Jeux 2024 : «La France doit changer son modèle»
Alexis Bernard -
Rédacteur en chef
Footballeur presque raté, j’ai choisi le journalisme car c’est l’unique profession qui permet de critiquer ceux qui ont réussi. Après avoir réalisé mon rêve de disputer la Coupe du Monde 2010 (en tribune de presse), je vis de ma passion avec le mercato et les grands événements sportifs comme deuxième famille.

Dans la perspective des Jeux Olympiques 2024, la France se prépare pour son incontournable rendez-vous. Mais pour préparer les champions tricolores, les structures et filières de formation ne sont pas toujours optimales. Le 10 Sport a enquêté sur la natation française, en prenant l’exemple des Etoiles 92, club qui met au centre de son projet performance, scolarité et lien social. Un modèle qui marche, une recette qui pourrait inspirer bien des fédérations.

Août 2020. En pleine année Covid, un projet complètement fou sort de terre. Ou plutôt de la tête de son fondateur, Etienne Passani. Son idée : Créer un club de natation privé, avec pour objectif d’évoluer dans l’ultra-performance mais aussi permettre à ses nageurs de concilier passion et scolarité. En s’appuyant sur le modèle des écuries anglo-saxonne, la structure Etoiles 92 prend vie. « On a créé des conditions qui nous permettent d’aller vers le haut niveau, avec des moyens supérieurs à ce qui se fait en général dans la natation », explique simplement Olivier Sangaria, l’un des entraîneurs du club francilien. Deux ans plus tard, le palmarès des Etoiles 92 est éloquent. Champion de France interclub, quatrième club élite et labellisé club excellence, le pari est déjà réussi. Une preuve vivante qu’avec des moyens et une approche différente, le sport français est capable d’être performant.

« Je n’ai pas d’aide, j’arrête »

Les moyens en question ne sont pas uniquement financiers. C’est le combat d’Etienne Passani, patron des Etoiles 92. « Nous voulons donner les moyens à de jeunes nageurs de pouvoir concilier ultra performance dans leur passion et une scolarité adaptée qui leur permettra une reconversion toute aussi élitiste. Nous souhaitons que ces jeunes et leurs parents n’aient pas à faire de choix entre sport et scolarité. C’est malheureusement ce qu’on leur répète trop souvent dans leur cursus scolaire. Nous avons d’ailleurs un très bon exemple avec un jeune qui est en ce moment aux Mondiaux de Budapest et qui a suivi une prépa à l’école Diagonale, l’une de nos écoles partenaires, et qui intègre l'école d’ingénieur Leonard de Vinci à la rentrée ».
 
Sport et scolarité dans un même modèle. Une recette gagnante que partage Jérémy Stravius, légende de la natation tricolore et entraîneur aux Etoiles 92 : « Ce qui est surprenant, c’est que le problème ne date pas d’aujourd’hui. On le sait qu’il faut des moyens pour accompagner les sportifs. Et ce fameux modèle américain, qui marche, qui a fait ses preuves et qui a été repris par les Anglais, les Italiens, ces nations qui sont désormais performantes, on le connait. Mais on ne met pas les moyens nécessaires pour l’importer chez nous. En France, on a mis les moyens dans l’INSEP et Font-Romeu et c’est tout. Voilà deux institutions, merci, démerdez-vous (rire). Ça ne marche pas comme ça. Et je tire mon chapeau à tous ces sportifs, à tous ces nageurs, qui concilient études, travail et entraînement. Ce sont des journées de dingue, toute la semaine. Combien de fois j’ai entendu des sportifs me dire : « J’arrête, je ne peux pas continuer. Je n'ai pas d’aide, je n’ai pas les moyens. J’ai le potentiel mais sans aide, je ne peux pas donc stop ». Trouver des sponsors, des partenariats, c’est compliqué. Si, en plus, c’est difficile de trouver des universités ou des écoles supérieures sans aménagement de temps pour les sportifs… »

« Il faut arrêter le bricolage. Stop ! »

Si les Etoiles 92 peuvent compter sur des partenaires financiers solides, c’est aussi grâce à la mise en place d’un réseau de partenariat que le club peut proposer à ses athlètes un accompagnent scolaire de premier plan. « Nous avons un premier partenariat avec l’université de Nanterre et avec de grandes écoles pour faciliter les passerelles de nos sportifs de haut-niveau, poursuit Etienne Passani. L’Éducation Nationale devrait mettre en place de vraies classes aménagées, dans des collèges et lycées en proximité, suivant une carte scolaire bien définie. Parce que la vie d’un sportif repose sur trois piliers : Passion, scolarité et tissu social et familial. Et ces trois piliers, il faut savoir les préserver ».

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L’exemple de la natation vaut pour l’athlétisme, le basket, le handball et tous ces sports dans lequel les talents tricolores tentent d’exister. A l’exception du foot, qui dispose de structures professionnelles plus au fait des besoins en la matière, l’omnisport souffre d’un manque cruel de moyens et d’investissement de la part de l’État. « Le pack de performance mit en place par la fondation du sport français, qui permet d’aider de nombreux sportifs dans la construction de leur carrière, c’est une bonne chose, concède Jérémy Stravius. C’est efficace, ça marche. Mais il faut redoubler d’effort, ce n’est pas encore suffisant. Nous sommes une grande nation, on se doit d’avoir une grande délégation de sportif, pas uniquement dans la natation. Et ce n’est pas trop tard, même si les Jeux en France sont dans deux ans. On a peut-être loupé une petite génération de nageurs, c’est comme ça. Si on met en place des choses, quoiqu’il arrive, ça aidera. Et puis, la vie sportive ne s’arrêter pas en 2024 ! En tout cas, je l’espère… Il faut penser à 2028 et la suite »

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