Libéré mardi après 10 mois d'incarcération dans le cadre d'une enquête pour meurtre, le président d'Ajaccio, Alain Orsoni, savoure cette issue positive qu'il juge inéluctable. Le successeur de Michel Moretti tient à se remettre immédiatement au travail pour professionnaliser l'ACA.
On vous imagine soulagé après votre libération lundi… C’était une issue inéluctable car le dossier était totalement vide et ils ne pouvaient pas me garder. On était dans le cadre d’une juridiction d’exception et ça traînait en longueur. Cela m’a obligé à prendre les initiatives que vous savez (Alain Orsoni a réalisé une grève de la faim durant 37 jours). Je ressens une immense gratitude envers toutes les personnes qui se sont mobilisées dans un grand mouvement de solidarité.
Cet épisode m’a donné la volonté de poursuivre ce mouvement car il y a dans le fonctionnement de ces juridictions d’exception, un certain nombre de choses qui vont à l’encontre de la démocratie et du pays qui se veut le pays des Droits de l’homme.
Que reprochez-vous précisément dans ce dossier à la justice française ? Depuis le jour où j’ai été mis en examen, puis mis immédiatement en détention, le dossier est exactement le même qu’aujourd’hui. En dix mois, il n’y a pas eu un élément nouveau. S’il y avait une justification pour ma détention il y a dix mois, pourquoi suis-je libéré aujourd’hui et s’il n’y avait pas de justification il y a dix mois, pourquoi ai-je été incarcéré ?
Votre appartenance à un mouvement nationaliste par le passé a-t-elle joué en votre défaveur ? J’ai du mal à le croire. Depuis 13 ans, j’ai vécu en dehors de France. Je n’ai plus aucun engagement politique même si j’ai des convictions.
La justice semble encore enquêter dans ce dossier comme le montre la récente perquisition du Jirs au domicile de votre mère… C’était assez surprenant de faire ça le jour qui précède ma libération mais ils n’ont rien trouvé. Je suis totalement serein. Il est impossible qu’il y ait l’ombre d’un début de preuve à mon encontre.
Cette affaire n’est pas close puisque vous restez sous contrôle judiciaire… Oui, mais cela ne m’empêchera pas de me déplacer sur l’ensemble du territoire français et de reprendre mes fonctions de président de l’ACA dès demain. Je devrai signer une fois par semaine au commissariat pour montrer que je n’ai pas quitté le sol français mais je n’ai aucune intention de me soustraire à la justice. Mais ce n’est pas un scoop, cela se finira obligatoirement par un non-lieu. Il n’y aura pas de procès.
Votre club, l’ACA, s’est beaucoup mobilisé durant votre incarcération… On est un petit club avec des petits moyens mais nous possédons des valeurs familiales. J’avais présenté ma démission car je ne voulais pas que ma situation ait un écho néfaste pour le club. Elle a été refusée. Les joueurs, à qui l’ont n’a rien demandé, se sont mobilisés. Ils m’ont écrit et participé à des manifestations. C’est un réconfort moral important et je me sens aujourd’hui encore plus impliqué dans la vie de ce club. Ma détention m’a donné le temps de réfléchir aux actions à mener pour le bien de l’ACA et je vais m’y atteler dès mercredi.
En quoi consistent ces projets pour Ajaccio ? Nous avons un petit budget. Il faut savoir d’où on vient et où on veut aller. Parmi mes objectifs, je me suis fixé celui de donner au club des structures beaucoup plus professionnelles. Il faut améliorer l’accueil, amener un public plus nombreux. Je vais passer des conventions avec un certain nombre de collectivités pour travailler en partenariat avec d’autres clubs comme c’est le cas actuellement avec Marseille.
Ajaccio n’a qu’un bassin de population de 60 000 personnes. En terme de public, il ne faut pas espérer des miracles. Il faut trouver les moyens de communication, le relationnel pour grossir ce public. Il faut également renforcer la politique de formation et de détection pour renforcer progressivement un effectif à moindre coût.
Les travaux du stade ont eux bien avancé. Il est en phase de finalisation. L’ACA est l’un des rares clubs à être propriétaire de ses installations. Il est administré sous la forme d’une association. Les dirigeants sont bénévoles, moi y compris. Quand il y a des bénéfices, nous devons les réinvestir dans le club. Ce qui nous a permis de mettre 4 millions d’euros dans la construction du stade. Les subventions accordées par l’Assemblée de Corse et le Conseil général seront débloquées d’ici deux à trois mois et vont nous permettre d’achever les travaux.
Ces démarches que vous évoquées ne risquent-elles pas de se heurter à la mauvaise image dont vous pâtissez avec cette détention et votre passé de leader nationaliste ? Sur le plan de la Corse, je vous le dis sans ambiguïté, c’est impossible. Tout le monde a compris ici que cette affaire était plus que brinquebalante. Tout le monde se connaît ici. J’ai 56 ans et je n’ai jamais été impliqué dans une affaire de droit commun ou quoique ce soit. C’est vrai que je fus un temps un des leaders du nationalisme corse. Mais je suis un homme de conviction. Je n’ai rien à voir avec le milieu, la «voyoucratie» et les règlements de compte.
Avez-vous suivi de près les résultats de l’ACA durant votre détention ? En prison, on a pas mal de temps libre. J’ai suivi l’actualité à travers les journaux spécialisés. J’étais en contact par courrier avec les dirigeants du club. On ne gère pas le club depuis la prison mais j’étais consulté, je donnais des avis. J’étais au courant de tout ce qui se passait. Cela me permet de ne pas avoir été coupé des réalités. Dès mercredi, j’ai une réunion avec Léon Luciani qui m’a remplacé durant mon absence.
Les résultats ont-il pâti de votre détention ? Je ne le pense pas. A un moment, nous étions à deux ou trois points du podium mais nous n’avions ni l’effectif ni les moyens de lutter à ce niveau. Notre objectif, c’est le maintien. Nous restons sur une très mauvaise série avec cinq défaites de suite. J’espère que nous allons «fêter» ma libération vendredi face au Havre. Il faut être raisonnable. L’ACA, c’est seulement 6,5 millions d’euros de budget. C’est trois fois moins que les clubs qui luttent pour la montée. Il faut grandir de façon progressive pour concrétiser le rêve de Michel Moretti (l’ancien président de l’ACA aujourd’hui décédé) de revenir en Ligue 1. On va essayer de se donner les moyens de construire une saison plus ambitieuse l’année prochaine.
On sent que votre incarcération n’a pas affecté votre passion pour l’ACA… Je dirais même que cet épisode a renforcé mes liens avec ce club que j’ai repris en PHA avec mon ami Michel Moretti. Je l’ai mené jusqu’en Nationale 2 avec Michel. Je n’ai jamais rompu ce lien avec le club malgré mon départ de France. A la mort de Michel, sa famille m’a demandé de m’investir car il y avait des projets importants. J’ai un contrat moral avec Michel et les dirigeants du club. Je ne serai pas président de l’ACA à vie mais j’irai au terme des objectifs que je me suis fixé, c’est-à-dire l’inauguration d’un stade digne de ce nom et aux normes que j’appellerai stade Michel Moretti et la préparation de structures d’un club qui pourra, avec ses moyens, s’installer durablement dans le professionnalisme.
A quel terme, l’élite est-elle envisageable pour l’ACA ? Il faut avoir la lucidité de ne pas rêver. Dès aujourd’hui, nous allons nous donner les moyens sur 3 ans de tenter de pouvoir rejoindre l’élite du football français.