C'est l'histoire de Samir Azzimani, un jeune issu de la banlieue parisienne qui a fait le rêve fou de participer aux JO d'hiver. Ou comment un Marocain s'est retrouvé l'an dernier sur les pistes de Vancouver et se présente aujourd'hui à Garmisch. Interview...
Samir, comment t’es venu cette passion pour le ski ?
L’histoire est assez hasardeuse. Quand j’avais 5 ans, ma famille m’a placé chez les bonnes sœurs dans une pension catholique entre Neuilly et Levallois. Et pendant les vacances scolaires, on a fait un séjour au ski. C’est comme ça que j’ai découvert la neige.
Et tu as tout de suite pris goût…
Non ! Pas du tout. Les deux premières années, j’ai détesté le ski. Il faisait froid. Les combinaisons n’étaient pas pratiques pour faire pipi, donc on se faisait dessus. Et puis, tout ce matériel, les gants, les chaussettes… Je perdais tout. C’était compliqué ! Et puis marcher avec les chaussures… Je détestais ça.
Mais malgré tout, tu te débrouillais bien sur les skis…
C’est plus tard que j’ai commencé à bien glisser et donc à accrocher. Et j’ai rapidement voulu aller plus vite. Et lorsque j’ai vu pour la première fois une compétition, du haut de mon télésiège, je suis resté ébahi. J’avais le cœur qui battait.
Ce fut le déclic ?
Pas vraiment ! Le déclic c’est en 1992 avec les Jeux d’Albertville. Je suis resté 24h sur 24h devant la télé et j’ai dévoré des yeux toutes les épreuves. Et cette année là, il y a avait un marocain dans la compétition. Et malheureusement, sa prestation a fait la tour du monde. Il a fait la descente en tombant tout le temps. C’était rigolo. Tous les marocains ont vu ça et en ont parlé.
Et toi tu t’es dit quoi à ce moment là ?
Je suis dit qu’il était ridicule et surtout que je pouvais faire mieux. A ce moment là, j’étais à fond dans le ski. J’ai rêvé en voyant Fabrice Guy ou Edgar Grospiron… Mon idole, ce n’était pas Platini. Malheureusement, je n’ai pas pu aller au ski par la suite. Faute de moyens, j’ai du arrêter pendant dix ans. J’ai donc continué mes études et j’ai essayé de gagner de l’argent. J’avais une peur bleue de devenir clochard. Et puis je me suis dis que ce ne serait pas mal de faire animateur pour pouvoir aller au ski à l’œil (rires).
Cela t’a donc permis de retrouver ton niveau ?
J’ai surtout retrouvé mes sensations et je sentais que j’avais perdu mon temps. Je me suis donc remis au boulot pour épargner et pouvoir aller m’entraîner avec en tête une seule idée : participer aux JO pour le Maroc.
Comment s’est passé ton entrée dans le monde de la grande compétition ?
Je suis parti à l’aventure, sans points FIS, sans moyens, sans sponsor… Les gens me regardaient comme un extra-terrestre. J’étais le Rasta Rocket du ski. Avec ma grosse combi rouge de chez Décathlon, les gens riaient. Mais j’ai enchaînait les courses en slalom et en géant, tout en progressant.
Et comment as-tu eu ton ticket pour les Jeux ?
Ce fut compliqué. Il faut dire que le Marocain qui est tombé à Albertville avait énormément traumatisé la fédération marocaine. Le Ministère des Sports avait mis une croix de fer sur le ski. Ils ne voulaient plus entendre parler d’un skieur marocain. Et j’en ai beaucoup souffert. Le président de la fédération me disait : « Samir, on t’aidera seulement si t’es dans les premiers… ». Et moi je leur répondais : « Mais vous connaissez le niveau ? Aidez- moi et je pourrais m’entraîner… » C’est finalement grâce à sa Majesté, à qui j’ai écrit une lettre, que j’ai pu continuer. Le roi du Maroc a été mon mécène pendant une saison. Et j’ai finalement pu me qualifier pour les JO de Turin. Sauf que je me suis blessé et la fédération ne m’a pas laissé aller aux Jeux. Il a fallu que je recommence tout pour me qualifier 4 ans plus tard pour Vancouver.
Au Canada il y a un an, tu étais le seul à représenter ton pays. Quelles ont été tes sensations ?
J’étais donc le porte-drapeau et au moment où je me suis retrouvé devant la porte, j’ai commencé à me dire « Waouh ! ». J’ai eu une sensation bizarre. J’étais tout seul, personne avec moi. Heureusement j’étais très proche de l’équipe de France. Ils m’ont pris sous leur aile et m’on beaucoup aidé.
Et finalement, tes résultats ont été plutôt bons…
Mon comité olympique a été agréablement surpris. Ils étaient fiers car j’ai battu pas mal de skieurs d’autres pays. Je n’étais pas ridicule. Je les ai sentis heureux. C’est un peu comme dans le final de Rasta Rocket. D’ailleurs les canadiens m’ont surnommé « Couscous Rocket ». Ils auraient pu m’appeler Gaston Lagaffe, c’était pareil. Moi je m’en fou. Le plus important, c’est le chemin parcouru. Le plus important, c’est d’avoir rendu fier des millions de Marocains.
Retrouvez l'intégralité de l'interview de Samir Azzimani dans le 10 Sport Hebdo, en vente dans tous les kiosques depuis ce matin.