Surf - Johanne Defay : « À Teahupo'o, j’ai senti la pression monter comme jamais »
Kevin Laborde -
Rédacteur en chef adjoint
Diplômé à Bordeaux, titulaire de la carte de presse depuis 2009. Des débuts chez Sport24, puis L'Équipe, avant de rejoindre Le 10 Sport. Spécialiste foot, avec un profil orienté mercato, je suis également passionné par la NBA, LA Ligue, qui a tout compris. Incapable de rester insensible devant une étape du Tour de France.

Interrogée par Le 10 Sport la surfeuse Johanne Defay revient sur sa performance de Teahupo'o où elle a remporté la médaille de bronze. Celle qui brille régulièrement sur le Championship Tour de la WSL revient sur son nouveau statut de médaillée olympique, ses objectifs sur le CT et le surf en France qui n’a plus organisé d’épreuve du Championnat du monde depuis 2019.

Dans quel état d’esprit êtes-vous quelques semaines après votre médaille de bronze aux Jeux olympiques ?

Johanne Defay : Je suis repassée par Paris cette semaine pour participer à la parade des athlètes, ça nous a remis dans cette ambiance des Jeux. Après ma médaille, j’étais un peu rentrée sur Paris pour la cérémonie de clôture, mais j’avais une dernière étape de Coupe du monde (à Fidji du 20 au 29 août, NDLR), donc il fallait quand même rapidement penser à autre chose, même si c’était dur. Là, le fait de revenir, de revoir les amis, la famille, ça replonge dedans. Finir sur cette parade avec tous les athlètes, les remises des différentes récompenses c’était vraiment chouette. Je suis encore un peu sur mon petit nuage. Quand on gagne une étape de Coupe du monde, la saison n’est pas terminée, un autre manche arrive rapidement, on n’a jamais vraiment le temps de se poser, ce n’est jamais une fin en soi. Là, les Jeux, c’est fait pour quatre ans j’ai envie de dire.

Est-ce que finalement cette médaille olympique ne vaut pas plus que vos six victoires en Coupe du monde ?

Johanne Defay : Caroline Marks qui a été championne du monde l’an dernier et championne olympique cette année le dit : ça n’a rien à voir. Je n’ai jamais été championne du monde, mais j’ai été troisième mondiale (en 2022, NDLR) et troisième olympique et ça n’a rien à voir. Ce qui est drôle, car en termes de niveau, ce n’est pas forcément mieux, mais dans le regard des gens, ça n’a rien à voir, ça veut dire plus de choses. Ça parle plus aux gens une médaille olympique.

Vous le saviez avant les Jeux que ce rendez-vous serait aussi important dans votre carrière ?

Johanne Defay : Je n’en avais pas autant conscience avant les Jeux. Après, je pense que le fait que ce soit les jeux en France ça a vraiment décuplé l’effet. Tous les Français se sont sentis concernés à un moment donné. En tant qu’athlète c’était la même chose. Quand les jeux ont commencé, on n’était pas sur place, mais on regardait les épreuves, la cérémonie et là j’ai senti la pression monter comme jamais ça ne m’était arrivé sur la Coupe du monde. Sur le moment j’ai pris ça en pleine face. Je me suis dit : « Punaise je veux vraiment une médaille, c’est mon moment ou jamais. »

"Cette médaille c’est du travail sur du long terme"

Comment aviez-vous préparé ces Jeux olympiques à Teahupo'o ?

Johanne Defay : Faire l’impasse sur le Championship Tour pour me concentrer uniquement sur les Jeux olympiques ce n’était pas possible pour moi. Pour d’autres comme Kauli (Vaast, NDLR) ou Vahine (Fierro) ça l’était. En plus c’était chez eux. Moi j’ai vraiment composé avec ma saison. Il fallait trouver du temps pour aller s’entraîner à Teahupo'o entre les étapes de Coupe du monde. Cette médaille c’est du travail sur du long terme. J’ai eu trois ans pour préparer ces Jeux, dont deux vraiment intenses. Pour aller m’entraîner à Tahiti, c’est à peu près 50 heures de voyage, 14 heures de décalage horaire. Ce n’était pas évident dans l’organisation. Pour moi, en termes de performance, je me suis vraiment dépassée. Teahupo'o c’est une vague très compliquée. Ça fait peur. Cette dimension de peur c’est instinctif, c’est difficile à contrôler. Ce n’est pas en quelques stages d’entraînement que ça passe. C’est énormément de temps et là, on en n’avait pas tant que ça. J’ai tout donné en termes d’organisation pour faire une performance là-bas et ça a marché.

Quelques jours après la joie de Teahupo'o vous avez connu une déception à Fidji où vous êtes passée très près d’accrocher le top 5, qui vous aurez permis de participer à la finale du Championnat du monde…

Johanne Defay : Forcément je n’étais pas hyper heureuse. Mais c’est surtout le fait que ça se joue sur cette dernière étape. Et puis le fait que Tatiana (Weston-Webb, NDLR), qui s'est finalement qualifiée a ma place a peut-être eu un parcours plus simple, moins encombrée que moi sur cette dernière étape à Fidji. Elle a été très forte, mais en quart de finale elle était face à Brisa Hennessy qui sur la série d’avant s’est coupée le pied et a eu 4 points de suture et qui était affaiblie. En demi-finale elle affronte Tyler Wright, qui selon moi n’est vraiment pas la meilleure sur une gauche comme ça... Après les quarts de finale, j’étais encore devant elle. Finalement ça se joue à 900 points sur un total de 42 900 points… Ça ne se joue à rien, c’est plus ça qui m’a déçu. Mais bon j’ai vite su me remonter le moral.

Ce sera pour l’an prochain ?

Johanne Defay : Oui, être dans les 5 en fin de saison ce sera l’objectif. J’ai toujours voulu avoir de la régularité sur le World Tour. Cette année, j’ai un peu changé. En identifiant certaines compétitions sur lesquelles vraiment performer. J’ai failli le faire cette année avec Peniche au Portugal et Bells Beach en Australie. Si j’avais gagné à Bells Beach, après avoir remporté l’étape au Portugal à Peniche, j’aurais été dans le Top 5 largement. C’est un peu plus comme ça que je vois les choses désormais. Avec le système de points, c’est mieux comme ça. Ça permet de plus se relâcher dans la saison.

"Un CT en France ? Moi je suis prête à aller faire des rendez-vous et promouvoir le surf"

La prochaine saison du World Tour reprendra en janvier prochain. Quel va être votre quotidien d’ici là ?

Johanne Defay : Là je viens de rentrer en métropole pour cette parade d’athlète, j’ai d’autres évènements avec des partenaires. Il y a toute cette partie du travail avec mes sponsors que je n’ai pas trop le temps de faire le reste de l’année entre mes compétitions et tout. J’essaye de tout accumuler sur septembre et octobre généralement. J’ai six semaines assez intenses. Puis je rentre chez moi à La Réunion où je coupe un peu tout ce qui est sollicitations partenaires, médias, pour vraiment me concentrer sur les amis, la famille et l’entraînement.

Vous êtes la seule représentante française sur le World Tour depuis plusieurs années. Vous espérez être rejoint rapidement par certaines et certains de vos compatriotes ?

Johanne Defay : Oui je l’espère ! Ce serait chouette. Mes années les plus funs c’est quand j’avais Pauline Ado avec moi. On a souvent logé ensemble, avec les garçons on était un peu moins proches, mais c’était toujours cool de les avoir. Ça créée quelque chose. On se dit « Allez on va voir les séries des Français. » Et j’aimerais voir les jeunes arriver aussi. Vahine Fierro et Kauli Vaast méritent tous les deux selon moi. Il y a aussi la jeune Tya Zebrowski qui monte en puissance… Ils méritent leurs chances.

Depuis 2019 la France n’a plus organisé d’étape du Championnat du monde. Pensez-vous que la WSL reviendra prochainement sur sa décision ?

Johanne Defay : La WSL n’est pas hermétique à la discussion pour un retour d’une étape du CT en France. Mais eux, ils ont besoin de financements et de vagues. Le souci c’est qu’avec leur nouveau format, s’ils veulent terminer la saison en septembre ça complique les choses, car nous, c’est en septembre et en octobre qu’on a les meilleures vagues. Ils nous disent qu’on peut aller en France après le Portugal en février ou en mars, mais tout le monde leur dit que ça ne sert à rien. Statistiquement il n’y a pas de bonnes vagues à ce moment-là. Mais surtout en termes de financements, les derniers échanges qu’ils ont eus avec les villes et les régions c’était de montants trop élevés. Tout fait que c’est compliqué. Mais après, ils aimeraient bien revenir. Ils adorent organiser des évènements en France, boire du vin et bien manger (rire) et même les athlètes adorent. Ce n’est pas une question d’envie en réalité. C’était les marques qui finançaient ces évènements et d’après ce qu’elles disent elles gagnent de moins en moins dans l’industrie du surf. Donc ça fait trop pour les régions et les villes. Peut-être qu’elles n’en ont pas besoin ? Mais j’espère qu’il y aura un effet JO. Je le disais à la WSL, moi je suis prête à aller faire des rendez-vous, promouvoir le surf et dire que c’est important.

Surfer avec Johanne Defay en octobre, c’est possible

« J’ai créé des stages en octobre à Seignosse dans les Landes en partenariat avec O’Neill. Un mixte et un 100% féminin. On fait des cours de surf, des initiations, des prépas de surf, du yoga, on mange bien… on passe du bon temps. Je passe tout le week-end avec eux. J’adore ça. C’est ma passion de faire du sport toute la journée et de bien manger. J’ai envie de transmettre ça et de partager ça. Le premier week-end du 10 au 13 octobre, ce sera mixte. J’aimerais avoir plus de garçons. L’an dernier on en a eu trois sur une vingtaine de personnes. Women of the Waves est lui complet fin octobre. »

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