je crois qu’il y a toujours un moment donné où le facture chance entre en compte. Donc en Russie, si le facteur chance est là, pourquoi pas. Mais notre place n’est pas d’être vainqueur. Quart ou demi-finaliste, oui. Dans les huit meilleures nations. Si vous aviez la place de Didier Deschamps, vous le prendriez, vous, Benzema ? (Silence) Je pense qu’aujourd’hui, on a tourné la page. Malheureusement pour lui, mais je crois que lui aussi ne s’attend plus à être appelé… Et puis, depuis qu’il n’est plus appelé, beaucoup de matchs se sont passés. Plutôt bien passés, même. Ça ne serait pas forcément bien vu qu’il revienne, de la part du public. Le groupe s’en fout, j’en suis certain. Mais le public… Mais Didier (Deschamps) a fait son choix donc respectons-le. C’est un exercice peu commun de commenter un match qui a déjà eu lieu, avec l’émotion et le résultat que l’on connaît ? Vous avez préparé des choses ? Non, on va faire comme si c’était un vrai match, en direct. Nous allons essayer d’être au plus près du terrain. Et puis, peut-être qu’on découvrira des choses. C’est comme la deuxième ou troisième fois qu’on regarde un film, on tombe sur des points, des détails, des petites choses qu’on n’avait pas vu la première fois. J’espère qu’on en découvrira beaucoup car il y en a forcément. Pour suivre la finale de la Coupe du Monde 1998, France – Brésil, 20 ans, rendez-vous sur RMC le mardi 20 mars, de 20h à minuit !