Ben Arfa, les coulisses de sa métamorphose
La rédaction

21 mois après avoir laissé l'équipe de France, Hatem Ben Arfa retrouve les Bleus. Une convocation pour l'Euro conséquence d'un retour en grâce à Newcastle et d'une métamorphose dont voici les secrets.

Un travail personnel intensif

La réussite actuelle d’Hatem Ben Arfa ne tient pas qu’à son seul talent. Depuis son arrivée à Newcastle, l’ancien Marseillais a compris que cela passerait avant tout par le travail. Une implication qui n’étonne pas Armand Garrido, l’un de ses formateurs à l’OL. « Il a toujours aimé travailler, s’investir, assure-t-il. Ca n’a jamais été un problème. » Le natif de Clamart s’investit donc quotidiennement, notamment à travers un gros travail vidéo. Après chaque match, il analyse et décortique ses stats, ce qu’il a bien fait ou non ainsi que les points qu’il peut encore améliorer. HBA étudie également des montages vidéo avec des parallèles faits entre son jeu et ceux de Messi et Ronaldo. Hatem Ben Arfa s’inspire notamment de la vélocité de Messi et de la puissance de Ronaldo et cherche à allier les deux. C’est aussi pour cela que depuis deux mois il axe son travail sur des efforts de 60 mètres, pour gagner en efficacité à l’approche du but adverse et garder sa lucidité dans la zone de vérité. Hatem Ben Arfa regarde également énormément de vidéos de Michel Platini, qui évoluait dans le même registre que lui, en 10 ou 9 et demi.

L’influence d’Alan Pardew

Le retour au premier plan d’Hatem Ben Arfa est aussi principalement dû aux conseils et à l’influence qu’exerce sur lui son coach, Alan Pardew. Le manager de Newcastle a noué une relation très particulière avec lui et a compris comment tirer le meilleur de son protégé. « Il faut savoir le manager, confirme José Anigo, directeur sportif de l’OM et ancien confident de HBA. Il marche beaucoup à l’affect. » Très exigeant avec Hatem Ben Arfa dans son travail à l’entraînement, Pardew manie intelligemment le chaud et le froid, poussant l’ancien pensionnaire de l’INF Clairefontaine à une constante remise en question. Le Français, très à l’écoute, échange énormément avec son coach. « Pardew est très psychologue, confie un proche de Ben Arfa. Hatem a besoin d’être encadré, diriger, de lui montrer qu’on compte sur lui. Il y a un échange qu’il n’a jamais eu en France en dehors de Gerets. En France, on ne faisait que des constats, sans jamais lui apporter de réponse ou de conseils. » Tout le contraire d’Alan Pardew.

Une totale liberté offensive

« Je ne lui donne pas trop d’informations sur le plan offensif. Quelqu’un comme Hatem, tu dois le laisser à son monde. C’est son monde quand il a le ballon. Le seul domaine où j’interviens avec lui, c’est dans son jeu sans ballon. » Voilà comment Alan Pardew a entre autre expliqué la recette du succès actuel de Ben Arfa. Un choix de lui laisser une liberté créatrice totale qu’Armand Garrido et José Anigo avaient déjà assimilés afin d’exploiter au mieux les qualités de ce talent brut. « Je ne lui ait jamais mis de consigne particulière en attaque, parce que je savais que dans n’importe quelle partie du terrain il était capable d’un exploit », se rappelle son entraîneur en 16 ans à l’OL. « Si je suis son entraîneur, tous les jours je te le mets titulaire. Quand on trouve ce genre de talent, il faut bâtir une équipe autour de lui. Accepter qu’il ne défende pas et qu’il soit absent pendant 15-20 minutes dans un match, poursuit Anigo. Car il a cette faculté à changer le score et un match à lui tout seul. Des joueurs comme ça, c’est rare. » Contrairement à ses anciens entraîneurs, Pardew a lui tout de suite compris comment utiliser de la manière la plus efficace qu’il soit Ben Arfa. Le manager des Magpies insiste lourdement et quotidiennement sur son replacement défensif mais en phase offensive le fait jouer en électron libre, lui laissant ainsi toute la latitude pour faire parler son génie technique. « En France, il y a une espèce de folie tactique à vouloir toujours défendre, s’agace Anigo. En Angleterre, les joueurs et les entraîneurs ont compris qu’il faut parfois faire moins défendre certains joueurs pour leur permettre d’être plus créatifs offensivement. » Messi par exemple se replace constamment mais est exempté des tâches défensives pour lui permettre d’avoir le jus et la lucidité suffisante dans les 40 derniers mètres. Dans nos souvenirs, Zidane ne défendait pas non plus beaucoup…

Chouchou de tout un club

Comme le rappelait José Anigo, Hatem Ben Arfa est un garçon qui « marche à l’affect ». Ce besoin d’amour, de sentir qu’on croit en lui, HBA l’a enfin trouvé à Newcastle. Adulé et tout de suite adopté par le public de St James’s Park pour son jeu spectaculaire, il est en osmose avec ses supporters. « Ils m'ont soutenu pendant ma longue blessure. Je donnerai tout pour eux », confiait-il récemment. Ben Arfa est aussi ravi de constater qu’ils ne sifflent jamais quand leur équipe perd ou lorsqu’un joueur rate un geste technique. Derek Llambias, le président du club, lui a également toujours apporté un soutien indéfectible. « Pendant sa convalescence, le président prenait l’hélicoptère pour aller le voir à l’hôpital ou à Clairefontaine », rapporte un membre de son entourage. Discret, loin de jouer les « stars », Ben Arfa est aussi adoré par ses coéquipiers. Conscients de la terrible épreuve qu’il a traversé avec sa double fracture, du talent et du potentiel qu’il a, ils le considèrent tous comme leur petit-frère. A l’instar d’Alan Pardew, ils savent aussi très bien que Ben Arfa peut leur faire gagner des titres et booster leur carrière personnelle.

Epanoui en Angleterre

Surmédiatisé en France, Ben Arfa est arrivé en parfait inconnu en Angleterre. Désormais complètement adapté au mode de vie anglais qu’il affectionne, le Français a retrouvé une sérénité qui lui permet d’être complètement libéré sur le terrain. « En Angleterre, il a beaucoup plus de tranquillité, confirme Anigo. En France, on vous met sous cloche. Vous êtes jugé, catalogué, guillotiné. » La distance des supporters, propre à la culture anglaise est un changement radical par rapport à l’OM et lui sied à merveille. « Les supporters ne sont pas envahissants dans la rue avec lui. Ils sont très respectueux et s’excusent même parfois quand ils lui demandent une photo », révèle un de ses proches. « L’Angleterre lui va à merveille, corrobore Garrido. Le football anglais est plus inscouciant. Il y a moins de calcul et le public s’enflamme pour les belles actions. »

Régularité et maturité

La plus grosse performance d’Hatem Ben Arfa à Newcastle est peut-être le fait d’enfin enchaîner les matchs. Une grande première dans sa jeune carrière qui lui permet d’acquérir une régularité, condition sina qua non pour devenir un grand joueur. Il vient ainsi d’être titularisé lors des six derniers matchs de championnat. Le signe aussi d’une certaine maturité. « Il a pris du plomb dans la tête, acquis une maturité. Sa blessure l’y a certainement aidé, avance Robert Valette, un de ses anciens entraîneurs à l’OL. A 25 ans, ses démons ont fini par le laisser tranquille. Il s’est vraiment concentrer sur le foot. A Newcastle, il se conduit comme un pro. » « Sa blessure a retardé sa progression mais l’a certainement amené à réfléchir, renchérit Garrido. Du talent, il en a à revendre et aujourd’hui, il est capable de l’intégrer dans un collectif. Il a murit dans son jeu. Il devient plus professionnel et il est en train de prendre une dimension internationale. » Robert Valette atténue tout de même quelque peu l’euphorie ambiante autour de Ben Arfa : « Il manque encore de constance. Il ne doit plus simplement être capable de coups mais doit faire gagner son équipe à chaque fois comme Messi ou Ronaldo. » Ca tombe bien, ce sont ses modèles.

Un talent rare

« Je ne suis vraiment pas du tout surpris par ses performances avec Newcastle. Quand on connaît ce garçon, sa force de caractère, son talent, vous saviez qu’il allait rebondir », soutient José Anigo. Un avis partagé par l’ensemble de ceux qui l’ont cotoyé. « Sur le plan du football, c’est le must. A Lyon, en jeunes ou en pro, il nous faisait des choses d’un autre monde », se remémore Valette. « Il est capable de tout. C’est quelqu’un de surprenant dans le foot et dans la vie. Il a toujours eu cette insouciance. Il est complètement en marge des autres. Il vit sur la création, l’instinct », rapporte Garrido. Un point de vue là encore partagé par Anigo : « Il est différent de nous mais qu’est-ce qu’il est fort !, s’exclame-t-il. Ce petit, c’est du génie. C’est le joueur le plus doué que j’ai vu passé à l’OM et que je connaisse. C’est un phénomène. Le type de joueurs que les gens recherchent. Au foot, les gens viennent voir des artistes, du spectacle. Lui, il vous offre tout ça. »

La première pré-liste des Bleus :
Clichy, Evra, Kaboul, Koscielny, Mexès, Rami - Cabaye, Malouda, Nasri - Ben Arfa, Benzema, Ribéry.