Interrogés par l’Equipe Magazine, les deux sélectionneurs, Didier Deschamps et Vicente Del Bosque, ont porté un regard sur leur sélection respective. Si le fossé semble grand, Deschamps ne veut pas se déclarer vaincu.
Deschamps « ne lâchera pas » Mardi, l’Equipe de France foulera la pelouse de Vicente Calderon afin d’y affronter une redoutable Roja, qui a fait le plein de confiance en s’imposant en Biélorussie (0-4). Dans cet entretien, le sélectionneur des Bleus ne s’est pas beaucoup attardé sur cette confrontation mais son regard sur la situation de la sélection et du football français est plus qu’intéressant. L’amour du maillot est un sujet délicat depuis quelques temps. S’il est inutile de revenir sur les polémiques de Knysna ou de l’Euro 2012, Didier Deschamps a lui souligné l’état d’esprit de la nouvelle génération : « L’amour du maillot ? Ils l’ont sans doute un peu moins que la génération avec laquelle j’ai joué et gagné la Coupe du monde et l’Euro ». Le successeur de Laurent Blanc insiste pour retrouver cette envie de porter le maillot tricolore. L’apparition de nouvelles têtes justifie peut-être cette envie même s’il ne faut pas remettre en cause leurs performances personnelles : « C’est un de mes leitmotivs : la sélection est au-dessus de tout, vous pouvez jouer pour les plus grands clubs, il n’y a rien de plus fort que de gagner avec le maillot de son pays […] Tout est question d’état d’esprit. Ce n’est pas « normal » d’être en Equipe de France. On doit se sentir privilégié. » Pour Deschamps, les résultats passeront par un état d’esprit irréprochable et il ne déviera pas de sa ligne de conduite. Pourtant il sait que ce n’est pas gagné d’avance, notamment à cause d’une « éducation particulière » : « Quand on retrace l’historique de leur jeunesse, on se rend compte que l’éducation a parfois été très particulière. Certains ont grandi dans ce contexte où les valeurs et les principes se résument à… pas grand-chose, ou alors leur petit plaisir immédiat ». Si Deschamps ne cite personne, il sait sans doute que certains joueurs seront concernés par ses mots. Le travail de DD ne se résume donc pas au terrain. La reconstruction part de beaucoup plus loin. Et l’entretien suivant avec Del Bosque reflète l’énorme fossé entre les deux sélections.
Une mentalité irréprochable Le palmarès de Vicente Del Bosque n’est plus à présenter. Il a tout gagné, mis à part une simple Coupe des Confédérations. Si le succès est le résultat d’un collectif inébranlable et de talents à tous les postes, Del Bosque a tenu à souligner l’état d’esprit et la mentalité qui règne autour de cette Roja : « Nous vivons dans un principe de leadership partagé, aimable mais basé sur l’exigence. Je tâche surtout de les écouter et de comprendre ce que je peux leur apporter. » En effet, les leaders, ce n’est pas ce qui manque au sein de cette Roja. Casillas, Xavi, Iniesta, Villa,… Ils font tous partie des plus grands clubs européens et pourtant certains, à l’image de Llorente ou Torres, n’ont pas leur place dans le 11 de Del Bosque. Mais en mettant leur ego de côté, le collectif en sort grandi : « Se mettre ainsi à la disposition du collectif, parvenir à oublier sa frustration, tout donner à l’équipe quand on fait appel à vous, c’est la preuve d’une grande générosité. C’est peut-être la qualité la plus importante quand on pratique un sport collectif ». Alors que Didier Deschamps souligne que « le vouvoiement » est fréquemment utilisé dans la relation joueur-entraineur, Del Bosque « préfère rester naturel » et que ses joueur le soient aussi. Le discours de Del Bosque met réellement l’accent sur le comportement de ses joueurs, un comportement qui a inévitablement des conséquences sur le terrain. La force collective, la motivation constante… Tout ce qui fait la force de la Roja part de cette mentalité : « Être sélectionneur, c’est s’attacher aux relations entre les hommes, leur convivialité, les règles qu’ils doivent établir pour pouvoir vivre et créer ensemble, le respect. Toutes ces choses qui font une équipe… ». Del Bosque n’a pas tout créé. C’est le fruit d’un travail de longue durée qui commence au sein des clubs, à l’instar de la Masia du Barça. Un travail que Didier Deschamps veut commencer et qui réclame de la patience…
Par Mathieu Lefevre