Le 13 novembre est une date marquante pour les fans de catch, signifiant la perte d’Eddie Guerrero en 2005. À seulement 38 ans, la star charismatique de la WWE laissait un vide immense. Sa carrière, jalonnée de succès et de combats contre ses addictions, incarne une résilience inspirante et laisse un héritage indélébile dans la discipline.
Si le 13 novembre est, depuis l'année 2015, tristement associée aux terribles attentats qui ont frappé la région parisienne, la date est aussi synonyme de traumatisme pour les fans de longue date de catch, qui ont appris en ce jour de 2005 le décès d’Eddie Guerrero, l'une des figures les plus charismatiques et influentes de la discipline. Sa disparition soudaine à l'âge de 38 ans a laissé un vide immense dans l'univers de la WWE, captivé par les performances du surnommé "Latino Heat" mais également son style et son charisme à la trace indélébile.
L’addiction, son plus grand adversaire
Issue d’une famille de catcheurs, Eddie Guerrero ne tarde pas à se faire remarquer au Mexique mais également au Japon puis aux États-Unis, du côté de la WCW au sein de laquelle il entame une rivalité devenue historique avec Rey Mysterio et un match masque contre titre pour le titre Cruiserweight à Halloween Havoc 1996 considéré comme l’un de ses meilleurs. Un brillant avenir s’annonce alors pour Eddie Guerrero, dans le radar de la WWE, mais cette trajectoire est fragilisée par les addictions du catcheur. En 1999, un accident de voiture suivi quelques semaines plus tard d’une dislocation d’un coude seront la source d’une longue descente aux enfers.
« Il conduisait sous l'influence de l'alcool, et on m'a dit qu'il avait failli mourir sur la table d'opération », déclarait en 2018 son épouse Vickie Guerrero dans le podcast Prime Time with Sean Mooney. C’est alors le début d’une dépendance aux médicaments contre la douleur, ce qui le conduit à l’époque à suivre une cure de désintoxication en mai 2001. Les conséquences sur sa carrière sont immédiates. « Cet accident de voiture a vraiment limité ce qu'il pouvait faire par la suite, expliquait Kurt Angle, l’un de ses adversaires phares sur le ring, dans le podcast de Chris Jericho. Il pouvait encore faire beaucoup de choses, mais pas comme avant. J'avais l'habitude de le regarder à la WCW et je me disais : “Ce gamin est incroyable”. Mais il ne pouvait presque plus marcher après cet accident. Eddie était amoché quand j'ai catché avec lui. Ça se voyait. On aurait dit qu'il souffrait tout le temps. On le voyait plus tôt dans la journée et il ressemblait à un vieil homme. » Plusieurs mois après le début de son traitement, il est arrêté pour conduite en état d'ivresse en novembre 2001 et quitte la WWE trois jours plus tard.
« S'il vous plaît, ne me laissez pas partir »
Dans le documentaire produit par la WWE, Eddie Guerrero racontait la vitesse avec laquelle son addiction s’était développée. « Vous faites des choses formidables, vous catchez, c'est génial, mais une fois que vous l'avez fait, vous ne ressentez plus rien, s’expliquait-il. Il n'y a rien pour vous combler. Alors j’ai commencé à me tourner vers d'autres choses. J'ai commencé à acheter ceci, j'ai commencé à acheter cela et ça me satisfaisait un peu. Mais avant que je m'en rende compte, ce n'était plus suffisant. Je buvais déjà, alors j'ai commencé à boire un peu plus. Et avant même de m'en rendre compte, j'ai commencé à prendre une pilule par-ci, une pilule par-là, à expérimenter d'autres choses et j'ai commencé à dégringoler ».
Son licenciement de la WWE sert alors de déclic : « Je me suis dit : "Mon Dieu, qu'est-ce qui s'est passé ?" Ma vie a été bouleversée. J'ai reçu l'appel téléphonique et j'ai été viré. Ma première réaction a été de me dire : "S'il vous plaît, ne me laissez pas partir". J'ai tout perdu. Je ne peux pas perdre ça ». Eddie Guerrero bénéficie d’une seconde chance en 2002, après quelques mois sur le circuit indépendant, le temps pour lui de retrouver une certaine stabilité.
« Après sa cure de désintoxication, les quatre dernières années de la vie d'Eddie ont été très agréables pour nous, révélera Vickie Guerrero. Non pas que je l'aimais moins avant, mais c'était un véritable enfer quand vous avez affaire à une personne que vous aimez tant et qu'il y a ces substances qui prennent le dessus sur sa pensée et ses actions et que vous ne pouvez pas lutter contre elles. On ne peut pas lutter contre une pilule. On ne peut pas se battre avec l'alcool et on ne veut pas vraiment se battre avec Eddie parce que les drogues et l'alcool ont déjà pris le contrôle sur lui. (…) Ce sont les quatre meilleures années que j'ai eues avec Eddie depuis bien longtemps. »
La promo symbolique devenue iconique
C’est également au cours de ces quatre années que le "Latino Heat" atteint les sommets de la WWE, qui lui accorde sa confiance malgré ses antécédents. En février 2004, il remporte la ceinture mondiale en battant Brock Lesnar à l’issue d’une rivalité à laquelle se mêlent fiction et réalité avec une prise de parole devenue légendaire d’Eddie Guerrero, évoquant ses démons pour promouvoir le match de sa vie « Tu veux parler d'addiction ? Tu sais quoi ? Disons-le franchement. La vérité, c'est que je suis accro, lança-t-il à Brock Lesnar devant plusieurs milliers de spectateurs et des millions de téléspectateurs. Il y a environ trois ans, à Minneapolis, ton état natal, dans la douche, dans les vestiaires, j'étais défoncé. Je ne me souviens plus très bien de cette soirée, mais ce dont je me souviens, c'est qu'ils m'ont sorti de la salle et m'ont envoyé directement en cure de désintoxication. Mais c’est moi qui me le suis infligé. Et ce n'était que le début. Pendant tout ce temps, pendant ces trois années, je n'ai pas seulement perdu mon travail, j'ai perdu ma femme, j’ai perdu mes enfants. Et je me suis perdu moi-même. J'ai perdu mon esprit. J'ai déshonoré mon peuple. J'ai déshonoré ma famille. Et je me suis déshonoré moi-même. Je suis arrivé à un moment de ma vie où il fallait faire quelque chose ou mourir. Je devais prendre une décision : faire ou mourir. Et tu sais quoi ? Je l'ai fait. Parce que je suis ici maintenant, jour après jour, par la grâce de Dieu, et j'ai gagné mon retour sur ce ring. Jour après jour, par la grâce de Dieu, j'ai regagné le respect de mes enfants. Jour après jour, j'ai regagné ma vie. Quand je te croise et que je vois ça (la ceinture de champion, NDLR) à ta taille, tu sais ce que cela symbolise pour moi ? 'Je suis désolé'. C'est ma façon de dire à ma famille que je suis désolé. C'est ma façon de dire à mes enfants que je vais leur offrir un meilleur mode de vie. Je vais leur offrir les vélos qu'ils voulaient. Je vais leur donner une meilleure éducation. C'est ma nouvelle addiction. Quand je monte sur ce ring, je suis accro. Je suis accro à l'euphorie qu'ils (les fans, NDLR) me procurent. Je suis accro au plaisir que je ressens lorsque je rentre chez moi et que je dis à ma famille 'Hé, je suis en train de le faire'. »
After years of battling drug addiction, Eddie Guerrero cuts a very intense promo about his struggles
— 𝒩𝐼𝒢𝐻𝒯𝑀𝒜𝑅𝐸 ᵀᴹ (@Jwrasslintakes) November 7, 2024
He talks about his journey to redemption as he tries to capture the Undisputed Title pic.twitter.com/ca69DImUsx
Décès brutal à 38 ans
Derrière le sacre d’Eddie Guerrero et la narration puissante qui entoure la rivalité, le catch démontre ce qu'il a de meilleur : sa capacité à mêler athlétisme, histoire personnelle et storytelling, offrant aux spectateurs une expérience inspirante. Car c’est plus qu’une ceinture de catch qu’a soulevée le Mexicain en ce 15 février mais bien l’incarnation matérielle d’une résilience, symbolisant la victoire d’Eddie Guerrero sur les obstacles de sa vie. Mais c'est déjà trop tard. Le cœur de la star lâche le 13 novembre 2005, cinq jours après son dernier match, contre Mr Kennedy à Smackdown. « Il s'est battu tous les jours pour ne pas prendre ces drogues, il l'a vraiment fait, indiquera des années après son neveu et catcheur Chavo Guerrero au cours d’un échange avec Chris Jericho. Mais on dit que la Vicodin et tous ces trucs donnent beaucoup de cicatrices sur votre cœur parce que vous en abusez tellement... »
Présent dans l’hôtel où Eddie Guerrero a connu ses derniers instants de vie, Chavo fut prévenu par la sécurité de l’établissement que son oncle s'était évanoui dans sa chambre. Une fois arrivé, il s'est immédiatement rendu à son chevet. « Je mets ma main près de son nez et il n'y a pas de respiration, mais j'entends quelques gargouillis et puis je le sens encore, il est chaud. (…) Il était encore en vie parce qu'il était chaud. Puis je l'ai vu passer de la chaleur au froid. Il est mort là. Là, tout de suite, détaillera Chavo Guerrero. L'ambulance est arrivée, ils lui ont fait un massage cardiaque et tout, et ils ont dit qu'il était parti. Je me suis dit : "Et si j'étais arrivé une heure avant ?" D'habitude, nous partageons la même chambre, mais pas cette fois. Ils m’ont dit que non, qu'il serait parti quoi qu'il arrive ». Le catcheur est mort à l’âge de 38 ans d’une insuffisance cardiaque.
Son héritage perdure encore aujourd’hui à travers les talents avec lesquels il a travaillé, à l’instar de son grand ami Rey Mysterio, ou de ceux qu'il a inspirés et qui, fréquemment, reprennent certaines de ses prises fétiches ou poses emblématiques. Le public ne s’y trompe jamais en répondant par des chants ‘Eddie, Eddie, Eddie’. La WWE a quant à elle mis en place un programme anti-drogue en 2006, quelques mois après la mort soudaine d'Eddie Guerrero, afin de surveiller les substances consommées par ses stars.