Ancien pilier de l'équipe de France, Luis Fernandez s'est confié au 10 Sport pour évoquer l'équipe de France et la nouvelle génération. Le consultant RMC n'est parfois pas tendre...
Quel joueur français a succéder à Luis Fernandez ?
Deschamps ! Didier Deschamps, sans hésiter. Il a été, comme moi, ce joueur capable de faire la loi au milieu de terrain. Un aboyeur... Un joueur avec une personnalité qui a su emmener un groupe, comme a su le faire avec nous, Michel Platini.
Et aujourd'hui, quel joueur en activité te ressemble le plus ?
J'aime beaucoup Lassana Diarra. Il est un peu plus rapide que moi ou Didier (Deschamps), mais quand il récupère le ballon, il est assez agressif et va de suite de l'avant. Il a un profil un peu plus offensif que nous avec cette capacité à porter le danger très haut, mais j'aime beaucoup le registre dans lequel il évolue.
Donc un joueur qui a le potentiel pour être titulaire en équipe de France ?
En pleine possession de ses moyens, oui. Mais aujourd'hui, un garçon comme Alou Diarra mérite plus une place de titulaire que Lassana. Après, c'est à Laurent Blanc de décider, pas à moi.
Laurent Blanc, justement, il s'en sort bien ?
C'est l'homme qu'il fallait à l'équipe de France. Il a un vécu, il a un charisme. Mais surtout un homme qui a gagné des titres. Comment veux-tu te présenter devant tes joueurs, leur demander des choses en étant exigeant, si toi même tu n'as rien gagner ? Laurent Blanc a cette légitimité là. C'est un winner, pas un type qui n'a jamais rien gagner dans sa vie... Je pense qu'avec Laurent Blanc, cette équipe de France peut faire des choses. Et gagner des titres.
Et sa gestion des cas Évra, Ribéry, Anelka, Kysna ?
Le football est un sport collectif. Alors quand on sanctionne individuellement, ça me gêne. Je sais comment vit un groupe. Je sais ce qu'y s'y passe, de l'intérieur. Montrez du doigt deux ou trois joueurs en les sanctionnant pour symboliser la honte qu'à pu ressentir la France, ce n'est pas bien. Je pense qu'il aurait fallu prendre des décisions collectives. Et si la décision était de suspendre, alors il fallait suspendre toutes les personnes qui étaient à Knysna. Un an, ou deux ans, selon l'estimation que tu peux faire la gravité des choses. Mais collectif, toujours.
On a parlé de meneurs. Les sanctionner pour montrer l'exemple n'était pas suffisant ?
Je m'interroge sur l'enquête qui a été menée. Parce que qui nous dit qu'il n'y avait pas d'autres personnes, en Afrique du Sud ou ailleurs, qui n'ont pas contribué à tout ça ?
Tu vises certaines personnes en particulier ?
Non, je pense que tout le monde est responsable. Les joueurs, comme les dirigeants, comme les personnes qui n'étaient pas en Afrique du Sud mais qui ont pris des décisions pour mettre en place ce système. C'est un ensemble. Et malheureusement, je crois que le football français a longtemps vécu avec de mauvaises habitudes. On a par exemple tendance à ne pas écouter les anciens, à laisser des énarques décider. Il y a plein de gens qui peuvent apporter au football français. Qui l'ont fait par le passé et peuvent continuer à le faire.
Knsyna ne serait jamais arrivé du temps de la génération Platini ?
Jamais ! On n'a jamais connu ce genre de situation parce que nous avions un cadre autour de nous. Un leader, qui était Michel Platini. Et des valeurs, comme peut le symboliser le maillot de l'équipe de France. Porter ce maillot, c'est un honneur. Quand on lui manque de respect, on crache sur les générations du passé qui l'ont porté avant nous : Fontaine, Kopa, Platini et les autres. On ne peut pas toucher à ces symboles là, c'est trop important.
Porter le maillot des Bleus, ça représente encore quelque chose ?
Ah oui. Mais ce n'est pas un simple maillot. C'est un ensemble de valeurs que l'on porte, celles que le pays nous a inculqué depuis toujours, issues de l'immigration notamment. Quand tu regardes les différentes équipes de France, tu le vois ça, cette diversité. Moi qui suit né en Espagne, qui ait grandi dans la culture français, ça toujours été un honneur de pouvoir porter ce maillot. Et je suis certain que ce sentiment est le même aujourd'hui, parce qu'ils savent d'où ils viennent, tous. La souffrance, le travail, l'investissement que ça demande, ils le savent, tous.
Tu as proposé un projet pour reprendre l'équipe de France. C'est un regret de ne pas avoir été choisi ?
Non, pas du tout. J'ai fait la démarche de proposer ma candidature parce que la situation s'y prêtait. Le football français avait besoin de s'appuyer sur quelque chose de nouveau, alors j'ai proposé mes idées. Aujourd'hui, c'est du passé. Laurent Blanc convient parfaitement. Moi j'ai mon émission, ma radio et ma sélection. Et ça me convient aussi parfaitement.
Tu n'avais peut-être pas le profil pour le poste, car un peu grande-gueule, tendance à dire ce que tu penses ?
Non, je ne pense pas. J'ai rencontré quelques dirigeants du football français, j'ai pu discuter avec eux. Je n'ai pas ressenti ça. Maintenant, j'espère qu'ils prendront les bonnes décisions, que la gouvernance de notre football va changer en laissant un peu plus de place aux personnes d'expériences qui ont gagné des choses, aux anciens joueurs. En Espagne, en Italie, en Allemagne, ça se passe comme ça. Il y a toujours une personnalité d'expérience, avec un vécu, pour orienter un club ou une fédération.
Platini était le leader de sa génération, Zidane de la sienne. Aujourd'hui, le n°1, c'est Gourcuff ?
Non. Un leader technique, peut-être, mais pas un leader. Aujourd'hui, il y en a un qui est entrain de prendre une dimension énorme, c'est Samir Nasri. Le leader de l'équipe de France, c'est là que je le trouve. Je pense aussi à Karim Benzema, s'il arrive à relever le défi qui est le sien au Real Madrid. A Philippe Mexès, à Hugo Lloris. Là, tu as une colonne vertébrale hyper importante.
Donc Gourcuff, on oublie ?
Non, on n'oublie pas. Parce qu'on ne peut pas oublier ce qu'il a fait avec Bordeaux. Par contre, s'il retrouve ce niveau de jeu, c'est associer à Samir Nasri qu'il sera le plus intéressant. On pourra retrouver un duo comme on en a eu par le passé. Zidane et Djorkaeff, Platini-Giresse. Et si tu leur mets des garçons comme Ribéry à côté, comme Loïc Rémy, Jimmy Briand, tu as quelque chose quand même là.